Monsieur Fritsch, pouvez-vous nous rappeler le programme de ce projet?
«Il s’agissait de créer un nouvel arrêt de train au pied du Pont Rouge et de le relier au tram qui se situe au niveau de la place de l’Europe. Ceci semble simple, mais nous avions comme contrainte de pouvoir évacuer la capacité de deux trains, soit plus ou moins 1.200 personnes, en environ 10 minutes, temps de latence entre les trains. Nous avons envisagé plusieurs modes de liaison, dont une solution avec des escalators doublés d’un ascenseur, mais cette solution s’est avérée techniquement irréalisable. De plus, les escaliers mécaniques en extérieur demandent un entretien conséquent, ont un risque d’accident élevé, peuvent créer des files d’attente importantes et ne permettent pas d’accueillir les chaises roulantes, poussettes et vélos. La solution d’ascenseur s’est aussi avérée impossible, car il devait être positionné loin dans la roche, impliquant donc la création d’un tunnel, ce qui est fort peu convivial. Toutes ces raisons nous ont conduits à la mise en place du funiculaire, qui est sécurisant, permet d’accueillir les PMR, les vélos et les poussettes, et présente une capacité suffisante puisque chaque trajet est desservi par deux cabines qui ont chacune une capacité de 178 personnes, et la montée ou la descente se fait en 63 secondes.
Quels sont les défis techniques qu’il a fallu relever?
«Le chantier a été assez compliqué. Nous sommes sur un site avec une très forte pente, près de 20% de dénivelé, et avec une circulation ferroviaire qui a été maintenue pendant la durée des travaux. Le gros œuvre n’a donc pas été facile à mettre en place. La réalisation des murs de soutènement en particulier a été un vrai défi. L’acheminement et la mise en place des poutres qui traversent les rails en ont été un autre.
L’équipement se situe dans une zone boisée. Quelles ont été les contraintes par rapport à l’intégration paysagère?
«Dès le début du projet, nous avons travaillé en concertation avec les différents services ministériels, l’Environnement, les Eaux et Forêts… Une étude approfondie a été menée pour savoir s’il y avait des arbres à préserver, des espèces à protéger… Des mesures de compensation ont été demandées aux CFL et tout a été mis en œuvre pour que le projet puisse se faire, en trouvant des solutions. En plus de la nature, nous avions aussi une contrainte sur le haut du site où se trouvent des vestiges des casemates. Pour cela, nous avons travaillé en collaboration avec les experts du Musée national qui nous ont indiqué comment ouvrir et refermer le site avant et après être intervenus. Une autre contrainte se trouve en bas du site, car il y a un mur de pierre qui devait être conservé. Finalement, nous avons pu faire passer le funiculaire sur la bande envisagée, près de la moitié de son trajet se fait sous un tunnel, dont la partie supérieure sera replantée. Les chemins forestiers qui étaient présents avant notre intervention pourront également être rétablis.»
Le livre «63 secondes du Pfaffenthal au Kirchberg – La construction du funiculaire du Pont Rouge en 30 photographies d’Andrés Lejona» vient de paraître aux Éditions Maison Moderne. Cette publication des Architectes Paczowski et Fritsch fait voyager dans le temps à la découverte du chantier depuis la première photo prise en juin 2015 jusqu’à la fin de la construction en novembre 2017. Les photos sont accompagnées d’une introduction de Mathias Fritsch et d’une interview d’Andrés Lejona. Le livre sera en vente dans les librairies Ernster.
Pour rappel, ce projet colossal avait également fait l’objet de la présentation de Mathias Fritsch en octobre dernier, lors de la soirée «10x6 Architecture: grandes livraisons 2017-2019», organisée par le Paperjam Club.