Françoise Roche (Photo: David Laurent/Wide)

Françoise Roche (Photo: David Laurent/Wide)

Françoise Roche est director HR & Finance, Orange Luxembourg

Madame Roche, vous êtes à la fois directrice financière et des ressources humaines. Quel est le contexte d’Orange au Luxembourg  ?

« L’entreprise est jeune. Partie de rien, elle a connu un succès immédiat. En 2003, les deux entrepreneurs luxembourgeois qui se sont lancés pour créer VoxMobile, Jean-Claude Bintz et Pascal Koster, étaient un peu des pionniers. Ils ont apporté un dynamisme, transmis aux équipes qui ont grandi avec l’entreprise. Je n’étais pas encore là, mais c’étaient des années formidables, avec un esprit start-up et, forcément, une grande solidarité entre employés.
En 2007, la société a été rachetée par le groupe France Télécom Orange, via sa filiale belge Mobistar. Et en 2009, VoxMobile est devenue Orange Luxembourg. C’était plus qu’un rebranding : on se retrouvait avec un passé porteur et une nouvelle identité basée sur une marque forte et reconnue, de même qu’un modèle de décision différent.

Cela a-t-il représenté un grand défi pour la gestion des ressources humaines ?

« Tout le challenge des RH a été – et est d’ailleurs toujours – de conserver les valeurs qui ont fait le succès de VoxMobile sur le marché luxembourgeois, dans ce nouvel environnement, différent, plus lourd peut-être. Justement, l’enjeu est de conserver l’agilité et la réactivité d’une petite structure, comme nous le restons malgré tout, tout en tirant parti du fait d’appartenir à un grand groupe international, qui compte plus de 170.000 employés dans quelque 35 pays à travers le monde.

Orange Luxembourg demeure une PME, plutôt moyenne que petite aujourd’hui. Est-elle toujours en phase d’embauche ?

« Actuellement, nous sommes 150 salariés, dont environ un tiers sont au contact direct du client, dans la vingtaine de points de vente répartis dans le pays. Nous avons dix shops que nous gérons en direct, les autres étant des stands ouverts, notamment dans les supermarchés, mais avec notre propre personnel, en prise directe avec le marché, très dynamique et évidemment très concurrentiel.

La société a embauché 15 à 20 % de personnel en plus chaque année. Cette régularité persiste, même si les chiffres tendent à se stabiliser. Comme la base clients a encore augmenté de quelque 17 % en 2010, il nous faut avoir le personnel en conséquence, surtout pour la vente et le conseil clientèle. Mais sans excès. Nous avons atteint une bonne taille d’entreprise et nous sommes en phase de consolidation.

Comment s’organise votre gestion pratique des RH  ?

«  Nous sommes deux, pour gérer l’ensemble des salariés. Nous recourons à une fiduciaire pour les fonctions de support, fiches de paie, etc. Et parfois à des partenaires extérieurs pour des événements. Nous nous concentrons sur le recrutement, sur la communication interne et sur la stratégie. Nous bénéficions de l’appui des équipes et des outils mis en place au sein du groupe Orange, en particulier de la structure RH de Mobistar, pour tout ce qui concerne la partie compensation and benefits, évaluation des performances et le training.

Il y a donc une politique très définie en la matière ?

« Nous nous inscrivons dans le cadre d’un plan, baptisé Conquest 2015. Ce programme a été mis en place par Stéphane Richard lors de son arrivée à la tête du groupe France Télécom Orange. Et ce plan faisait suite à une crise sociale qui a fait du bruit en France. Il y avait à la fois un besoin de stratégie RH et une réelle envie d’apporter du neuf dans la gestion des ressources.

Orange Luxembourg est bien impliquée dans ce processus, axé autour des trois piliers que sont nos employés, nos clients et la société. Nous avons une forme de charte, des engagements et des objectifs. Nos salariés sont nos meilleurs ambassadeurs. Nous devons apporter un environnement stimulant, inspirant, dans un souci de collaboration aisée et efficace. On doit pour cela communiquer à l’intérieur de la société, de façon régulière, ouverte, efficiente. Et permettre à nos salariés un développement personnel, qui va de pair avec la croissance de l’entreprise.

Comment cela se manifeste-t-il concrètement, en termes de formation par exemple ?

« La formation est un axe privilégié. C’est indispensable parce que l’environnement technique est en mutation perpétuelle. Et, aussi, parce que nous avons des profils très différents, des ingénieurs aux vendeurs. Avec l’appui de Mobistar, nous disposons d’un catalogue training très fourni et très souple, adapté à nos besoins.

Il y a en outre une remise en question constante. Là aussi, des outils développés au sein du groupe, pour l’évaluation des performances et des objectifs, permettent un exercice important auquel on se livre deux fois par an. Avec nos managers, avec tous nos salariés, on fait le point.

Et ce système est-il bien accepté ?

