Les avocats des victimes de Landsbanki ont été accusés de diffamation par la liquidatrice de la banque.  (Photo: Licence CC)

Les avocats des victimes de Landsbanki ont été accusés de diffamation par la liquidatrice de la banque.  (Photo: Licence CC)

Affaire mise au rôle spécial, c’est-à-dire enterrée, à tout le moins provisoirement: lundi, le tribunal correctionnel a fait droit à la demande de l’avocat de Me Yvette Hamilius, Me Rosario Grasso, de mettre au rôle général, i.e. en sourdine, la citation directe introduite il y a deux ans pour calomnie et diffamation contre deux avocats des victimes de la Landsbanki, Bernard Maingain et Benjamin Bodig, en attendant que soit évacuée l’enquête judiciaire pour blanchiment dont Me Hamilius est au cœur et qui est toujours en cours. Tout le monde est à peu près satisfait de cette option: des avocats des victimes de Landsbanki à la plaignante elle-même qui n’est pas dans une situation très confortable puisqu’elle est au centre d’une enquête judiciaire pour blanchiment du produit d’une escroquerie présumée.

Les commerciaux et intermédiaires de Landsbanki, en allant draguer les clients, le plus souvent des septuagénaires, dans le sud de la France et en Espagne pour leur proposer des prêts toxiques qu’ils étaient incapables de rembourser, alors que la banque luxembourgeoise d’origine islandaise était financièrement asphyxiée, avaient ainsi participé à une escroquerie en bande organisée. C’est du moins ce que l’instruction du dossier en France a retenu. Et en réalisant les actifs de cette fraude présumée, la liquidatrice Yvette Hamilius pourrait elle même avoir participé à du blanchiment ou, à tout le moins en être la complice. C’est en tout cas ce que les avocats Benjamin Bodig et Bernard Maingain avaient laissé entrevoir lors d’une conférence de presse à Luxembourg. Et c’est aussi ce sur quoi la justice luxembourgeoise enquête actuellement.

Jugeant leurs assertions de l’époque calomnieuses, Yvette Hamilius les avait attaqués à travers une citation directe. L’affaire fut entendue lundi devant un tribunal correctionnel, sans qu'un débat de fond intervienne pour autant.

Dans l’intervalle de la plainte de la liquidatrice, il y en a eu une autre la même année, introduite celle-ci par les victimes de Landsbanki et leurs avocats, précisément contre elle, mais aussi contre tout le mécanisme criminel mis en place au niveau de la banque pour récolter les économies des retraités, via des méthodes de voyous employés par ses commerciaux. 

Cassation

Or, si la liquidatrice, au moment de sa plainte initiale il y a plus de deux ans, semblait très sûre de son intouchabilité, son assurance a pris quelque rayures depuis une décision en juillet dernier, sous la pression internationale (en France et en Espagne la fraude et l’escroquerie ne font aucun doute et des enquêtes judiciaires ont été bouclées) de la Chambre du Conseil de la Cour d’appel de demander au cabinet d’instruction d’ouvrir une enquête pour blanchiment d’escroquerie à son encontre. Le Parquet considère toutefois qu’Yvette Hamilius n’a rien à se reprocher. Et l’intéressée soutient de son côté que son rôle de liquidatrice est la réalisation d’actifs dans l’intérêt des créanciers et avec la bénédiction de la justice luxembourgeoise. Du fait de cette caution de la justice, rien ni aucune infraction ne pourrait donc lui être incriminé.

L’affaire n’est pas définitivement tranchée, même si les victimes ont vu les principaux griefs contre la liquidatrice et les commerciaux et intermédiaires de Landsbanki (faux bilan, association de malfaiteurs) rejetés en raison de l’absence de liens directs entre ces faits présumés et le préjudice qu’ils allèguent (il y aura d’ailleurs cassation). Dans leur plainte de 2012, il ne reste plus à charge dans l’immédiat que le blanchiment. Et encore, le Parquet rechigne à enquêter sur ce grief.

Du fait de cette plainte pénale, il aurait été toutefois difficile au tribunal correctionnel de Luxembourg d’entendre ce lundi l’affaire puis de trancher sur la culpabilité ou non des deux avocats des victimes de Landsbanki.

Lundi à l’audience, l’avocat de Me Hamilius, Me Rosario Grasso, a d’ailleurs fait remarquer qu’il était matériellement impossible de retenir contre sa cliente le blanchiment d’une escroquerie dans la mesure où au moment des faits (2008), cette infraction ne figurait pas dans la loi sur le blanchiment au Luxembourg.

Il a réclamé la mise en suspens de la citation directe en attendant l’issue de la plainte pénale, se disant confiant que l’instruction avance rapidement, ce qui ne semble pas le cas.

L’avocat de Benjamin Bodig, Me Benoit Entringer s’est dit d’accord pour mettre l’affaire au rôle général, mais s’est opposé à se laisser entraîner sur le terrain de la partie adverse: pas question pour l’avocat de plaider sur la culpabilité ou non de Me Hamilius ni de gloser sur la question théorique de l’étendue de la responsabilité d’un curateur ou d’un liquidateur qui agit sous le commandement d’une autorité légitime.

Le juge a, à la satisfaction de toutes les parties, mis l’affaire au rôle général.