Philip Van Woensel (Photo: David Laurent/Wide)

Philip Van Woensel (Photo: David Laurent/Wide)

Philip Van Woensel est directeur Marketing de Munhowen.

Monsieur Van Woensel, comment est structuré le marketing chez Munhowen ?

« Nous disposons d’un service entièrement dédié au marketing, qui comprend quatre personnes. Nous nous occupons principalement de nos deux marques de bière, Bofferding et Battin. Nous gérons intégralement tout ce qui touche au brand marketing et au trade marketing. Le premier se traduit par la communication above the line, par les innovations, ainsi que par les études consommateurs que nous menons. Parallèlement à cela, le second se traduit par des actions sur le terrain, dans les supermarchés, dans les différents points de vente de l’Horeca, lors des différents événements auxquels nous nous associons.

Nous avons une personne entièrement dédiée pour chacune de nos deux marques, sur ces deux approches, ainsi qu’une autre qui gère le volet interactif et événementiel.

Quels sont alors les défis marketing pour assurer le développement de deux marques de bière ?

« Avant même de s’intéresser à ses propres marques, il faut comprendre le positionnement de la bière en tant que catégorie à part entière. Notre premier challenge est de répondre à la question suivante : comment rester pertinent vis-à-vis des catégories parallèles, telles que les softs, les spiritueux, les boissons chaudes ? Il est primordial de se poser cette question, surtout dans le contexte européen actuel, où la catégorie bière enregistre un déclin structurel.

Et pour cela, nous devons comprendre les tendances de consommation. Les trois facteurs princi­paux sont les suivants : la santé, la praticité – convenience en anglais – et l’aspect écologique.

Si l’on détaille un peu, cela veut dire que les consommateurs vont être attentifs à certains éléments, comme le nombre de calories ou la composition des produits. Le consommateur est également sensible à l’aspect pratique, il aspire à des produits toujours plus fonctionnels. Enfin, la notion d’écologie tient une place essentielle et fait vraiment partie de ses préoccupations.

Si l’on se réfère à ces trois ‘défis’, quelle est la place prise, aujourd’hui, par la bière ?

« Par rapport au facteur santé, nous souffrons d’une mauvaise perception de la catégorie bière. Le fameux beer belly donne une mauvaise image à la bière. Savez-vous qu’il y a en réalité 50 % de calories en plus dans un verre de vin que dans un verre de bière ? En fait, la bière est souvent bue lors de l’apéritif et elle ouvre donc l’appétit. On consomme alors des cacahuètes et autres produits salés et gras...

D’un point de vue praticité, on voit de plus en plus que les marques développent des packagings tailor-made, comme la bouteille aluminium réouvrable pour Bofferding par exemple. Enfin, pour ce qui est de l’aspect écologique, tout ce qui touche le domaine industriel est très important pour nous. Par exemple, notre brasserie a beaucoup investi dans les nouvelles citernes et cuves, afin de réduire sensiblement notre consommation en eau notamment.

Plus spécifiquement, comment vos deux marques sont-elles positionnées sur le marché ?

« Il existe plusieurs catégories de bières. Il y a ce que l’on appelle les ‘Core Lagers’, ce sont toutes les pils, Jupiler, Budweiser et autres bières blondes faciles à boire. Bofferding entre notamment dans cette catégorie.

Puis viennent les ‘Premium Brands’, avec par exemple Guiness. Battin en fait aussi partie, car on la savoure, on apprécie son savoir-faire particulier. Enfin, il y a les ‘Specialty Beers’, telles que les bières d’abbaye comme la Chimay. Chacune de ces catégories représente un moment de consommation différent. Mais il faut bien préciser qu’un ‘moment Bofferding’ n’empiète pas forcément sur un ‘moment Battin’ : les deux marques sont très complémentaires ; elles ont chacune leur propre univers.

Comment construisez-vous le développement marketing des produits ?

« Pour développer nos marques, nous veillons à toujours garder le consommateur au centre de notre approche. La raison est toute simple : il s’agit de rester en phase avec la nouvelle génération, tout en conservant une pertinence vis-à-vis du consommateur actuel. Nous menons rigoureusement des études de marché au minimum deux fois par an, ce qui nous permet de réunir beaucoup d’informations très enrichissantes.

Cette démarche est valable pour toutes les catégories de produits et dans tous les secteurs. L’Audi A4 d’aujourd’hui est l’Audi 80 d’hier. Avant, nous parlions de téléphone portable, maintenant, nous parlons de smartphone. De telles évolutions peuvent également être observées dans la bière.
À partir de là, lorsque que nous trouvons la solution qui puisse répondre au besoin du consommateur, nous en assurons une bonne exécution par le biais de notre approche trade marketing, c’est-à-dire via nos événements, nos actions sur le terrain, ainsi que tout le volet interactif. Nous menons évidemment tous ces efforts en veillant à bien respecter l’ADN de notre marque.

