Sept ans après l’accident majeur qui a affecté la centrale de Fukushima, l’industrie de l’atome repart de l’avant. (Photo: EDF / DR)

Sept ans après l’accident majeur qui a affecté la centrale de Fukushima, l’industrie de l’atome repart de l’avant. (Photo: EDF / DR)

Après Tchernobyl et Fukushima, l’avenir de l’énergie nucléaire semblait définitivement scellé. Sous la pression de l’opinion publique, alertés par la dangerosité des centrales, certains pays comme l’Allemagne avaient d’ailleurs choisi de se désengager de la filière sans tarder. Sept ans après l’accident majeur qui a affecté la centrale de Fukushima, l’industrie de l’atome repart pourtant de l’avant, portée par la demande mondiale en électricité, l’envolée du prix du baril de pétrole et la nécessité d’en finir avec les énergies carbonées.

Devant l’urgence climatique et conscients que la production d’énergies renouvelables ne permettra pas de compenser la fermeture des centrales thermiques avant plusieurs décennies, les gouvernements des grands pays industrialisés se tournent de nouveau vers le nucléaire.

De nombreux projets émergent ainsi aux quatre coins du monde. Les catastrophes récentes ont toutefois changé en profondeur le regard que l’on porte sur l’atome et ses usages civils. Les citoyens sont désormais sensibilisés aux risques de ces installations et à une donnée que les politiques et les industriels ont longtemps cachée: le coût extrêmement élevé du démantèlement des centrales devenues obsolètes. Pour les techniciens en charge de développer les prochaines générations de centrales, la priorité porte sur le renforcement de la sécurité et sur l’abaissement des coûts.

L’EPR plombé par les dépassements de délais et de coût

Pour Areva (devenue depuis Orano) et EDF, il ne faisait aucun doute que l’avenir de la filière nucléaire passait par l’EPR (European pressurised reactor). La situation apparaît aujourd’hui bien plus incertaine. Les problèmes techniques ont en effet considérablement retardé l’ouverture des premières centrales et fait grimper la facture de plusieurs milliards d’euros. Ainsi, l’EPR de Flamanville devrait finalement entrer en service en 2020 avec plus de huit ans de retard sur le calendrier initial. Et avec un coût triplé par rapport au budget de départ!

La situation n’est pas meilleure du côté de la Finlande, où la centrale d’Olkiluoto ne devrait pas être opérationnelle avant septembre 2019… Dix années tout juste après la date prévue. Entrée en phase de production au mois de juin, l’EPR de Taishan a lui aussi accumulé les déconvenues (son entrée en fonction devait initialement s’effectuer en 2015). Avec 15 mois de retard, l’EPR d’Hinkley en Angleterre passerait presque pour le bon élève de la classe…

Ces difficultés soulèvent de nombreuses interrogations sur la pérennité du projet EPR. Initié à la fin des années 80, l’EPR est une évolution des réacteurs à eau sous pression en fonctionnement en France et dans la plupart des pays. Si ses promoteurs mettent en avant les progrès en matière de puissance (1.600 mégawatts par réacteur) et une sécurité accrue, certains spécialistes pointent du doigt le manque d’innovation de l’EPR, un défaut encore renforcé par le retard pris par le projet, qui le place potentiellement sous la menace de technologies disruptives en cours de développement. D’autant que le coût de ces centrales s’annonce extrêmement élevé. À Flamanville, les 3,5 milliards d’euros budgétés à l’origine sont devenus 10,5 milliards. Même tendance en Finlande et en Chine, où la facture dépassera finalement les 8 milliards.

Des centrales plus petites et moins chères 

Si l’EPR a fait le choix de la puissance, le coût de ces centrales les rend inaccessibles aux pays avec un budget limité. Pour ceux-ci, la solution pourrait passer par des centrales de taille modeste, les SMR (small modular reactors), que l’on utilise sur les navires à propulsion nucléaire. Le principe consiste à assembler plusieurs de ces réacteurs pour former des centrales bon marché délivrant une puissance certes modeste, mais adaptée aux besoins de villes de régions.

La société russe Rosatom vient ainsi de mettre à l’eau l’Akademik Lomonosov, une centrale flottante équipée de deux réacteurs de 35MW chacun (à rapprocher des 1.600MW de Flamanville), capables de couvrir la consommation de 200.000 personnes.

D’autres projets de ce type sont en développement en Corée, en Angleterre, aux États-Unis ou en France. Un consortium regroupant EDF, TechnicAtome, Naval Group et le CEA travaille ainsi sur le projet d’un SMR d’une puissance de 150 à 170MW. Ces petits réacteurs s’avèrent bien plus simples et économiques à fabriquer puisque la production s’effectue dans des usines et en petite série.

La quatrième  génération de centrales se profile 

Pour découvrir le nouveau visage du nucléaire civil, il faudra patienter encore puisque la quatrième génération de centrales ne devrait pas sortir de terre avant 2030 au plus tôt. Chapeautées par le Generation IV International Forum (GIF), différentes technologies devraient alors coexister avec pour objectif commun de gommer les défauts inhérents à cette source d’énergie. Les chercheurs travaillent ainsi à améliorer la sûreté de façon drastique. Ils visent également à réduire les coûts, générer moins de déchets radioactifs – dont le retraitement est difficile, cher et souvent impossible –, et enfin permettre la construction d’unités de puissance variée.

De multiples projets sont menés à travers le monde. Les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium, une piste explorée par le CEA depuis Phénix et Superphénix, peuvent par exemple fonctionner à partir d’uranium usé et de plutonium. Autre technologie envisagée, les réacteurs nucléaires à très haute température (ou VHTR) emploient pour leur part des billes d’uranium et de thorium en guise de carburant.

Ils offrent un rendement élevé et présentent un niveau de sécurité élevé, la fusion du cœur étant impossible, contrairement à ce qui s’est produit à Fukushima. Certains acteurs industriels misent plutôt sur les réacteurs à neutrons rapides refroidis au plomb ou sur les réacteurs à sels fondus. Cette dernière technologie, jugée sûre et économique, a retenu l’attention de start-up ambitieuses, à l’image de TerraPower, une jeune pousse financée notamment par Bill Gates. Une vraie nouveauté sur un secteur sensible dominé jusqu’ici par des géants industriels et des acteurs d’État.