Le jeune Macron, affirme Jacques Chahine, a su séduire les foules. (Photo: Licence CC)

Le jeune Macron, affirme Jacques Chahine, a su séduire les foules. (Photo: Licence CC)

Dire que l’élection présidentielle 2017 est historique est un euphémisme. Le duel droite-gauche traditionnel, depuis le général de Gaulle, a volé en éclats. Certes, il y a eu l’intermède Giscard d’Estaing qui a vu un président réformiste du centre, mais il était bien allié avec la droite. L’élection 2017 avait tout l’air d’une transition assurée de la gauche vers la droite, tant la gauche était mal en point. Et l’éternel outsider du Front national devait comme d’habitude être éliminé par un sursaut républicain.

Voilà qu’un jeune Macron, sans l’appui d’aucun parti politique, crée son mouvement En Marche et séduit les foules par son positionnement au centre, sa jeunesse et sa modernité. La droite triomphante de Fillon s’effondre sous le poids des scandales que les journalistes ont passés en boucle 24h/24. Le Front national a également sa petite quote-part de scandales. Les Français sont atterrés par la classe politique traditionnelle et ne savent plus où se tourner. Le vrai scandale, selon nous, est l’hypocrisie qui entoure la rémunération des élus. Ainsi, un député est rémunéré 85.000€ brut par an et 62.000€ net. Le vrai scandale réside dans ces chiffres totalement hypocrites. Ce sont les rémunérations d’un cadre avec deux ans d’expérience. D’où la floraison d’une myriade de rémunérations déguisées telles que l’octroi d’un assistant parlementaire. Ce n’est pas Fillon seulement qui s’en sert comme complément de rémunération, mais la plupart des parlementaires. Le peuple français, foncièrement trotskiste communiste dans l’âme, n’admet pas l’étalage de rémunérations choquantes, d’où l’éternelle hypocrisie entre les élus et le peuple.

Cette hypocrisie générale a laminé le candidat Fillon et propulsé en avant le jeune Macron et poussé les Français vers les extrêmes avec Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. La présence de Marine Le Pen au second tour ne fait pas de doute, car son électorat est stable et indéfectible, alors que les Français hésitent toujours sur qui mettre en face du candidat du FN. Alors qu’en temps normal, un front républicain se constitue au second tour pour empêcher le passage du FN, la montée du populisme et la défiance vis-à-vis de la classe politique donnent une faible chance à l’élection de Marine Le Pen.

Un tel scénario est mal perçu par les marchés, car la candidate souhaite retrouver entre autres la liberté monétaire, c’est-à-dire sortir de l’Euro et par référendum s’il le faut. En principe, les Français ne souhaitent pas un tel bouleversement. Mais la menace signifie immédiatement la fuite massive des capitaux de France, effrayés par une arrivée potentielle d’un franc tout de suite dévalué. Une tension immédiate sur les taux de la dette qui sera transformée en monnaie nationale. Et enfin une crise de confiance majeure à l’intérieur de la zone euro. Même si la posture de la présidente était en réalité électoraliste, le mal sera fait le lendemain de l’élection.

Les deux candidats Fillon et Macron sont plutôt pro-européens. Le candidat Macron est un vrai homme «du terrain» économique, qui voit de façon concrète les faiblesses de l’Europe désunie et veut y contribuer positivement. Par exemple, la lutte contre l’optimisation fiscale des grandes multinationales, une meilleure lutte antidumping, un contrôle des investissements, une harmonisation sociale européenne… C’est un programme fait pour renforcer l’Europe face aux grands blocs comme l’Amérique, où face au protectionnisme américain, un État seul n’a pas les moyens de lutter. Un duo avec l’Allemagne sur ces bases paraît réaliste pour donner un nouveau souffle à l’Europe.

J’ai voté Fillon aux primaires des Républicains, tout en sachant que le programme de «rêve» de Fillon était peu réaliste pour la France profondément trotskiste. Son mauvais jugement sur la promotion d’un secteur privé pour l’assurance-maladie m’a surpris, car il n’a pas vu la gabegie monumentale d’un secteur privé de santé aux États-Unis. Il a corrigé le tir, mais ses promesses de réformes nécessaires pour la France ont très peu de chances de se faire en raison de la perte de sa crédibilité et un style confrontationnel.

Le reproche fait à Macron de ne pas affirmer des choix clairs est volontaire pour mener à bien les réformes. Il l’a prouvé sous Hollande avec la loi Macron et la loi travail qui aurait dû porter son nom et non El Khomri. Cette loi travail ouvre un grand boulevard pour poursuivre la réforme nécessaire.

Les lecteurs auront deviné notre choix de vote.