C'est donc Pierre Ahlborn qui succède cette année à Gaston Reinesch, numéro 1 du Top 100 Paperjam en 2012. (Photo: Sven Becker)

C'est donc Pierre Ahlborn qui succède cette année à Gaston Reinesch, numéro 1 du Top 100 Paperjam en 2012. (Photo: Sven Becker)

Le jury indépendant présidé par Michel Wurth en a décidé ainsi: Pierre Ahlborn, 52 ans, est le décideur économique le plus influent au Luxembourg en 2014. L'intéressé en a été flatté, voire gêné, tant il n'a jamais cherché à attirer vers lui les lumières des projecteurs.

Que ce soit à la tête de la Banque de Luxembourg (une position qu'il occupe depuis 2000), dont il a piloté l'évolution d'une banque privée «traditionnelle» vers un établissement de wealth management moderne; à la présidence de la Philharmonie; au comité exécutif de la Croix-Rouge luxembourgeoise (au sein duquel il est également trésorier); à la vice-présidence du conseil d'administration d'EFA ou encore dans les mandats d'administrateurs qu'il occupe par ailleurs (Post et Chambre de commerce, notamment), M. Ahlborn estime important d'œuvrer au sein de chaque entité spécifiquement dans l'intérêt de celle-ci.

«J'essaie de remplir au mieux les mandats que j'exerce en essayant d'être disponible, concentré, appliqué et de bien faire mon travail. Je ne sais pas si je réussis toujours, sans doute y a-t-il des choses à améliorer, mais je cherche en permanence à essayer d'être performant dans tout ce que je fais.» Quand on parle d'influence à M. Ahlborn, il préfère botter en touche. «Je ne souhaite pas être un homme influent, affirme-t-il clairement. La beauté du Luxembourg, c'est de pouvoir rencontrer et parler avec beaucoup de monde et partager des analyses. Je me garde bien ensuite de donner des conseils aux uns et aux autres, ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas d'opinion...»

Un ambassadeur tout-terrain 

Il s’en est fallu de peu pour que Norbert Becker, 61 ans, soit le lauréat de cette année. Ce multi-entrepreneur et fervent défenseur de la «cause» luxembourgeoise, comme il l’a démontré lors de son entrée sur scène en montrant – brochure à l’appui – que les rulings n’étaient pas l’apanage du Luxembourg, infatigable travailleur, a été très présent en coulisses ces deux dernières années, aussi bien sur le terrain économique que politique. Sa deuxième place n’en est que plus légitime.

Ce n’est d’ailleurs sans doute pas uniquement en raison de sa proximité reconnue – et assumée – avec le parti libéral (il fut, dans les années 70, un très proche collaborateur du Premier ministre Gaston Thorn) que Norbert Becker fut appelé à participer, à l’automne 2013, à la préparation du programme de coalition du gouvernement.

Son parcours, qui l’a conduit à endosser la responsabilité de nombreuses sociétés et à attirer des investisseurs au Luxembourg, parle pour lui. Et c’est ce qui, selon lui, a forgé cette «influence» que lui a prêtée le jury. «Cela résulte du cumul d’expérience que j’ai pu acquérir à l’étranger et au Luxembourg, estime-t-il. En tant qu’entrepreneur, je n’ai jamais recherché cette influence. Mais je suis évidemment conscient que mes fonctions me donnent une certaine responsabilité et que mes propos peuvent peut-être parfois compter plus que d’autres. Il faut bien sûr les assumer.»

Les fonds personnifiés

À la présidence de l’Alfi depuis 2011, Marc Saluzzi, 51 ans, a largement contribué à la santé florissante de ce pilier de la place financière, qui affiche désormais plus de 3.000 milliards d’euros d’actifs sous gestion au Grand-Duché.

Sa présence sur la troisième marche du podium montre qu’il est tout à fait possible d’exercer une influence dans l’économie luxembourgeoise sans nécessairement être un «national», ce qui est rassurant quand on sait que la population active au Grand-Duché est majoritairement composée d’étrangers. 

Sa part d’influence, M. Saluzzi l’assume parfaitement, en ayant conscience qu’elle est évidemment directement liée à la fonction. «L’Alfi a gagné en importance ces dernières années et a conquis le respect d’un certain nombre de personnes, bien au-delà du secteur financier. À titre personnel, j’ai toujours apprécié au Luxembourg, même relativement tôt dans ma carrière, de pouvoir être écouté et entendu, avec l’impression que ce que je disais pouvait avoir de l’intérêt. C’est motivant à un point difficilement imaginable. Et je pense qu’il y a beaucoup de pays qui nous envient cette qualité d’échange.»

Construire le futur de Luxembourg

L'ensemble du top 10 choisi par le jury a révélé la diversité du leadership au Luxembourg et un engagement des patrons pour le futur du pays. S'il est nouveau dans le classement, son père Lakshmi était un habitué du top 10 des éditions précédentes: Aditya Mittal (ArcelorMittal) se voit décerner la 4e place.

Une élégance nonchalante, une personnalité discrète, mais forte, et le goût pour le respect des valeurs de l'entreprise familiale, ont été mises en exergue avant la montée sur scène de Pit Hentgen, CEO de Lalux pour recevoir le prix du 5e décideur le plus influent.

Arrivé à la tête de Post Group il y a seulement deux ans, Claude Strasser s'est imposé comme l'un des dirigeants les plus importants au Luxembourg en «apprivoisant le mastodonte qu'est cette entreprise», comme l'a relevé le membre du jury Jean-Louis Schilz lors de la remise du prix, le 6e.

C'est le président du CA du groupe de presse Saint-Paul, Erny Gillen, qui se classe en 7e position.

Avec 25% de femmes au sein du top 10, Michèle Detaille, classée 8e, n'a pas caché sa joie tout en invitant les dirigeants à faire preuve d'engagement pour garantir un avenir aux générations futures.

Le CEO du groupe Cactus, Laurent Schonckert, est quant à lui classé 9e.

La 10e place est occupée ex aequo par Lihong Zhou (Bank of China), Suosheng Li (China Construction Bank) et Ming Gao (ICBC).

Un besoin d'entrepreneuriat

Outre ce top 10, l'ensemble des biographies du top 100 est disponible dans l'édition de janvier de Paperjam. Les 40 pages dédiées au classement mettent également en lumière des personnalités qui n'en font pas partie. Tantôt des «sages» classés durant les années antérieures et qui conservent une aura certaine dans la sphère économique du pays. Tantôt des «jeunes pousses à suivre», ou encore des personnalités du secteur culturel et du social.

«Plus que jamais, notre pays a besoin d'un pipeline de décideurs pour préparer le pays», a déclaré Michel Wurth, le président du jury. «Le Luxembourg est à la croisée des chemins. Si nous ne voulons pas que notre pays devienne un pays de berceuses, il faut le transformer en suscitant de nouvelles initiatives.»