«Nous voulons rester le plus longtemps possible en haut de la vague,	sachant que cela finit toujours par redescendre» (Photo: David Laurent/Wide)

«Nous voulons rester le plus longtemps possible en haut de la vague, sachant que cela finit toujours par redescendre» (Photo: David Laurent/Wide)

Le directeur de Legitech, 37 ans, entend développer à l’international les services proposés aux avocats et aux juristes par sa société, créée en 2006.

C’est en février 2006 que l’entreprise Legitech a été officiellement portée sur les fonts baptismaux, avec à sa tête Nicolas Henckes qui, depuis septembre 2005, gérait l’association momentanée entre l’Imprimerie Centrale et l’Imprimerie Victor Buck dans le cadre du marché public du Memorial, le journal officiel luxembourgeois. Un changement radical de carrière pour celui qui était, les trois années précédentes, l’assistant personnel du président de la Banque centrale du Luxembourg, Yves Mersch.

Le développement qu’a connu depuis sa création cette société, qui propose des services à haute valeur ajoutée dans le traitement documentaire juridique et fiscal, justifie pleinement la participation de son directeur au concours CYEL et, de surcroît, sa présence parmi les trois finalistes.

La démarche est, du reste, parfaitement calculée. «Je me suis inscrit afin de profiter de la réputation qui pourrait en résulter en cas de succès, si la qualification nous permet d’arriver au concours mondial, à Bruxelles, explique-t-il. Ce serait l’occasion de pouvoir présenter à l’international notre produit phare actuel, Progilex, une solution logicielle de publication de documents juridiques et fiscaux en ligne, alors que nous nous positionnons sur ce marché.»
Legitech, c’est aussi une formidable aventure frappée du sceau de l’innovation, et ce dès ces premiers pas, puisque la société a, d’emblée, choisi de développer par elle-même tout le système nécessaire pour pouvoir publier ses propres codes et bases de données. «C’était déjà une innovation, indique M. Henckes. Comme, de plus, le marché luxem­bourgeois est, par nature, réduit, nous n’avons aucun risque à y vendre notre technologie sous licence, car aucun autre éditeur ne devrait venir nous y chercher noise.»

Le directeur de Legitech souligne un deuxième aspect innovant, et non des moindres: sur un marché de niche tel que le sien, la société ne peut guère envisager des coûts de mise à jour trop élevés. D’où la recherche d’une réduction de ces coûts par des solutions amenant l’automatisation d’un certain nombre de processus de production, la possibilité de sous-traiter en offshore (au Maroc et à Madagascar) tout ce qui est sans valeur ajoutée et, enfin, la concentration au Luxembourg de tout ce qui est, justement, à valeur ajoutée, c’est-à-dire les commentaires juridiques apportés par des avocats et des juristes bac+5. «En règle générale, on trouve sur le marché des intervenants techniques (services informatiques, ndlr.) et des con­seils juridiques, mais jamais en même temps. Ici, notre approche innovante fait que nous proposons les deux, grâce à nos ingénieurs informaticiens et aux avocats et juristes expérimentés à qui nous faisons appel. Ainsi, nous offrons des produits technologiques fait par des juristes et pour des juristes.»

Comme un Casque bleu

Sans doute Nicolas Henckes est-il, chez Legitech, «the right man at the right place», avec un double profil idéal, puisqu’il a une double formation d’école de commerce et de droit. C’est après avoir débuté sa carrière comme avocat, à Paris, qu’il est revenu au Luxembourg pour occuper ses fonctions à la Banque centrale. L’Imprimerie Centrale et l’Imprimerie Victor Buck, soucieuses de capitaliser, en commun, leur savoir-faire, ont lancé Legitech en faisant appel à un gérant tiers. Leur choix s’est porté sur lui. «Ces deux actionnaires étant de féroces concurrents sur leurs autres marchés, je suis arrivé un peu comme un Casque bleu, sourit l’intéressé. Ma mission a été de créer le concept et le plan marketing. En ayant la chance de pouvoir dérouler le tout comme prévu, dans une relation de pleine confiance et d’indépendance.»

