Me Ariane Claverie - Avocat à la Cour - Partner - CASTEGNARO-lus Laboris Luxembourg Crédit Photo: Castegnaro-lus Laboris Luxembourg

Me Ariane Claverie - Avocat à la Cour - Partner - CASTEGNARO-lus Laboris Luxembourg Crédit Photo: Castegnaro-lus Laboris Luxembourg

Le fait pour un salarié d’être qualifié de cadre supérieur n’est pas anodin. En effet, les cadres supérieurs au Luxembourg ne sont soumis ni aux dispositions sur la durée du travail ni en principe à l’éventuelle convention collective applicable au sein de l’entreprise ou du secteur1.

Ainsi, bien que les cadres supérieurs bénéficient des dispositions légales protectrices en matière de jours fériés légaux, qu’ils soient travaillés ou non, ils sont cependant exclus du bénéfice des dispositions légales concernant les heures supplémentaires et le travail le dimanche. Afin d’éviter les abus, le législateur est intervenu en 2004 afin de limiter les cas où un salarié pourrait être considéré comme «cadre supérieur», en s’inspirant des principes dégagés par la jurisprudence de l’époque2.

Il convient de rappeler que, conformément aux articles L. 162-8 et L. 211-27 (5) du Code du travail, sont considérés comme cadres supérieurs les salariés disposant d’un salaire nettement plus élevé que celui des salariés couverts par la convention collective ou barémisés par un autre biais,

  • tenant compte du temps nécessaire à l’accomplissement des fonctions, si ce salaire est la contrepartie de l’exercice d’un véritable pouvoir de direction effectif, ou
  • dont la nature des tâches comporte une autorité bien définie, une large indépendance dans l’organisation du travail et une large liberté des horaires du travail et notamment l’absence de contraintes dans les horaires.

 

La Cour d’appel a récemment rappelé les critères concrets pour déterminer si un salarié est cadre supérieur ou non3.

 

1. Contrat de travail

Il convient en premier lieu de vérifier si le contrat de travail indiquait la qualité de cadre supérieur du salarié. Dans l’affaire commentée, le contrat de travail précisait que le salarié n’avait pas droit au paiement des heures supplémentaires et n’était pas soumis à la convention collective applicable.

Il revenait donc au salarié, qui réclamait le paiement d’heures supplémentaires, de prouver qu’il n’était en réalité pas un cadre supérieur.

 

2. Rémunération, Fonctions et Degré de liberté du salarié

Dans l’affaire commentée, la Cour d’appel note que le salarié touchait un salaire mensuel de 4.600 euros (indice 719,84), qu’il disposait d’un véhicule de fonction qu’il pouvait utiliser à titre privé avec une carte d’essence et qu’il pouvait bénéficier d’une prime annuelle en fonction des résultats de la société. Sa rémunération mensuelle s’élevait au jour de son licenciement à 4.953,66 euros brut, soit 13,60 % plus élevé que celle prévue par la convention collective si elle avait été applicable.

En ce qui concerne l’existence d’un pouvoir de direction effectif, le salarié occupait un poste de «manager PLC» et il ne rendait compte à aucun supérieur hiérarchique de son activité. Le seul fait qu’à partir d’un certain moment le salarié n’était plus invité à participer aux réunions du conseil d’administration élargi, et respectivement n’en faisait plus partie, n’était pas pertinent dans l’analyse de son pouvoir de direction au sein du département.

Étant donné qu’il était reproché au salarié, dans le cadre de son licenciement, de ne pas s’être présenté sur un chantier en Russie, alors que son employeur le lui avait expressément demandé, le salarié utilisait cet argument pour faire valoir que s’il avait eu une large indépendance dans l’organisation de son travail et une absence de contraintes dans les horaires de travail, il aurait pu refuser d’aller en Russie et envoyer un autre membre de son département, sans encourir de sanction de la part de son employeur.

Pour la Cour d’appel, ce faisant, le salarié omettait de tenir compte du fait que les grandes libertés dont il bénéficiait dans l’organisation de son service ne pouvaient cependant s’exercer que dans les limites du lien de subordination qui le liait à son employeur. Par ailleurs, et si le salarié en tant que cadre supérieur n’était pas soumis à un horaire strict, il lui appartenait cependant de prévenir son employeur en cas de départ de son poste de travail.

Les demandes en paiement d’heures supplémentaires et de majorations de salaires pour heures de travail prestées la nuit, le dimanche et les jours fériés4 du salarié ont donc été rejetées par la Cour. La liberté dans l’organisation du travail et les horaires de travail accordée aux cadres supérieurs par la loi n’implique donc pas que ces derniers agissent comme bon leur semble. Leur liberté doit être utilisée pour le bon fonctionnement de l’entreprise, et non pour leurs besoins personnels.

 

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1 Sauf disposition contraire de la convention collective, ou si une convention collective particulière est adoptée spécifiquement pour les cadres supérieurs, ce qui est rare.

2 Loi du 30 juin 2004 concernant les relations collectives de travail, le règlement des conflits collectifs de travail ainsi que l’Office national de conciliation, Mémorial A, p. 1782.

3 Cour d’appel, 7 juin 2018, n°45229 du rôle.

4 En principe, les cadres supérieurs ne sont pas exclus des dispositions sur la rémunération des jours fériés légaux.