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Marco Houwen, président de l’asbl Lu-Cix. 

Le secteur de l’ICT au Luxembourg, autour des centres de données et du cloud computing, a connu un essor important au cours de ces dernières décennies.

«Des services à haute valeur ajoutée, au départ d’infrastructures redondantes et hautement sécurisées, ont progressivement vu le jour. Elles sont venues répondre aux besoins des acteurs, principalement du secteur financier, tout en permettant à des géants du digital de se développer à partir du Grand-Duché», commente Marco Houwen, président de l’asbl Lu-Cix, dont l’une des missions est de promouvoir le développement des activités liées à l’internet au Luxembourg. «Le secteur s’est notamment construit en profitant d’une réglementation stricte visant à garantir un haut niveau de confidentialité, exigeant que les données des acteurs bancaires ne quittent pas le territoire luxembourgeois.»

Une ouverture porteuse d’opportunités

Depuis lors, cependant, le cadre s’est ouvert. La circulaire cloud, publiée au printemps 2017 par la CSSF, autorise désormais les acteurs du secteur financier à recourir à divers services IT qui s’appuient sur les offres de cloud public proposées par des sociétés d’envergure internationale comme Amazon, Microsoft ou encore Google.

Les institutions financières, pourtant réputées conservatrices dans leur approche de gestion de la donnée, migrent donc progressivement vers une utilisation de ressources informatiques mutualisées à l’échelle de l’Union européenne. Cette tendance n’est évidemment pas sans conséquence pour les prestataires de services IT luxembourgeois.

Cette ouverture peut être considérée comme une difficulté ou comme une opportunité.

Marco HouwenMarco Houwen, Président (Lu-Cix)

«Cette ouverture peut être considérée comme une difficulté ou comme une opportunité. Elle s’inscrit dans le sens naturel du progrès. La situation qui prévalait il y a encore deux ans était assez anachronique et allait finir par peser sur la compétitivité des acteurs présents au Luxembourg», assure Marco Houwen. «Je pense donc qu’il était nécessaire d’évoluer et que les acteurs de l’ICT doivent aujourd’hui se repositionner pour aller chercher du business en dehors du Luxembourg. Chacun doit se réinventer, se repositionner.»

Innover à travers le service

Les prestataires de services digitaux, d’une part, doivent aider leurs clients à transformer leur environnement informatique pour leur permettre de profiter des possibilités offertes par le cloud public tout en garantissant une réelle maîtrise des données. D’autre part, c’est dans l’innovation que les acteurs de l’ICT doivent investir pour se développer.

«La valeur se crée désormais à travers le service et le développement de solutions nouvelles, plus que par la mise à disposition de ressources informatiques», précise Marco Houwen. «Il faut désormais pouvoir mettre en œuvre de nouvelles solutions, en s’appuyant sur des capacités de calcul ou d’hébergement existantes, peu importe où elles se trouvent, pour répondre à des problématiques rencontrées par les organisations.»

Promouvoir un environnement de confiance

Dans cet environnement ouvert, Luxembourg a de beaux atouts à faire valoir. De nouvelles offres peuvent être construites au départ des compétences informatiques qui permettent de répondre au haut niveau d’exigence du secteur financier. «Il y a une belle carte à jouer en positionnant Luxembourg comme la plate-forme permettant de garantir un niveau de sécurité des données très élevé et la disponibilité de tout service digital», précise le président de Lu-Cix. «Luxembourg doit promouvoir un environnement de confiance.» 

En 15 ans, le pays s’est doté d’une infrastructure de connectivité de pointe, en se dotant d’un réseau de fibre national, en développant des connexions à large bande passante avec les autres grandes Places européennes, en mettant en œuvre des centres de données répondant aux normes les plus élevées. «En 2007, Luxembourg était encore un cul-de-sac de l’internet. Aujourd’hui, c’est une plate-forme par laquelle transitent les échanges à l’échelle européenne, garantissant un niveau de sécurité extrêmement élevé pour tout service numérique», assure Marco Houwen.

Stabilité et sécurité

Le défi aujourd’hui est de faire valoir et de renforcer cet environnement de confiance. Et l’État s’y attèle. Récemment, le gouvernement a annoncé la mise en œuvre d’une infrastructure visant à protéger le réseau national et ses infrastructures critiques contre les attaques de type déni de service (DDoS).

Luxembourg est aussi l’un des premiers pays à accueillir une ambassade digitale, celle de l’Estonie en l’occurrence. Le pays balte sécurise à travers elle toutes les données vitales à son bon fonctionnement.

Luxembourg a beaucoup de choses à faire valoir pour garantir la confiance des acteurs.

Marco HouwenMarco Houwen, Président (Lu-Cix)

«C’est quelque chose d’exceptionnel, qui démontre la robustesse de notre environnement. Luxembourg a beaucoup de choses à faire valoir pour garantir la confiance des acteurs. Au niveau réglementaire par exemple, la loi garantit la préservation des données et leur récupération par les ayants droit dans le contexte de faillite d’un opérateur cloud ou de data center», poursuit Marco Houwen. «La volonté de garantir la neutralité de l’internet, de plus en plus mise à mal de par le monde, est aussi inscrite dans le nouvel accord de gouvernement. Dans un monde toujours plus incertain, les acteurs importants chercheront à se tourner vers des environnements et des prestataires qui offrent les meilleures garanties de sécurité et de stabilité.» 

Nouveau marché, nouvelles niches

Il appartient désormais aux prestataires de services ICT luxembourgeois d’aller à la rencontre des acteurs numériques à travers le monde.

«Il y a un nouveau marché qui s’ouvre. Tous les acteurs ne seront sans doute pas prêts à payer pour une garantie de sécurité optimale, mais beaucoup n’hésiteront pas. Il nous faut trouver de nouvelles niches. Dans le domaine de la santé, de la défense, de la finance, il y a certainement beaucoup d’opportunités. Des acteurs de l’e-commerce, dont le modèle dépend de la disponibilité du service, constituent aussi des interlocuteurs potentiels», assure Marco Houwen. «D’autre part, avec le développement de l’internet des objets et de la 5G, les activités de stockage et de traitement de volumes importants de données vont voir le jour. Ce sont aussi des développements qu’il faudra pouvoir accompagner. Dans ce contexte, le supercalculateur (HPC) peut aussi constituer un atout pour le Luxembourg.»