Un exemple concret de ces actions, de ce respect de ‘l’ADN’ de la marque ?

« Tout d’abord en 2009, nous avons complètement revu la marque Bofferding : avec près de 800 consommateurs, nous avons repensé notre identité visuelle, nos campagnes, notre site web…

Puis, en termes d’innovation, nous avons sorti la nouvelle bouteille aluminium réouvrable. Elle possède tous les avantages d’une canette avec le plaisir de la dégustation d’une bière en bouteille. Elle est légère, incassable et 100 % recyclable. Son principal atout pour le consommateur, c’est son système de bouchon à vis. Il permet d’ouvrir et de refermer aisément la bouteille afin de garantir une fraîcheur optimale de la bière.

Il faut savoir que cette nouvelle bouteille est le fruit de recherches approfondies réalisées en octobre 2010 auprès de plus de 400 consommateurs. Son aspect pratique constitue une expérience de consommation unique. Nous avons également travaillé son design, plus jeune, et nous avons aussi fait attention à son ergonomie. Tout cela pour répondre aux besoins et aux attentes actuelles des consommateurs.

En six mois, les résultats sont au rendez-vous, avec plus de 330.000 bouteilles vendues. Ce rajeunissement d’image correspond à une volonté de notre part d’innover continuellement pour répondre aux attentes des consommateurs, sans pour autant dérouter les adeptes de la marque.

Comment faites-vous jouer la corde ‘luxembourgeoise’ ?

« Sur le marché luxembourgeois, la proximité est très importante. Que ce soit dans l’approche commerciale, dans les recherches approfondies sur le marché local, qu’il s’agisse des communautés étrangères au Luxembourg – soit la moitié de la population –, nous veillons toujours à garder cette proximité dans notre approche.

La grande force de Munhowen, c’est que cette notion de proximité fait partie intégrante de notre culture d’entreprise. Nous sommes toujours à l’écoute du consommateur luxembourgeois, tout comme nous le sommes avec celui de la Grande Région.

Quelle place la Grande Région a-t-elle dans votre stratégie ?

« Compte tenu du contexte européen, nous observons un déclin structurel. De ce fait, nous aurions tort de baser notre développement uniquement au Luxembourg. Par contre, notre proximité auprès du consommateur luxembourgeois est de plus en plus reconnue et nous bénéficions dès lors d’un rayonnement naturel dans toute la Grande Région.

Il y a cinq ans, le volume domestique représentait 95 % de nos volumes totaux. Aujourd’hui, 20 % des volumes sont réalisés dans la Grande Région, tout en conservant nos parts de marché au Luxembourg. Dans le domaine de l’Horeca, le tenancier est le premier ambassadeur de la marque. C’est lui qui s’y connaît et la qualité du produit parle d’elle-même. C’est la raison pour laquelle nous travaillons à nous faire connaître des cafés et restaurants dans les régions frontalières. En adoptant nos produits, ils deviennent des relais pour notre future croissance.

Pourquoi ne pas aller plus vite et déjà s’attaquer à la grande distribution ?

« Le consommateur des pays de la Grande Région réclame de plus en plus notre produit, de Namur à Bruxelles ou Metz. Mais nous devons avancer pas à pas. Si nous voulons accélérer, nous devons rester aussi proches du consommateur final que du client. Il faut s’assurer d’avoir un bon mix produit, une bonne interaction avec le consommateur, et tout ce genre de choses.

Cette stratégie doit bien être mise en place en interne. Car il n’y a rien de pire qu’un consommateur déçu. En étant prudent, je pense que d’ici cinq à dix ans, nous serons prêts à passer à l’étape suivante. En effet, d’ici là, nous souhaitons faire progresser nos volumes dans la Grande Région, pour qu’ils passent des 20 % d’aujourd’hui à 50 % du total. »

 

Parcours - Brassage de compétences

Âgé de 37 ans, marié et père de deux filles, Philip Van Woensel est d’origine anversoise. « J’y ai suivi mes études jusqu’à un graduat en marketing et économie, à l’université d’Anvers. Professionnellement parlant, j’ai commencé ma carrière dans le domaine de l’IT en tant que business manager. Je suis arrivé au Luxembourg en 2001, et en 2003 j’ai rejoint la Brasserie de Diekirch, qui appartenait alors à Interbrew. J’y suis rentré en tant que brand manager junior, avant de devenir marketing manager. En 2007, jusqu’à la fin de 2009, j’ai été Benefralux innovation manager, pour le groupe, qui était depuis devenu AB Inbev. Après cette expérience très enrichissante, j’ai rejoint Munhowen pour sa volonté de développement dans la Grande Région. »