« Oui, parce qu’il y a une demande. Les salariés souhaitent être appréciés, dans tous les sens du terme. Et cela rejoint nos objectifs. Cela passe par une auto-évaluation, par une discussion avec les managers, par une définition des objectifs qui est partagée, de manière horizontale et verticale. Les gens de terrain vivent l’entreprise et côtoient le client ; ils peuvent faire remonter les informations de la source, apporter leur contribution. L’évolution personnelle est clairement mise en avant alors. On la retrouve dans la vision salariale, avec un système de bonus, liés aux performances de l’entreprise d’une part, aux performances individuelles de l’autre. Au-delà des idées et des mots, je constate une belle fidélité au sein du personnel. Certains sont là depuis le début.

Le contexte réglementaire a changé aussi. Cela a-t-il eu un impact ?

« Oui, sur la facturation par exemple. Bien entendu, il faut s’adapter aussi. Et c’est là que l’on mesure d’autant mieux l’adossement aux outils et méthodes d’un groupe bien structuré. Nous travaillons de plus en plus sur des plates-formes communes. Et le fait d’avoir une feuille de route RH bien définie facilite les choses.

Rencontrez-vous facilement vos besoins en recrutement ?

« Nous avons un turnover assez bas, essentiellement dans notre front-office. Nous recrutons en permanence des conseillers clientèle, des agents pour le call center ou pour l’administration des ventes. Nous recevons beaucoup de candidatures spontanées, et nous avons de bons retours à nos offres d’emploi.

Mais nous avons des difficultés, parfois, sur les profils linguistiques, en particulier le luxembourgeois. Une bonne connaissance des langues est évidemment un atout pour être au contact d’une clientèle à la fois locale et cosmopolite. Nous gérons, dans 95 % des cas, ces recrutements nous-mêmes, en interne. Mais il nous arrive de faire appel à des cabinets de recrutement pour des profils très spécifiques, très techniques surtout. La mobilité interne au sein du groupe fonctionne assez bien… une fois passé le cap de la conviction pour attirer des gens, issus des quatre coins des pays limitrophes, au Luxembourg.

Les exigences des candidats ont-elles évolué également  ?

« Oui, mais davantage dans le sens du développement personnel, de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le marché est globalement plus serein, plus réfléchi. Et, dans nos métiers, nous ne sommes pas dans un environnement où l’on court le plus offrant. Ce serait d’ailleurs réducteur, puisque le marché est petit, avec trois opérateurs.

Et le profil du DRH, doit-il être spécifique selon vous ?

« Étant directeur financier et issue d’une formation économique pure, je suis sûre que je ne rentrerais pas dans les cases pré-formatées… Cela étant, il me paraît indispensable d’avoir un intérêt pour l’humain. Avoir la gestion financière en parallèle n’est pas incompatible, surtout dans une structure de taille moyenne.

On est dans une fonction de top management et on doit être au plus près des décisions. Le DRH doit avoir une vision de la stratégie globale de l’entreprise, de ses objectifs et de ses résultats. Cela définit ce que l’on veut atteindre en termes de gestion des ressources humaines et cela doit se décliner, surtout, en actions concrètes. Quand on va au-delà des mots, on gagne en crédibilité auprès des salariés.

Quels sont, dès lors, vos chantiers de chevet ?

« Nous menons actuellement, au sein du groupe, un travail de fond sur la diversité des genres. Orange Luxembourg compte 36 % de femmes, 64 % d’hommes. Et la proportion de femmes est très basse dans les métiers techniques. Notre objectif est d’équilibrer, en tout cas de nous assurer qu’il n’y ait pas de frein à l’embauche des femmes.

Nous voulons assurer aussi une meilleure égalité dans les évolutions de carrière et favoriser l’accès des femmes à des postes de management. Leur style est différent : les femmes passent par exemple plus de temps au contact de l’équipe et moins avec leur responsable direct. C’est une approche intéressante et enrichissante. Ce serait stupide de s’en priver. »


PARCOURS -  « Une fonction un peu schizophrène »

À 43 ans, Françoise Roche a une expérience professionnelle très variée, qui ne la prédestinait sans doute pas à une fonction HR. Diplômée de l’École Supérieure de Commerce de Reims, elle a longtemps travaillé sur Paris. D’abord dans le secteur bancaire, puis dans les services (location de véhicules), dans le secteur pétrolier et, déjà, les télécoms. Mais toujours dans des fonctions financières : l’audit interne, le reporting, le contrôle...

Françoise Roche a quitté Paris pour Luxembourg en 2004. Elle a alors pendant deux ans été CFO de Dimension Data. Puis elle a rejoint Orange Luxembourg – qui s’appelait encore VoxMobile – en 2006, en tant que directrice HR & Finance. « J’ai eu cette chance de pouvoir élargir en même temps mon horizon et mon domaine de responsabilités, en prenant, en plus des questions financières, la gestion des ressources humaines. Cette double fonction est un peu schizophrène. Mais j’ai une très bonne équipe, dans les deux domaines, qui sont plus complémentaires qu’opposés. Surtout dans un structure comme celle d’Orange, où la polyvalence est importante. »  A. D.