Pierre Gramegna s'oppose à l'accès de la commission taxe à des documents sensibles sur la fiscalité des entreprises. (Photo: Union européenne)

Pierre Gramegna s'oppose à l'accès de la commission taxe à des documents sensibles sur la fiscalité des entreprises. (Photo: Union européenne)

Depuis le 22 avril 2015, la commission taxe du Parlement européen, qui enquête sur la fiscalité des multinationales, réclame l’accès à un certain nombre de documents relatifs aux travaux du groupe de travail consacré au Code de conduite sur la fiscalité des entreprises dans l’UE. Les travaux avaient débuté le 9 mars 1998 et sont toujours d’actualité, mais ils sont couverts par la confidentialité des débats.

Le commissaire à la fiscalité, Pierre Moscovici, avait mis début juin à la disposition des membres de la commission parlementaire ad hoc 124 documents de séance qui avaient été préparés par la Commission dans le contexte des travaux du Code. Les eurodéputés s’intéressaient toutefois à une autre série de 25 documents de séance, ainsi que les comptes-rendus et minutes du groupe que les États membres ne souhaitaient pas rendre publics. Un bras de fer s’est alors engagé avec la Commission européenne et les États membres pour rendre ces documents accessibles aux parlementaires européens.

Un accord a été trouvé (pas encore validé), mais l’accès aux documents se fera au prix de certains sacrifices dans les droits du Parlement européen pourtant inscrits dans le Traité de l’UE qui lui octroie des fonctions de contrôle politique.

La consultation pourra donc se faire entre le 12 et le 26 octobre, sur rendez-vous et après que les parlementaires, triés sur le volet, ont accepté de signercette clause (3 pages), s’engageant à ne pas révéler le contenu des documents consultés.

Smartphones au vestiaire

L’accès à la salle des documents, et ses quatre sièges seulement, sera conditionné à la remise des téléphones portables et autres appareils électroniques permettant une reproduction des documents. Les élus devront également abandonner leurs crayons et stylos à l’entrée de la salle, ce qui rendra impossible la prise de notes. 

L’annonce de ces restrictions a aussitôt déclenché la colère de plusieurs élus qui y voient une atteinte au pouvoir du Parlement européen.

L’eurodéputé allemand de Die Linke, Fabio De Masi, juge nécessaire une discussion au sein de la commission taxe avant d’accepter l’arrangement avec la DG Taxud. D’autant plus nécessaire que la documentation mise sur la table ne correspond pas à celle qui avait été réclamée par les parlementaires. Ils avaient ainsi demandé à consulter les travaux du Code de conduite depuis sa création en 1998. Or, seule la période entre 2010 et 2015 sera couverte. Il manque donc 12 ans d’informations sur les travaux du Code de conduite. La Commission européenne, fait-il savoir, offre moins au Parlement européen que le minimum garanti par l'accord interinstitutionnel.

De plus, certains États membres se refusent toujours (14 sur les 28) à autoriser la consultation de certains échanges «sensibles» qui sont intervenus au niveau du groupe de travail sur la fiscalité des entreprises. Dans une réponse au député David Wagner (Déi Lénk), Pierre Gramegna avait insisté sur le maintien du caractère confidentiel de ces informations, mais il se disait prêt à revoir sa position si tous les États se mettaient d’accord pour lever le verrou barrant l’accès à ces documents. Le fameux «level playing field» qui est devenu un principe d’action du ministre des Finances à l’international.

Voici la liste des pays s'opposant à l'accès aux documents ou n'ayant pas fourni de réponses:

  1. Belgique
  2. Estonie
  3. Finlande
  4. Grèce
  5. Hongrie
  6. Lettonie
  7. Luxembourg
  8. Malte
  9. Pays-Bas
  10. Roumanie
  11. Slovénie
  12. Espagne
  13. Suède
  14. Royaume-Uni 

Un débat juridique sur l’accès du Parlement européen à des documents classés confidentiels ou classifiés pourrait désormais surgir en marge de la commission taxe, qui n’a pas encore décidé si son mandat sera ou non prolongé afin d’aller jusqu’au bout de l’enquête sur la fiscalité des multinationales. Trois groupes politiques (Libéraux, Verts et Gauche) sont en faveur de la poursuite des travaux de la commission ad hoc, les conservateurs du PPE s’y opposent et les sociaux-démocrates hésitent encore, en faisant dépendre leur réponse à l’accès aux documents.

Certains parlementaires craignent qu’en validant les restrictions posées par la Commission, ils signent un chèque en blanc à l’exécutif qui pourrait ainsi créer un précédent. Les élus les plus intransigeants se testent encore pour porter ce cas de censure devant la Cour de justice européenne.

Gramegna répond

Sur le même registre, il est à noter que le ministre des Finances a répondu, avec 10 jours d'avance sur le délai qui lui avait été accordé, aux questions d'eurodéputés qui avaient été laissées en suspens lors de son audition le 22 septembre dernier. Il n'y a rien de vraiment très neuf dans l'argumentaire de Pierre Gramegna, qui réitère ici son refus de fournir des informations sur les rulings qui seraient susceptibles d'enfreindre la rude loi du secret fiscal.

Voici en fichier joint le texte des réponses de Pierre Gramegna aux eurodéputés.