Norbert Becker a fait fort lors de la soirée Top 100 Paperjam. (Photo: Sven Becker)

Norbert Becker a fait fort lors de la soirée Top 100 Paperjam. (Photo: Sven Becker)

Norbert Becker, multi-entrepreneur luxembourgeois, entre autres actuel président du conseil d’administration de PayPal Europe et un des primo-investisseurs dans le projet Skype lorsque celui-ci démarrait dans un incubateur luxembourgeois, n’a pas raté sa prise de parole lors de la soirée Top 100 Paperjam, dont le jury l’avait désigné numéro deux des personnages les plus influents.

Il a notamment défendu le pays face aux attaques subies ces derniers temps, surtout face aux accusations jetées dans la foulée des LuxLeaks. Loin d’un «plaider coupable» ou d’une courbe rentrante, il a prôné l’intelligence nationale et l’excellence des services financiers et fiscaux afin d’attirer de la valeur au Luxembourg. «Nous pouvons être fiers de ce que nous avons fait. Nous devons être fiers de continuer.»

Il a aussi rappelé la concurrence fiscale sévère entre États et a sorti deux exemples édifiants, montrant que le Grand-Duché n’avait pas de leçons à recevoir, sans doute pas de la France ou de la Grande-Bretagne.

A Guide to UK Taxation

Il a ainsi exhibé une brochure – quePaperjam s’est procurée également – émise par le gouvernement britannique. «A Guide to UK Taxation» insiste sur l’offre internationale compétitive en matière de fiscalité.

guide cover

Un édito, signé par le «très honorable George Osborne» (selon l’appellation en vigueur), chancelier de l’Échiquier (soit le ministre des Finances et du Trésor dans le gouvernement de sa Gracieuse Majesté) et par Stephen Green (Lord Green of Hurstpierpoint pour le protocole), ministre d’État «for Trade and Investment», y vante le système mis en place, présenté comme le régime fiscal le plus compétitif du G20. Dans le détail, les deux hommes d’État mettent cartes sur table : «The corporation tax rate is currently 23 per cent and will be reduced further to 20 per cent by 2015 – the lowest it has ever been in the UK, the lowest in the G7 and joint lowest in the G20. The UK has completely changed the basis on which it taxes overseas profits, moving from a system of worldwide taxation to a broadly territorial system where the focus is on taxing profits in the UK.»

18.684 rescrits fiscaux

Également citée, plus brièvement, par Norbert Becker, la pratique du ruling par l’administration fiscale française mérite d’être développée. Car, dans un volumineux projet de loi (signé le 25 juin dernier, par Manuel Valls et Arnaud Montebourg – qui allait être débarqué en août) « relatif à la simplification de la vie des entreprises », on trouve quelques dispositions intéressantes et des chiffres éloquents. «18.684 rescrits fiscaux ont été délivrés en 2012 dont 42% de rescrits généraux, 28% de rescrits ‘mécénat’ et 17% de rescrits ‘entreprises nouvelles’, ainsi que 9.000 rescrits douaniers par an», lit-on dans l’article 3 du texte, comportant une bonne centaine de pages.

Le rescrit fiscal, c’est, selon la définition de la Direction de l'information légale et administrative (services du Premier ministre), tout simplement ceci: «La procédure du rescrit fiscal général vous permet de demander à l'administration fiscale de vous expliquer comment votre situation doit être traitée au regard des impôts. La réponse de l'administration, appelée rescrit fiscal, vous donne des garanties juridiques, sous certaines conditions. Votre question peut porter sur tous les impôts, droits et taxes prévus par le code général des impôts. Par exemple, vous pouvez demander si votre situation vous permet de bénéficier d'une réduction d'impôt.»

On peut appeler ça un accord préalable, une garantie négociée ou un ruling si on veut.

De la sécurité, pour l'attractivité

Pour le projet de loi de juin dernier, les rescrits «sont des instruments de sécurité juridique répondant à la complexité du droit et à l’instabilité normative. Dans un environnement juridique complexe et parfois mouvant, les porteurs de projet et les investisseurs peuvent éprouver des difficultés à identifier les normes et les procédures à respecter, partant la faisabilité et les délais de réalisation de leur projet, ce qui nuit à l’attractivité économique de la France […] De fait, le rescrit fiscal comme le rescrit douanier connaissent un succès certain grâce à une délivrance rapide et aux garanties octroyées.»

Le gouvernement français avait confié en 2013 au Conseil d’État une étude sur l’extension du mécanisme du rescrit, sur laquelle s’appuie le projet de loi en question. Dans ce rapport rendu public, le Conseil d’État français donne sa définition précise du rescrit, «une prise de position formelle de l’administration, qui lui est opposable, sur l’application d’une norme à une situation de fait décrite loyalement dans la demande présentée par une personne et qui ne requiert aucune décision administrative ultérieure. Mais, dans la même logique, sont à ranger également des outils alternatifs comme les ‘prédécisions’ qui pourraient sécuriser efficacement les transferts d’autorisations administratives au bénéfice des porteurs de projets en cas de restructurations ou de créations de sociétés, ou le certificat de ‘projet’ permettant, dans une certaine mesure, de cristalliser la réglementation applicable à un projet. »

Le gouvernement français plaide donc pour «le développement de mécanismes tels que le rescrit. Apprécié par les usagers, et en particulier par les entreprises, cet instrument de nature à accroître la sécurité juridique de leurs projets s’est d’ores et déjà beaucoup développé, en particulier dans le domaine fiscal et douanier […] Le souhait du gouvernement est de favoriser le recours à ces nouveaux mécanismes, principalement dans les relations entre les entreprises et l’administration. Mais le Gouvernement ne souhaite pas réserver le bénéfice de cette mesure aux seules entreprises. Il convient en effet, à chaque fois que cela sera utile, que ces nouveaux mécanismes puissent profiter également à l’ensemble des usagers de l’administration.»

Encore une fois, que l’on soit au Luxembourg, en Grande-Bretagne, en France ou ailleurs, l’important c’est de jouer selon les règles et les lois. Et si possible tous selon les mêmes.