Au moins quatre experts ont été désignés par la justice avant de décliner leur nomination, preuve de la sensibilité de l’affaire. (Photo: Maison moderne / archives)

Au moins quatre experts ont été désignés par la justice avant de décliner leur nomination, preuve de la sensibilité de l’affaire. (Photo: Maison moderne / archives)

C’est l’histoire d’une partie de ping-pong qui dure depuis un an, sur fond de contentieux concernant les obligations Mifid. En février 2016, la juge des référés était parvenue à mettre d’accord un investisseur danois et la Bil quant à la nomination d’un expert. L’investisseur accuse en effet la banque d’avoir pratiqué sur le marché réglementé des prix d’opérations ne correspondant pas à ceux du marché.

L’investisseur professionnel avait passé un gros volume de transactions entre juin et octobre 2013: 42 millions d’euros d’achat-vente de titres dénommés «Mini Future Certificates» émis par la Royal Bank of Scotland. Or le 20 juin 2013 à 17h51mn28s, la Bil indiquait à son client un prix de 1,57 euro pour un warrant, alors que le prix réel à cet instant précis était de 1,49 euro. L’erreur s’était reproduite huit jours plus tard.

La CSSF en retrait

Si la Bil a reconnu son erreur et proposé un arrangement transactionnel pour ces transactions, l’investisseur a voulu vérifier s’il s’agissait d’une opération isolée ou si d’autres transactions avaient pu faire l’objet de la même erreur. En vertu de la loi du 13 juillet 2007 transposant la directive Mifid sur les droits à l’information des clients et la transparence des prix des services financiers, le client a donc demandé un relevé des prix en vigueur sur le marché réglementé à l’heure où il avait passé les ordres. Des informations que la Bil a refusé de lui livrer, malgré une mise en demeure adressée le 15 mai 2014, et interprétée par la banque comme une tentative de «fishing expedition».

L’investisseur s’est ensuite tourné vers la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF), auprès de laquelle il a déposé une réclamation. Le régulateur a toutefois décliné toute intervention, jugeant que la victime n’avait pas établi de préjudice de manière suffisamment précise. L’ironie de l’affaire étant justement que l’investisseur ne peut chiffrer son préjudice en raison du refus de sa banque de communiquer les prix en vigueur au moment des différents ordres passés en son nom.

Relancée par le client en octobre 2014, et alors que celui-ci a saisi la Finanstilsynet, l’autorité des marchés financiers du Danemark, la CSSF a fini par ouvrir une procédure extrajudiciaire de résolution des litiges fin avril 2015. L’investisseur a néanmoins opté pour une procédure judiciaire qu’il espérait plus efficace pour obtenir les informations que la Bil lui refusait.

À la recherche d’un expert

Le 26 mai 2016, une procédure en référé a ainsi été lancée, assortie de la demande d’une astreinte de 500 euros par jour de retard de production des pièces, avec un plafond de 45.000 euros. Après de multiples remises d’audience sur fond de discussions sur une issue à l’amiable, l’affaire a été plaidée en février 2016. La juge des référés a invité les avocats à s’accorder sur le principe de la nomination d’un expert pour vérifier l’adéquation entre les prix facturés par la banque et ceux du marché réglementé. Les deux parties acceptant de se partager la facture de l’expertise.

Sauf que rien n’a avancé depuis, les deux parties ne parvenant pas à trouver un accord sur un nom d’expert. Il faut dire que cet expert ne devrait pas être ou avoir été en affaires avec l’une des parties adverses – or, la Bil étant un acteur national de premier plan, le choix s’en trouve restreint. La Bil a ainsi soumis plusieurs noms d’experts qui ont tous décliné l’offre – huit selon l’investisseur, quatre selon l’avocat de la banque, Me Jean-Louis Schiltz. Parmi lesquels PwC, BDO, KPMG ou encore HRT. L’investisseur indique de son côté avoir proposé par le biais de son avocat plusieurs experts, tous rejetés par la Bil. Celle-ci a décliné tout commentaire sur l’affaire.

La simple nomination d’un expert paralyse ainsi la procédure, le juge des référés ne pouvant pas non plus intervenir pour désigner un expert de manière impérative. Cinq ans après les faits présumés, le dossier semble bien devoir encombrer les étagères de la justice luxembourgeoise pour un moment encore.