Véronique Filip (Deloitte)  (Photo : Olivier Minaire)

Véronique Filip (Deloitte)  (Photo : Olivier Minaire)

La marque est un élément essentiel du développement et du marketing d’une entreprise. Issue d’un savant dosage, elle est malheureusement trop souvent négligée.

Madame Filip, qu’est-ce qu’une marque ? Y a-t-il de vraies marques au Luxembourg ? Ne sont-elles pas limitées aux entreprises ayant des produits grand public ?

« Bien sûr qu’il y a des marques au Luxembourg… et bien plus qu’on ne le croit à première vue. Souvent, les entreprises réduisent la marque à un branding, qui reprendrait simplement les attributs du produit ou son descriptif technique. Or, une marque, c’est une combinaison de quatre facteurs : un ensemble d’avantages ou d’attributs produits, un ensemble de personnes, une culture d’entreprise et, enfin, des valeurs émotionnelles. Les consommateurs achètent une marque car elle correspond soit aux valeurs qu’ils possèdent, soit aux valeurs aux­quelles ils aspirent. Dans l’acte de consommer, au sens large, il y a un désir très fort d’appartenance, quel que soit le domaine : produits grand public, services, etc.

La marque permet ainsi se différencier de la concurrence, à partir d’autre chose que le prix et ce, quel que soit le secteur d’activité. Négliger sa marque, c’est se couper de tout ce qui est émotionnel et qui, justement, fait que le consommateur ou le client vont acheter ou non un produit ou un service. La marque, son positionnement, son entretien, sont des éléments majeurs d’une bonne stratégie marketing et commerciale.

Or, précisément quand tout va bien, on ne fait pas, ou peu, de marketing de marque, car c’est inutile, pense-t-on. Quand les choses vont moins bien, en période de crise notamment, cela devient un peu plus compliqué… faute de moyens.

Y a-t-il une raison expliquant le peu d’attention que les entreprises portent à leur marque, alors même qu’elles sont sensibles à leur dévelop­pement commercial ? Pourquoi cet aspect est-il souvent négligé ? Quelles en sont les conséquences ?

« Ces dernières années, avec la crise, les budgets marketing des entreprises se sont trouvés limités. Concrètement, on a sévèrement réduit les budgets alloués aux études de marché, aux campagnes d’image et aux campagnes d’entretien de la marque.

A contrario, on a fait de la promotion des ventes, avec des prix ‘toujours moins chers’, des ‘offres spéciales’, très attirantes en temps de crise, mais qui ont peu à peu conduit le consommateur à s’interroger : ‘Pourquoi acheter au prix fort alors qu’il y aura bientôt une promotion ?’ Et inversement : ‘Pourquoi acheter un produit de ‘marque’ puisque, somme toute, celui-ci ne vaut pas ‘plus’ qu’un produit standard ?’

Rapidement, les marques se sont globalement dépréciées aux yeux des consommateurs, alors même qu’il avait fallu des années, parfois des décennies à certaines pour se construire.

On pouvait s’y attendre, une telle stratégie se révèle plutôt néfaste à moyen terme et, à l’heure actuelle, chacun doit s’employer à reconstruire sa marque. Ainsi cette année, on observe que, dans les pays voisins du Luxembourg, le nombre d’études de marché qualitatives remonte en flèche. On constate également le retour des campagnes de fidélisation, voire même des grandes études de positionnement.

Le même phénomène s’observe bien entendu au Luxembourg. Et gageons que, dans les années à venir, les entreprises du Luxembourg s’emploieront à exploiter pleinement le potentiel de leur marque, conscientes d’avoir entre leurs mains un atout majeur pour soutenir leur croissance. »