« La télévision connectée est véritablement la grande tendance du marché. » (Photo : David Laurent / Wide)

« La télévision connectée est véritablement la grande tendance du marché. » (Photo : David Laurent / Wide)

Monsieur Grang, quelles sont les activités de Rovi ? L’entreprise n’est pas très connue du grand public…

« Pour essayer de résumer en une phrase, nous sommes fournisseurs de solutions technologiques pour les acteurs du divertissement numérique. Notre mission est de faciliter la vie des utilisateurs dans leur recherche de contenus de divertissements. Le siège de l’entreprise est aux États-Unis, à Santa Clara. Nous employons environ 1.800 personnes dans le monde. Nous avons différentes entités en Europe, qui sont positionnées au plus proche des clients : en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Russie ou au Luxembourg. Si nous travaillons pour l'utilisateur final, nos clients sont les entreprises du secteur. Il peut s’agir des équipementiers, des opérateurs, des studios de création ou encore des distributeurs. Nous avons trois grandes catégories de produits. Il y a d’abord ce que nous appelons ‘Content Discovery’. Ce sont, par exemple, des guides de programme. Nous rassemblons et créons notre matière première, à savoir toute une série de métadonnées : des résumés, des extraits audio visuels, le casting, la durée, le genre… et nous le proposons sous une forme récupérable de manière numérique et automatisée. Ensuite, nous avons des services de type ‘cloud’, pour que les terminaux puissent récupérer le tout, directement sur nos serveurs, par des appels générés par les applications, directement à partir des appareils équipés. Les services peuvent alors être plus évolués, notamment avec des outils de recherche ou de recommandation, à travers tous les médias auxquels l’utilisateur a accès. Enfin, nous proposons aussi des applications complètes. Elles sont utilisables de manière intégrale, ou comme des composants modulaires, selon le cas particulier de chaque client. Par exemple, elles sont embarquées sur les téléviseurs connectés de Toshiba ou de Panasonic au Luxembourg et en Europe. On peut y inclure des fonctions d’enregistrement, un accès facilité à la vidéo à la demande, ou bien encore à la télévision de rattrapage. Nous avons aussi des solutions permettant de monétiser les écrans, grâce à notre système de publicité. Il est interactif, ludique et non intrusif, et il permet aux annonceurs de toucher 40 millions de foyers dans le monde. Nous proposons des emplacements pour des bannières de publicité, qui s’affichent de manière ciblée et non intrusive.

Quelles sont les tendances de ce marché ?

« À un salon professionnel récent – l’IFA, nous avons constaté que la télévision connectée est véritablement la grande tendance du marché. Les terminaux de ce type avaient été lancés avant les télés en 3D, mais la technologie ne suivait pas à l’époque : les réseaux Wifi domestiques n’étaient pas nombreux, et l’on n’avait pas forcément une prise Ethernet juste derrière son téléviseur. Ensuite, la 3D a été, pendant quelques mois, le sujet ‘chaud’ du marché, en parallèle au développement des disques Blue Ray 3D… La faiblesse des contenus existants a, en fait, remis la 3D au second plan, alors que les améliorations technologiques, combinées à une plus grande disponibilité du contenu délinéarisé ont relancé la télévision connectée ou SmartTV… Il y a aujourd'hui beaucoup plus de programmes et d’applications disponibles, les contenus dématérialisés se sont démocratisés. Cependant, la richesse de ce choix, la multiplication du contenu a tué la facilité d’utilisation pour l’utilisateur. Lorsque l'on a accès à une centaine de chaînes, de la vidéo à la demande et de la télévision de rattrapage… il est souvent très difficile de s'y retrouver… et l’on est parfois incapable de savoir ce qui est proposé au moment où l’on cherche à consommer. C’est là que nous intervenons, en nous positionnant comme une sorte de plate-forme qui permet au client, via une navigation fluide entre les différents univers, de trouver ce qu'il recherche. On peut ainsi consulter tous les catalogues, dans la même application et en même temps. Nous avons compris qu’il peut y avoir des programmes très intéressants pour l'utilisateur, disponibles, sans qu’ils le sachent. C'est pourquoi nos suggestions ou recommandations, qui peuvent être proposées par les éditeurs, ou bien encore construits de manière dynamique, selon le profil de l’utilisateur, sont une aide particulièrement utile et pertinente dans cette prolifération du contenu, À l’IFA, nous avons présenté une évolution majeure de nos solutions de guidage. En effet, notre nouvelle version de guide de programme électronique est désormais complètement développée à partir de la technologie HTML, ce qui permet un temps de portage très réduit sur les différents terminaux, car il leur suffit d'avoir un navigateur web compatible HbbTV pour l’afficher, et avoir accès à nos informations sur les contenus.

Vous commercialisez donc vos solutions auprès d’intermédiaires ?

« Oui, et des intermédiaires de natures différentes. Nous avons par exemple un magasin de VOD en marque blanche. L’utilisateur ne nous verra pas nous, mais verra son prestataire. Nous fonctionnons avec une logique multi-écrans et interactive; nous pouvons, par exemple, acheter un film depuis une tablette et le regarder sur un téléviseur. Ce magasin de vidéo à la demande est déjà déployé en Allemagne – via Mediamarkt et Eutelsat, et en Angleterre, via Dixons ou Sainsbury’s. Nous pouvons fournir le produit complet, en allant jusqu’à la gestion des droits. Les clients, qui n’ont besoin que de certaines briques de notre technologie, apprécient la modularité de notre solution. En effet, nous nous adaptons pour fournir la meilleure valeur ajoutée à nos clients, selon leur situation invidividuelle.
Par exemple, nous pouvons ne pas nous charger uniquement de l’encodage numérique. Nous avons une division, située à Aix-la-Chapelle, qui encode les flux audio et vidéo, dans tous les formats existants. Nous pouvons également proposer des solutions de streaming adaptatif pour la consommation de VOD chez soi, ou en situation de mobilité. Nous utilisons alors une des technologies de notre marque DivX. Le système, DivX Plus Streaming adapte automatiquement la résolution à la variation de bande passante. Nous pouvons ainsi diffuser de la vidéo en streaming, avec une qualité proche du Blu-ray, mais nous permettons aussi une visualisation immédiate du film, sans buffering. On peut également avoir les fonctions de type avance ou retour rapide, choisir la langue, les sous-titres, comme sur un DVD… Pour l'un de nos clients, avoir un service offrant une VOD de très grande qualité de ce type, est un moyen de se différencier sur un marché concurrentiel.

