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 (Photo : Castegnaro-lus Laboris)

Si, en matière de licenciement, les employeurs sont généralement bien informés quant aux délais prescrits par le Code du travail, il n’en est pas toujours de même de l’exigence de précision de la motivation de celui-ci.

Dans son arrêt rendu le 6 juillet 2017, la Cour d’appel a, dans cette perspective, effectué un rappel bienvenu de son appréciation des dispositions de l’article L.124-5 du Code du travail, qui prévoit que «l’employeur est tenu d’énoncer avec précision par lettre recommandée [...] le ou les motifs du licenciement […] qui doivent être réels et sérieux».

Un salarié contestait son licenciement, notifié par l’employeur en raison de difficultés économiques tenant notamment à la perte d’un «client important», par-devant le Tribunal du travail.

Les premiers juges ayant toutefois estimé que le licenciement était justifié, le salarié a interjeté appel de la décision ainsi rendue.

Il reprochait notamment au Tribunal «d’avoir retenu que la lettre de motivation répondait au critère de précision, alors que le nom du client perdu pour la société ne serait pas indiqué», l’empêchant ainsi «de vérifier si ce motif est sérieux».

Pour répondre à cet argument, la Cour a pris soin de rappeler que les paragraphes 1 et 2 de l’article L.124-5 du Code du travail imposent que «la précision des motifs fournis en réponse à la demande du salarié […] doit être telle que non seulement le juge puisse exercer un contrôle, mais que le salarié puisse en vérifier le bien-fondé et le cas échéant en démontrer la fausseté».

C’est en se basant sur ces dispositions qu’elle a décidé que «l’employeur a suffi aux exigences légales de précision ci-avant relevées, même si le nom du client perdu pour le service n’y figure pas et n’a été révélé qu’au cours de l’instruction».

Si la décision de la Cour peut surprendre au premier abord, alors que l’on connaît l’importance qu’accordent les juridictions luxembourgeoises à l’exigence de précision des motifs, la lecture de l’arrêt permet de constater qu’en l’espèce, l’employeur avait fourni suffisamment de détails permettant d’identifier le client concerné, et notamment l’indication que celui-ci disposait de «4.029 cartes actives».

C’est en tenant compte de l’ensemble des éléments précis mentionnés par l’employeur dans la lettre de motivation que la Cour a estimé que le salarié avait été renseigné à suffisance quant aux raisons ayant motivé son licenciement.

La logique de cette décision est d’autant plus renforcée qu’en l’espèce, il paraît difficile d’admettre que le salarié pouvait véritablement ignorer de quel client il s’agissait, compte tenu de sa position de «team leader of card management department» au sein de l’entreprise.

Ce faisant, la Cour d’appel semble confirmer sa jurisprudence antérieure: ainsi, dans un arrêt rendu le 9 juin 2011[1], elle tenait un raisonnement similaire en retenant que «le fait que l’employeur indique les clients par un numéro ne rend pas en lui seul le grief imprécis […]. Si les faits sont indiqués avec la précision requise, il importe peu que le client soit nommé ou désigné par un numéro».

À l’inverse, l’absence du nom d’un client dans les motifs conférera un caractère abusif au licenciement si elle n’est pas palliée par d’autres éléments: «La lettre de licenciement litigieuse ne répond pas à ce critère [de précision] dès lors qu’elle est libellée de façon lapidaire, sans indication des dates des faits, des circonstances dans lesquelles ils se sont produits, de même que des noms des clients qui se sont plaints[2]».

Par conséquent, si le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié doit être justifié par la perte ou la plainte d’un client (par exemple), il demeure conseillé de toujours préciser le nom de ce dernier. À défaut, il conviendra que l’employeur fournisse à tout le moins au salarié des éléments d’identification suffisants permettant d’identifier le client concerné, et ce, afin d’éviter une condamnation faute de précision des motifs.

Cour d’appel, 6 juillet 2017, n°43476

[1] Cour d’appel, 9 juin 2011, n°36299 du rôle.

[2] Cour d’appel, 27 juin 2013, n°39001 du rôle.

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