Luc Frieden devra se déplacer une nouvelle fois jeudi au tribunal. (Photo: DR)

Luc Frieden devra se déplacer une nouvelle fois jeudi au tribunal. (Photo: DR)

Luc Frieden a répondu mardi à la convocation comme témoin dans le procès pour faux et usage de faux de Charles Ewert et de deux gestionnaires de comptes à l’ex-banque Ferrier Lullin. L’ancien ministre de la Justice CSV (1999-2007) est appelé à comparaitre à la demande des avocats de Charles Ewert, alias Panama Charly, lequel est accusé d’avoir spolié plus de 40 millions de dollars à l’industriel autrichien Gaston Glock, inventeur des pistolets automatiques qui portent son nom. Glock est la seule partie civile dans ce procès qui a pris un tour inattendu lundi avec l’apparition de M. Frieden à l’audience. L’ex-ministre et maintenant député CSV n’avait pas pu témoigner lundi en raison de l’agenda chargé du tribunal et il n’a pas pu le faire non plus comme prévu mardi matin en raison cette fois d’un incident de procédure. On entendra son témoignage jeudi matin 6 février.

Luc Frieden a dit en marge de l’audience disposer désormais du temps nécessaire pour se déplacer une nouvelle fois au Palais de Justice. «Je suis devenu un citoyen comme les autres», a-t-il plaisanté avec les journalistes.

Que fait l’ancien ministre de la Justice dans ce procès? Le principal prévenu se dit lui-même étonné de cette présence: «J’étais surpris lorsque je l’ai vu hier», a indiqué Charles Ewert à paperJam.lu en marge de l’audience. «D’après ce dont je me rappelle, a-t-il précisé, M. Frieden travaillait comme avocat dans une étude où je connaissais Me Alex Schmitt. Nous étions en affaire. Il y a même eu par la suite une affaire contre moi». Le différend avait alors tourné autour de la société ITOC, mais les faits sont si lointains que personne ne se souvient au juste de l’objet ayant opposé Me Schmit à Panama Charly.

Vieilles connaissances

Selon les informations de paperJam.lu, deux lettres intrigantes, l’une d’octobre 1999 – peu après la tentative de meurtre de Gaston Glock dans les sous-sols des locaux de la fiduciaire de Charles Ewert à Luxembourg - et la seconde de février 2002, signées d’un des avocats autrichiens de Glock à Luc Frieden, alors ministre de la Justice, sont à l’origine de sa citation à comparaitre comme témoin. Dans celle du 4 février 2002, l’avocat Johann Quendler demande au ministre de la Justice luxembourgeoise de réagir à l’affaire Glock/Ewert, laissant implicitement entendre qu’Ewert bénéficiait de protections pour rester intouchable comme il l’a longtemps été. En effet, Panama Charly, que tout accusait pour avoir été le commanditaire de la tentative de meurtre de l’industriel en 1999, n’avait pas été renvoyé devant le juge d’instruction dans l’enquête, alors que son complice, Jacques Pêcheur, un ancien légionnaire français, l’avait été. Il faudra attendre l’automne 2002 pour que les choses se précipitent et que l’étau se referme sur Ewert: renvoi devant un juge et sa détention provisoire en novembre 2002 après qu’il se fut rendu à une convocation au Tribunal.

Il y a donc des suspicions que les lettres «violentes» de l’avocat autrichien et le lobby de l’industriel autrichien - peut-être même le chantage de ses avocats - aient eu une influence sur le cours de la Justice luxembourgeoise qui est passée assez brutalement de l’indolence à l’égard de Charles Ewert à l’hyperactivité.

Le «chantage» qu’aurait exercé Me Quendler et qui apparaît de façon assez explicite dans sa lettre de février 2002 a-t-il permis à l’enquête d’avancer contre Ewert? L’avocat autrichien cite dans sa lettre un article de L’Investigateur du 24 janvier 2002 affirmant que l’étude Bonn & Schmitt, dans laquelle Luc Frieden fut un des associés jusqu'à ce qu'il rentre au gouvernement, avait été le conseil d’Ewert dans des montages de sociétés offshores, notamment d'une certaine Cargolux BVI, clone de la vraie Cargolux. C’est probablement sur ces points que l’ancien ministre de la Justice devra s’expliquer, et malheureusement sur la base d’un article d’une presse de caniveau sur laquelle les avocats de Glock appuyaient leurs assertions.

C’est aussi une ligne de défense de Panama Charly dont les avocats cherchent à démontrer que l’enquête a été viciée et certains témoins achetés par Gaston Glock. «Je me suis fait avoir», a assuré mardi le prévenu. «Ewert est le prototype de la victime du système judiciaire luxembourgeois», a souligné pour sa part un proche du dossier. «On ne respecte pas, poursuit ce proche, les droits de la défense en cédant par rapport à de gros industriels faisant du puissant lobby et qui ont beaucoup d’influence comme Gaston Glock». «Dans le procès du Bommeleeër, ajoute-t-il, il y a eu des pressions sur les policiers pour que des pièces disparaissent, dans l’affaire Panama Charly, les pressions semblent avoir été faites sur la justice».