La croissance de Legitech a, dès lors, été pour le moins rapide, preuve que l’entreprise répondait à un réel besoin. Le premier livre (Précis de droit fiscal, écrit par Jean-Pierre Winandy, avocat chez Loyens & Loeff) a été publié en mars 2006 (il n’est plus disponible aujourd’hui). Les trois années suivantes, entre 2007 et 2009, trois bases de données ont également été éditées.

La solution logicielle Progilex, dédiée à la gestion documentaire de textes juridiques et à leur publication, est, quant à elle, apparue en 2010 et l’entreprise engrange pour l’instant les fruits de ce succès, avec cette sélection en finale de CYEL comme une cerise sur le gâteau. Mais d’autres produits sont aussi arrivés, tels qu’un accès par smartphone aux bases de données.

Un nouveau site Internet legitech.lu va, également, être mis en ligne, avec notamment une boutique et d’autres nouveautés. Le premier e-book sortira encore cette année et sera commercialisé sur ce nouveau site. «C’est le haut de la vague, résultat d’une équipe dynamique et engagée, et nous voulons y rester le plus longtemps possible, sachant que cela finit toujours par redescendre.»

Legitech, pour les produits d’édition et de contenu, s’en tient au marché national, pour d’évidentes questions de compétences juridiques et parce que les marchés voisins sont déjà saturés. En revanche, la société s’est engagée dans une démarche, elle aussi innovante, pour sa conquête du marché international. «Nos marchés cibles sont ceux qui ne sont pas trop loin, Proche et Moyen-Orient et Afrique.» Etonnant, vu les risques d’instabilité politique? «Par rapport aux marchés sans cesse cités, l’Asie et les Etats-Unis, nous allons chercher du marché plus spécifique, où la plupart des intervenants ne veulent pas aller, car il y a effectivement une certaine crainte. Mais aussi une certaine méconnaissance, alors qu’il y a des opportunités intéressantes.»

Le premier marché où Legitech est le plus proche d’aboutir est la Turquie, riche de 80 millions de consommateurs, plus de 60.000 juristes et 100.000 avocats inscrits dans les divers barreaux du pays. «Ça vous donne une idée de la taille et du potentiel du marché. Sur place, nous cherchons toujours à nous associer avec des éditeurs juridiques locaux qui, eux, ont la maîtrise du contenu, tandis que nous leur apportons celle de la technologie et du marketing. Ce sont des alliances win-win. Et, pour d’autres pays, nous proposons notre licence à la vente. Nous remarquons en effet de plus en plus que ce que cherchent nos clients potentiels, dans ces pays, c’est plus une collaboration.»

Cette vente, selon Nicolas Henckes, ne présente pas un danger réel de contournement du produit. «Il y a certes un danger, mais léger. Car la solution, pour éviter le piratage, ce n’est pas tellement les brevets, mais de continuer à innover et de garder de l’avance sur nos concurrents. Un brevet est une mesure assez défensive. Personnellement, je préfère attaquer et rester innovant, en n’hésitant pas à prendre un risque calculé.»

Le directeur de Legitech montre ainsi combien l’innovation n’est pas exclusivement réservée aux seuls développements technologiques, mais peut aussi se décliner sur le plan des services. «Nous nous adressons beaucoup à des avocats, particulièrement à des avocats d’affaires, donc à haut taux de facturation et où chaque minute compte. Ainsi, nous accompagnons nos publications traditionnelles, nos livres et nos bases de données, par un niveau de services très élevé.» L’accès aux informations par smartphone ou par tablette numérique en est l’un des aspects, les clients voulant pouvoir accéder à leur contenu de n’importe où, n’importe quand et de n’importe quelle façon. «Nous apportons dès lors nos produits et services de manière de plus en plus fractionnée et personnalisée. Nos clients n’ont pas à se soucier de leur documentation, c’est à nous de le faire et nous le faisons par réponse immédiate.»