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 (Photo: Castegnaro-lus Laboris )

Mensonge ou réticence dolosive du salarié pendant le recrutement: quelle solution pour l’employeur et sous quelles conditions?

Dans cette affaire, l’employeur souhaitait embaucher un salarié pour occuper la fonction de chauffeur-coursier. Le futur salarié devait à ce titre:

  • Être titulaire du permis de conduire;
  • Être en capacité de le conserver;
  • Être doté d’une intégrité et d’une honorabilité professionnelle certaine avec un casier judiciaire vierge, en particulier en matière de circulation routière.

Selon l’employeur, l’absence de condamnations pénales était une condition sine qua non sur laquelle l’attention du salarié avait été portée lors de l’entretien d’embauche. Or, interrogé à ce sujet, le salarié aurait spontanément déclaré avoir un casier judiciaire vierge au Luxembourg et en Serbie, son pays d’origine, et se serait engagé à fournir son casier judiciaire dans les meilleurs délais. Cet engagement avait été repris dans le contrat de travail.

Cependant, au moment de la signature du contrat, le salarié n’avait toujours pas communiqué son casier judiciaire à l’employeur. Quelques jours plus tard, ce dernier découvrit que le salarié avait commis deux excès de vitesse, ces faits étant constatés de son propre aveu sur un procès-verbal de police. L’employeur, estimant qu’il avait été trompé sur les qualités essentielles du candidat par une réticence dolosive de ce dernier (c’est-à-dire en gardant le silence sur un fait qui, s’il avait été connu, n’aurait pas abouti à la conclusion du contrat de travail), demanda que soit prononcée la nullité du contrat de travail à ce titre.

Dans ce contexte, la Cour d’appel rappelle que pour pouvoir demander la nullité du contrat, l’employeur aurait dû prouver:

  • L’existence d’un mensonge ou d’une réticence de la part du salarié;
  • L’intention du salarié de tromper l’employeur;
  • Le fait que le mensonge ou la réticence en cause ait été déterminant du consentement de l’employeur, c’est-à-dire que l’employeur n’aurait pas conclu le contrat de travail avec le salarié sans ce mensonge ou cette réticence.

En l’espèce, la Cour a jugé que la condition relative au caractère déterminant pour l’employeur de l’existence d’un casier judiciaire vierge était remplie, dès lors que le contrat de travail prévoyait in fine: «Le soussigné déclare avoir un casier vierge, lequel il versera endéans les meilleurs délais».  

En ce qui concerne la première condition, il semble que pour la Cour, il était davantage question ici d’un mensonge que d’une réticence dolosive du salarié. En effet, il n’était pas reproché au salarié d’avoir volontairement passé sous silence la question de son casier judiciaire, mais plutôt d’avoir menti à son sujet.

Or, les juges ont considéré que la preuve d’un tel mensonge n’était pas rapportée par l’employeur: au regard du casier judiciaire finalement versé par le salarié et d’autres éléments du dossier, les condamnations de ce dernier étaient toutes postérieures à la conclusion du contrat de travail (voire même du licenciement), de sorte qu’au moment de l’embauche le casier judiciaire du salarié était bien vierge.

Cet arrêt, dont les faits sont antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi relative à l’organisation du casier judiciaire, est l’occasion de rappeler que l’employeur doit aujourd’hui faire face à des règles plus contraignantes pour valablement demander la communication du casier judiciaire à un salarié.

Quelles précautions prendre pour garantir l’application de la période d’essai?

Dans la même affaire, la Cour a également rappelé que lorsque le contrat a été signé postérieurement à l’entrée en service effective du salarié, la clause relative à la période d’essai est nulle.

Au regard de cet élément, il est important de veiller non seulement à faire signer le contrat de travail au plus tard le jour de l’entrée en service, mais aussi de vérifier la correspondance entre:

  • La date effective de signature du contrat;
  • La date telle que précisée de façon manuscrite par l’une ou les parties au moment de la signature, ou telle que mentionnée de manière informatique au sein du contrat.

En effet, dans cette affaire, il existait une différence entre ces dates: l’employeur soutenait que le contrat avait été signé et remis au salarié lors de son entrée en service effective le 6 octobre, cette date étant renseignée informatiquement au sein du contrat. Le salarié se référait au contraire à la date du 8 octobre qu’il avait mentionnée de façon manuscrite sur le contrat, soutenant que l’employeur ne lui avait remis le contrat qu’à cette date, soit deux jours après son entrée en fonction.

Dans la mesure où l’employeur ne soutenait pas ni ne prouvait qu’il s’agissait d’un faux en écriture privée, la Cour s’est basée sur la date mentionnée par le salarié pour apprécier la validité de la période d’essai.

Cour d’appel, 30 novembre 2017, n°43526 du rôle


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