Pierre Ahlborn, administrateur délégué de la Banque de Luxembourg, souhaite «attirer l’attention du gouvernement sur certains aspects d’incohérences administratives ou fiscales qui peuvent se résoudre par de petits aménagements». (Photo: Marion Dessard)

Pierre Ahlborn, administrateur délégué de la Banque de Luxembourg, souhaite «attirer l’attention du gouvernement sur certains aspects d’incohérences administratives ou fiscales qui peuvent se résoudre par de petits aménagements». (Photo: Marion Dessard)

Comme si l’actualité ne nous rappelait pas suffisamment le besoin de populations – sous toutes les latitudes – de bénéficier d’aide, la philanthropie peut être source de solutions novatrices à des problèmes de société. Qu’ils soient ponctuels ou existant de longue date.

C’est en tout cas l’opinion de la Banque de Luxembourg qui, depuis 2008, s’est engagée à contribuer activement à «saisir l’opportunité de la philanthropie au Luxembourg», selon le titre d’un colloque organisé à l’époque. La rencontre avait été l’occasion de remettre au gouvernement Juncker un livre blanc signé par FSG Social Impact Advisors.

L’ouvrage avait pour objet d’apporter des pistes d’amélioration du cadre légal dédié à la philanthropie au Luxembourg. Si des avancées ont découlé de ce recueil, comme le lancement réussi de la Fondation de Luxembourg, un aménagement de la fiscalité ou encore une réflexion sur la loi de 1928, des améliorations sont encore possibles.

La philanthropie n’a pas pour ambition de changer le monde, elle n’en a d’ailleurs pas les moyens.

Pierre Ahlborn, Banque de Luxembourg

«Nous ne sommes pas encore arrivés au bout de la réflexion pour créer un environnement exemplaire en matière de philanthropie», déclare Pierre Ahlborn, administrateur délégué de la Banque de Luxembourg. «La philanthropie n’a pas pour ambition de changer le monde, elle n’en a d’ailleurs pas les moyens.» Pour autant, elle est loin d’être marginale dans un pays, le Grand-Duché, progressivement soumis aux conséquences de crises financières répétées ainsi qu’aux défis transfrontaliers posés par l’augmentation des inégalités et des flux migratoires.

La banque a donc décidé de se remettre à l’ouvrage en réunissant un groupe de travail pour dégager de nouvelles pistes concrètes qui sont soumises au gouvernement. Le Premier ministre, Xavier Bettel, s'est en effet vu remettre, par l'intermédiaire de son représentant (le Conseiller de gouvernement 1ère classe au ministère d'État Marc Baltes), le cahier de réflexion «L’opportunité de la philanthropie» au siège de la Banque de Luxembourg durant une conférence organisée mardi soir sur la thématique de la philanthropie.

«Nous ne demandons pas de fonds ni un effort démesuré, mais nous voulons attirer l’attention du gouvernement sur certains aspects d’incohérences administratives ou fiscales qui peuvent se résoudre par de petits aménagements», ajoute Pierre Ahlborn.

Quatre propositions concrètes

Le document est issu des discussions de ce groupe de travail réunissant plusieurs personnalités impliquées dans la philanthropie (Pierre Bley, président de l’Œuvre nationale de secours Grande-Duchesse Charlotte; Étienne Eichenberger, associé et fondateur de Wise Philanthropy Advisors à Genève; Marc Elvinger, avocat chez Elvinger Hoss & Prussen; Wilfried Meynet, avocat à Marseille et à Luxembourg; Roger Molitor, représentant la KPMG Foundation, Omega 90, ainsi que Philippe Depoorter et Diane Wolter de la Banque de Luxembourg).

Les échanges ont permis de dégager quatre grandes propositions concrètes. Toutes trouvent un exemple de réalisation et d’inspiration à l’étranger.

1. Développer dès le plus jeune âge une culture de la philanthropie à l’école.

2. Faire du Luxembourg une «terre de philanthropie» via la création d’une chaire ou d’un centre d’excellence universitaire.

3. Donner «à lire et à vivre» la philanthropie, en établissant:

    • une «Maison de la philanthropie» qui servirait de lieu de networking et de co-working;
    • des moments de rendez-vous de grande ampleur à l’instar d’une «Journée annuelle de la philanthropie» qui se fait déjà à l’étranger.

    4. Une meilleure coordination et fédération du secteur associatif et de ses acteurs pour mieux faire valoir leurs besoins et favoriser le partage d’expérience.

    Vouloir faire le bien et bien le faire sont deux choses différentes.

    Philippe Depoorter, Banque de Luxembourg

    «La philanthropie ne se décrète pas», observe Philippe Depoorter, secrétaire général de la Banque de Luxembourg. «Nous nous rendons compte que les initiatives et les engagements de part et d’autre sont nombreux au Luxembourg, mais nous ne sommes pas encore au niveau des autres pays», pensant notamment à la culture philanthropique anglo-saxonne.

    Créer une sécurité juridique

    Outre ces suggestions, le document préconise trois modifications ponctuelles à la loi de 1928 régissant les fondations d’intérêt public: rendre possible la détention d’immeubles autrement que pour les besoins opérationnels de la fondation; supprimer complètement les droits de succession et de donation; assimiler des dons en nature aux dons numéraires de façon à les rendre déductibles.

    «Il est impératif de créer plus de sécurité juridique, de prévisibilité et de lisibilité pour ce qu’il est possible de faire au Luxembourg et à quelles conditions», explique Marc Elvinger.

    Et de citer l’exemple du ministère de la Justice qui, en tant que guichet unique pour les demandes d’établissement de fondation (hormis celles abritées par la Fondation de Luxembourg), tient un rôle de gardien plutôt que de conseiller.

    La diversité des fondations, initiées par des particuliers ou des entreprises, disposant de peu ou de beaucoup de capital ou gérant (un aspect moins répandu) directement une entreprise fait du Luxembourg un potentiel «hub» international.

    Une émulation bienvenue à l’heure du nation branding en construction et qui sera visible ce samedi 17 octobre à l’occasion de la deuxième édition de «La philanthropie ça marche!» qui mettra en lumière 12 projets confirmés ou innovants pour matérialiser une notion qui semble parfois inaccessible.

    Le grand public est invité à rejoindre la place d’Armes dès 10 heures pour venir à la rencontre des visages derrière ces 12 initiatives.