Un ancien fonctionnaire et deux autres en service ont facilité la délivrance de près de 300 autorisations d’établissement à des artisans portugais qui ne justifiaient pas de la formation ou de l’expérience requise. (Photo: Luc Deflorenne / archives)

Un ancien fonctionnaire et deux autres en service ont facilité la délivrance de près de 300 autorisations d’établissement à des artisans portugais qui ne justifiaient pas de la formation ou de l’expérience requise. (Photo: Luc Deflorenne / archives)

Les juges de la 18e chambre siégeant en matière correctionnelle s’étaient laissé quasiment deux mois pour délibérer dans une affaire d’envergure puisque la fraude dénoncée en 2007 par le chef de service des autorisations d’établissement a entaché près de 300 dossiers.

Principal artisan de la fraude, Joseph L., retraité, n’a finalement écopé que de quatre années d’emprisonnement assorties du sursis intégral (contre sept ans de prison requis par le Parquet) et d’une amende de 130.000 euros. Simone B., sa parente qui travaillait dans le service des autorisations d’établissement, a été condamnée à une peine d’emprisonnement de 12 mois avec sursis et d’une amende de 3.000 euros. Raymond S. a de son côté été relaxé, alors que la première substitut avait requis des peines de trois ans ferme à leur encontre.

L'un des complices de Joseph L., José S., a quant à lui été condamné à une peine d'emprisonnement de trois ans avec sursis et à une amende de 40.000 euros. Les salariés et dirigeants des deux fiduciaires également impliquées ont écopé de 12 à 18 mois de prison avec sursis et de 2.500 à 3.000 euros d'amende.

En neuf audiences entre fin février et début mars, les trois filières de falsification ont été détaillées devant le tribunal. Avec au cœur de ce trafic un ancien fonctionnaire, Joseph L..

D’après l’enquête de la police judiciaire, qui aura duré plus de sept ans, il proposait à des candidats malheureux ou craignant un refus d’obtenir une autorisation d’établissement, moyennant des sommes allant jusqu’à 28.000 euros, de falsifier des certificats de formation ou d’expérience de la Confédération des industries au Portugal. L’une de ses parentes, Simone B., fonctionnaire au sein du service des autorisations d’établissement, se chargeait de faire passer les dossiers et s’arrangeait pour que la confirmation de l’obtention du précieux sésame arrive entre les mains de Monsieur L. afin qu’il puisse se faire payer par son client. L’autre fonctionnaire, Raymond S., livrait également des informations à Joseph L. sur les changements apportés à la procédure au fil du temps, comme l’exigence du certificat d’adhésion au Centre commun de sécurité sociale – ce qui amènera Joseph L. à falsifier également ce type d’attestation pour ses clients afin d’éviter les incohérences entre les périodes réputées de travail ou de formation au Portugal et de travail au Luxembourg.

Un gain de 400.000 euros pour Monsieur L.

D’autres filières se sont greffées sur la première, celle-ci étant au fil du temps victime de son succès. Extrêmement sollicité, Joseph L. aurait en effet invité plusieurs candidats à se tourner plutôt vers une fiduciaire pour obtenir leur autorisation d’établissement. Si les liens entre le fraudeur présumé et les deux fiduciaires citées lors du procès ne sont pas évidents à cerner, il est certain qu’elles ont également procédé à la falsification de documents portugais en vue d’obtenir une autorisation d’établissement pour leurs clients. Pour des sommes bien moindres toutefois, puisqu’elles demandaient plutôt 2.000 euros que 16.000 euros – le tarif fixé par Joseph L..

Ce sont finalement des rumeurs persistantes au Luxembourg, mais aussi au Portugal, qui ont mis la puce à l’oreille du chef de service des autorisations d’établissement, en poste depuis 2005, ainsi que certaines grossières maladresses, comme ce Portugais arrivé il y a quelques mois au Luxembourg, ayant fait toute sa scolarité dans le pays et prétendant dans son dossier avoir suivi une formation au Portugal. Ou ce jeune homme qui a obtenu une autorisation quelques semaines seulement après un premier refus.

La police judiciaire a estimé à plus de 400.000 euros le gain de Joseph L. sur les cinq années durant lesquelles la filière a fonctionné. Raison pour laquelle la première substitut du procureur insistait pour que le tribunal prononce une peine plus sévère à son encontre. Un doute subsiste toutefois sur le début de cette filière et le nom de l’ancien responsable de service, Albert F., a plusieurs fois été cité durant le procès. Des soupçons qui ne seront jamais confirmés ou dissipés, puisqu’il est décédé.