Y’a-t-il d’autres options de ce type, au bénéfice du consommateur final ?

« Notre service de copie numérique permet à l’utilisateur de se construire sa vidéothèque sur le ‘cloud’. Nous le faisons, par exemple, en France avec Free. En cas d’achat d’un film, on peut avoir accès à des copies numériques, que l’on pourra consulter sur six terminaux différents, et donc pas uniquement à partir du terminal sur lequel on a acheté le programme : cela est aussi possible grâce à la DRM que nous proposons. Nous travaillons également avec des distributeurs, dans le même esprit. Si un particulier achète un DVD ou un Blu-Ray éligible au système, il peut, en se connectant, avoir accès à sa copie numérique. La proposition peut être faite sur le point de vente, par exemple au moment de l'achat d’un DVD.
Enfin, nous consacrons beaucoup d’efforts à améliorer l’interactivité entre les écrans. Permettre à sa tablette ou son smartphone d'interagir avec son téléviseur ou son décodeur est déjà une réalité aujourd'hui, y inclure une dimension sociale sera, sans doute, une prochaine étape à moyen terme.

Que fait-on au Luxembourg, dans le groupe Rovi ?

« D’ici, nous créons les métadonnées et gérons nos guides de programme, dans 14 langues différentes, pour 18 pays et 1.400 chaînes; et, systématiquement, par des éditeurs qui travaillent dans leur langue maternelle. À l'origine, la société s’appelait Infomedia et avait été créée au Luxembourg, en 1991. Elle élaborait les programmes télé pour nos clients en Europe. En 2008, Rovi – qui s’appelait alors Macrovision – l’a rachetée. Nous sommes environ 95 au Luxembourg, et en fort développement depuis deux ans. Une grande partie de l’équipe sont des éditeurs de métadonnées. Ce sont eux qui créent et lient les contenus, avec les informations complémentaires, qui permettent la recherche et la découverte. Il y a peu de pays comme le Luxembourg, où l’on peut trouver du monde pour travailler dans 14 langues… Il y a de nombreuses nationalités dans le pays, c’est très clairement une force du territoire. Du Luxembourg, nous gérons également les relations avec nos clients en Europe, qui souhaitent avoir des contacts proches – géographiquement. Nous pouvons rapidement nous rendre dans les différentes capitales européennes pour les rencontrer, et discuter technologie ou partenariat. Nos serveurs sont à Bettembourg, et nous bénéficions de la qualité de service du Grand-Duché dans ce domaine… Le Luxembourg se positionne clairement comme un hub pour les nouvelles technologies.

Les métadonnées – et leur qualité – sont donc essentielles pour votre fonctionnement…

« Oui, très clairement. Nous devons être capables d’intégrer les catalogues de tous nos partenaires, et ce, de la meilleure manière possible. Si les diffuseurs envoient leurs programmes de base, c’est en enrichissant ces données et en créant des relations entre les données et les métadonnées, que l’on peut permettre une consommation des médias qui soit plus agréable. Si la saisie des métadonnées est en grande partie automatisée, il y a toujours du travail ‘manuel’ qui est nécessaire par la suite. Nous devons standardiser, harmoniser, enrichir le tout. C’est cette qualité qui permet de transporter le consommateur d’un univers à un autre, de manière transparente et agréable. Nous ne pouvons pas fonctionner si cette matière première n’est pas de qualité. Les bases de données doivent être riches, propres et efficaces, et intégrer sans cesse des nouveautés.

Y a-t-il des grandes différences entre les différents pays ?

« Pour nous, les différences ne se font pas entre pays, mais entre métiers. Il y a parfois plus de points communs entre deux câblo-opérateurs de deux pays différents, qu’entre un câblo-opérateur et un opérateur satellite d’un pays. Pour les terminaux, les fabricants travaillent à rendre leur parc le plus homogène possible, pour faciliter leur fonctionnement. Après, d’un marché à l’autre, il y a bien entendu des différences de type et de taux de connexion, ou de taux d’équipement, bien entendu. Mais, par exemple, les tendances télécoms dans le secteur de l’IP TV sont comparables d’un pays à l’autre, il y a des tendances lourdes. Ce qui est également commun, c’est le besoin de pédagogie, d’explication de nos activités. Nous sommes des prestataires de solution, nous devons comprendre les besoins de nos partenaires, et les canaliser, pour pouvoir leur offrir le meilleur, de la manière la plus modulaire possible – et la plus efficace – pour eux et pour l’utilisateur final.

 

PARCOURS - À la télévision…

Âgé de 46 ans, Philippe Grang a suivi des études de commerce à l’ISC, à Paris. Une fois diplômé, il devient chef de produit chez Toshiba, et continue sa carrière dans chez différents équipementiers comme Thomson. « Pendant 15 ans, j’étais du côté des industriels, et je suis donc sensible à leurs problématiques. Je suis chez Rovi, du côté du logiciel, depuis quatre ans avec comme objectif de les aider à améliorer leurs produits. »