Les médecins se sentent mis sur la touche et craignent que les patients ne pâtissent d’une loi qui instillera selon eux davantage de bureaucratie et de calculs dans la gouvernance des hôpitaux. (Photo: Christophe Olinger / archives)

Les médecins se sentent mis sur la touche et craignent que les patients ne pâtissent d’une loi qui instillera selon eux davantage de bureaucratie et de calculs dans la gouvernance des hôpitaux. (Photo: Christophe Olinger / archives)

Trop peu consultés à leur goût durant le processus législatif – avec en tout et pour tout une «courte entrevue» avec la ministre de la Santé –, les médecins ne décolèrent pas en analysant le projet de loi présenté mi-septembre à la commission parlementaire par Lydia Mutsch.

«Cette loi risque de façonner une médecine bureaucratique, normative et impersonnelle», déplore Alain Schmit, président de l’AMMD. «Le patient, lui, se retrouve orphelin face à un médecin téléguidé par une administration en autogestion qui, elle, est sans lien direct avec le patient concerné.» Le premier grief des médecins concerne en effet la gouvernance des hôpitaux. «Le projet indique que le directeur général dispose du pouvoir de nomination des médecins après avoir demandé l’avis du collège médical», précise Danielle Ledesch, membre de l'AMMD. «Nous pensons que le collège médical doit donner pas uniquement son avis, mais son accord.» Jusqu’à présent, les collèges médicaux exprimaient leur avis en conseil d’administration. Ils se sentent aujourd’hui mis sur la touche alors même que «l’interdépendance entre médecins est très forte», souligne Alain Schmit.

Il n’y a pas de patient standard.

Philippe Wilmes, président du collège médical des Hôpitaux Robert Schuman

Les médecins craignent encore de se voir imposer du matériel ou des procédures dont l’impact peut être crucial au quotidien, pour eux comme pour les patients. «Il est question de faciliter les achats communs aux différents hôpitaux», indique Philippe Wilmes, président du collège médical des Hôpitaux Robert Schuman. «On parle de standardisation, mais il n’y a pas de patient standard, chacun présente des spécificités dans sa maladie.»

Autre sujet de discorde: les réseaux de compétences que la ministre veut développer afin d’optimiser les ressources et les échanges autour de pathologies définies comme la cardiologie ou encore le diabète. «Quelle est l’idée derrière cela? Que veut-on atteindre par ce biais?» interroge Alain Schmit. «On peut comprendre le concept pour certaines pathologies, pour d’autres c’est très difficile et je ne le mettrais pas dans la loi. Comment les médecins vont-ils adhérer s’ils ne sont même pas représentés?» Car la ministre prévoit que ces réseaux soient gérés conjointement par les hôpitaux du pays. Mais sans les médecins.

Un virage ambulatoire mal préparé

L’AMMD déplore encore que le virage ambulatoire cher à la ministre ne soit pas mieux accompagné. «C’est dommage, car la loi est une chance de prévoir une structure de chirurgie ambulatoire à part dans chaque hôpital», soupire Alain Schmit. «Il faut que le patient entre et sorte facilement, qu’il n’ait pas l’impression d’être dans un hôpital de 1.000 pièces. Il faut aussi définir des quotas pour la chirurgie – ce qu’a fait le conseil scientifique du ministère, mais il n’a pas été repris dans la loi.»

Les médecins regrettent aussi que le nombre de lits soit fixé à l’avance, «alors que la population croît de plus de 2% chaque année». «Il aurait fallu adapter ce chiffre au pro rata de l’évolution de la population», estime Alain Schmit. «La motivation fondamentale de ce projet de loi est de nature économique, or une politique de restriction budgétaire visant à faire des économies aux dépens des patients est déontologiquement et moralement inacceptable pour les médecins.»