Témoignage de Pierre Etienne, responsable de l'administration des fonds.
Quel regard portez-vous sur la mise en conformité des fonds avec la directive européenne UCITS III? Quelles sont les principales difficultés à gérer?
Pictet & Cie (Luxembourg) SA, en sa qualité de troisième promoteur suisse à Luxembourg, avec des actifs sous administration en très forte croissance et une offre produit très diversifiée, suit évidemment de très près l'évolution de la réglementation en la matière.
Le business model qu'a adopté Pictet pour l'administration de fonds repose sur la totale maîtrise, en interne, de l'entièreté de la chaîne de valeur, afin de pouvoir offrir à sa clientèle une service correspondant au niveau de standard très élevé qui caractérise le Groupe.
Dans ce cadre, la principale difficulté à gérer est à nos yeux de trouver le juste équilibre entre la substance à donner aux différentes sociétés de gestion tout en capitalisant au maximum sur les ressources déjà existantes dans le groupe et par là, éviter les duplications coûteuses et inutiles. La recherche d'un tel équilibre est sans doute le plus critique dans le domaine de la gestion des risques où une expertise réelle doit maintenant être présente à Luxembourg alors que les activités de gestion, et les middle-office associés, sont généralement localisés à l'étranger.
Une autre difficulté est certainement la façon dont les services seront rendus aux clients tiers, et en particulier l'étendue de notre responsabilité en tant que Société de Gestion
En ce qui concerne la CSSF, nous estimons qu'elle fait un excellent travail au regard des multiples demandes afin de traiter les dossiers dans des délais raisonnables. L'acceptation de la procédure accélérée en est un exemple très concret.
Où en êtes-vous avec votre propre échéancier? Sur quelle base l'avez-vous établi?
Pictet est une des acteurs les plus actifs en matière de distribution pan-européenne à partir de Luxembourg.
A l'instar d'autres promoteurs de fonds pan-européens, nous avons rencontré durant 2004 quelques obstacles dans le cadre de l'enregistrement de nouveaux compartiments auprès de certains pays membres de l'Union Européenne.
Tant par soucis de préserver les possibilités existantes et les opportunités futures de distribution pan-européenne de nos fonds, que par volonté d'évoluer au regard de la nouvelle législation, nous avons décidé d'aller de l'avant en matière d'adaptation de nos produits et de notre société de gestion dès l'été 2004, par anticipation des "guidelines" du CESR.
Concernant le volet "produit", nous aurions souhaité l'émission par la CSSF de la Circulaire relative aux instruments dérivés, afin d'adapter au mieux nos produits et plus particulièrement notre ombrelle obligataire. Nonobstant l'absence de cette circulaire, notre processus d'adaptation est en cours.
Concernant la Société de Gestion, les adaptations nécessaires ont engendré différentes réflexions, tenant bien entendu compte de l'organisation et du mode de fonctionnement de notre maison. Une des pistes explorées est aujourd'hui en phase de finalisation en interne.
Notre objectif est d'être rapidement et totalement compliant au regard de ces deux aspects, produits et Société de Gestion.
Estimez-vous que le fait d'être parmi les premiers pays à transposer cette directive donne un atout supplémentaire et décisif à la Place du Luxembourg?
En sa qualité de place financière "phare" où sont domiciliés un grand nombre d'OPC qui pratiquent la distribution trans-frontalière, le Luxembourg se doit d'être dans les premiers pays à transposer cette Directive.
Dans un marché en pleine expansion, une rapidité d'adaptation à la Directive permet de maintenir/rendre le cadre clair pour les promoteurs qui organisent désormais leur activité fonds d'investissement à l'échelle européenne, et ne dupliquent plus des services identiques dans plusieurs pays européens.
Une fois que les principaux Etats auront transposé cette directive, quels arguments majeurs le Luxembourg pourra-t-il faire valoir pour conserver sa position de force?
La plupart des arguments qui ont sous-tendu le développement extraordinaire de la Place ces 20 dernières années: un environnement fiscal concurrentiel, un contexte politique stable ainsi qu'une autorité de tutelle pragmatique et réactive, à l'écoute des souhaits de l'industrie financière tout en étant exigeante vis à vis des prestataires de services sous sa supervision.
Ce pragmatisme doit maintenant trouver écho en particulier dans le domaine de l'innovation: utilisation plus large des instruments dérivés, méthodes modernes de gestion des risques dans le domaine des OPC, élargissement de la palette des produits grand public. En particulier, une attitude positive et adaptée aux nouvelles techniques de gestion des risques attirera de nouveaux promoteurs et permettra le développement de nouveaux produits.
La CSSF doit finalement s'efforcer de conserver des délais de traitement des dossiers aussi court que possible, malgré un environnement réglementaire de plus en plus complexe.