Signature d'un shareholders’ agreement pour la compagnie de fret aérien Henan Cargo entre Cargolux et HNCA en juin 2017. (Photo: SIP / Charles Caratini)

Signature d'un shareholders’ agreement pour la compagnie de fret aérien Henan Cargo entre Cargolux et HNCA en juin 2017. (Photo: SIP / Charles Caratini)

L’imminence de l’annonce de la vente de la Bil au groupe chinois Legend Holdings Corporation risque de raviver le débat sur la vente d’entreprises stratégiques à des investisseurs venus de Chine. Depuis deux ans, en effet, les investisseurs privés de l’empire du Milieu se sont gavés d’actifs occidentaux. Immeubles, clubs de football, technologies de pointe… Le total des acquisitions a atteint 200 milliards de dollars (170 milliards d’euros) en 2016, selon une étude de Rhodium et du Mercator Institute for China Studies.

Avec un total des achats évalué à 35 milliards d’euros l’an dernier, c’est le continent européen qui a été le plus visé par l’appétit des hommes d’affaires chinois. Face à leur souci de placer leurs liquidités à l’étranger, la France, l’Allemagne et l’Italie viennent d’ailleurs de demander à la Commission européenne de prendre de nouvelles mesures permettant aux États membres de l’UE de bloquer l’acquisition d’entreprises stratégiques. Une mesure qui, sans le dire, vise à se protéger de ce «nuage de criquets» venu d’Asie, des yuans plein les poches.

Coup de frein

Ceci dit, la Chine elle-même a pris des mesures pour freiner ces sorties massives de capitaux. Depuis la fin de l’année dernière, elle freine les investissements à l’étranger qui ne collent pas directement avec la stratégie de l’entreprise et a envoyé régulièrement des messages en ce sens aux entrepreneurs nationaux. Avec comme résultat une baisse de 50% des sommes injectées dans des firmes étrangères au cours des deux premiers mois de 2017 par rapport à la même période en 2016.

Pas plus tard que le 17 août dernier, le gouvernement chinois a rendu publique une importante circulaire qui clarifie sa volonté de freiner l’appétit des investisseurs. «C’est un document important, il formalise la politique du gouvernement chinois. Mais ce n’est pas une nouvelle vision des choses, elle avait déjà été exprimée dans la pratique administrative mise en œuvre par les autorités chinoises ces deux dernières années», observe un expert basé à Hong Kong.

Dans ce document, Pékin pointe des secteurs dans lesquels il est interdit d’investir (domaine militaire, jeux de hasard, pornographie), ceux pour lesquels le gouvernement se montre réticent, et qu’il analysera au cas par cas, et ceux qui sont encouragés (infrastructures, énergie, agriculture, santé, recherche).

Éviter les investissements de prestige

«Le gouvernement entend surtout mettre un frein aux investissements somptuaires comme on en a vu dans l’immobilier, le sport ou les loisirs, et ceux qui n’ont pas de lien direct avec l’activité de l’entreprise», poursuit cet expert. Une décision qui doit donc faire chuter les montants injectés hors frontières. «Ça se voit déjà sur les premiers chiffres de 2017, mais on part de chiffres très hauts après les exercices 2015 et 2016.»

Il rappelle aussi que, à partir de 2009, le gouvernement chinois avait lui-même poussé les acteurs économiques à s’internationaliser. «Cette démarche s’était faite notamment dans la volonté d’internationaliser le renminbi et de renforcer de manière globale la position de la Chine.»

Mais aujourd’hui, Pékin, qui vise un développement plus endogène de son économie, aimerait voir les bénéfices des entreprises investis plus massivement sur son territoire qu’à l’étranger.