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Paul Mousel et Guy Harles, fondateurs d'Arendt & Medernach 

28 ans après la création de leur cabinet d’avocats, ils sont toujours fidèles au poste. Mais aux côtés de quelque 600 collaborateurs. S’ils ont tout de même pris de la hauteur au sein du partnership, Paul Mousel et Guy Harles n’en restent pas moins très impliqués dans «leur» cabinet, l’un des plus importants de la Place et qui a su, de surcroît, rester indépendant des grands réseaux internationaux.

Arendt & Medernach, puisque c’est de ce cabinet qu’il s’agit, est donc le fruit de l’aventure de ces deux passionnés du droit et de leurs associés fondateurs qui, ils l’avouent volontiers, malgré leurs désaccords sur certains points, ont su trouver au fil des années le modus operandi pour faire croître l’entreprise.

Parmi les ingrédients de cette réussite, la répartition des tâches en fonction des attraits de chacun prime. À Guy Harles le développement des affaires et la prospection internationale; à Paul Mousel la gestion des associés en interne et le marché local. «J’ai toujours aimé foncièrement le droit et je me suis toujours concentré sur les avis depuis le Luxembourg», déclare Paul Mousel, tandis que Guy Harles avoue volontiers sa passion pour la gestion et sa fibre commerciale.

Si l’étude aurait pu, il y a 20 ans, s’appeler «Mousel et Harles», l’évolution du marché justifie d’autant plus avec le recul le recours à une marque plus intemporelle. «Ça n’a pas forcément été compris au départ, mais c’était un choix délibéré de faire ‘low profile’ pour mettre en avant l’étude», explique Paul Mousel. Arendt & Medernach a vu le jour suite à la fusion de deux cabinets existants: Arendt & Harles et Mersch & Medernach. «Il y a 20 ans, les professionnels pouvaient être connus dans le monde juridique à titre personnel, ajoute Guy Harles. Ce sont désormais les noms des institutions qui priment, d’autant que la diversification des activités incite plus à l’utilisation de marques que des noms de personnes souvent liées à une seule compétence.» Fonctionnant comme une entreprise familiale, le cabinet a entamé une phase de transmission générationnelle tout en organisant et élargissant sa gouvernance au fur et à mesure de la croissance des activités.

Quant à la place du doute dans la conduite des affaires et surtout la capacité à pérenniser le succès au fil des années, les deux associés fondateurs le reconnaissent: «Nous avons toujours eu de la chance.» «Lorsque nous avons fondé le cabinet, il y avait la place pour un nouvel acteur à vocation internationale», se souvient Paul Mousel. De la première législation relative aux fonds d’investissement à la croissance de la place bancaire en passant par l’assurance et l’ICT, Arendt & Medernach a ainsi adapté son offre de services avec le temps. «Il faut avoir de la chance au bon moment, ajoute Guy Harles. Ce qui veut dire être présent au bon moment, avec la bonne offre», indique Paul Mousel. Pour le cabinet, l’optique a toujours été de croître de façon interne. «Nous ne croyons pas aux fusions entre cabinets d’avocats, car il est difficile d’intégrer des cultures d’entreprises différentes.»

Indépendant, le cabinet, sous l’impulsion des deux associés fondateurs s’est, outre des relais dans des cabinets amis à l’étranger, constitué ses propres points d’appui à Dubaï, Hong Kong, Londres, Moscou, New York et, plus récemment, Paris. Des bureaux répartis dans les principaux fuseaux horaires et implantations stratégiques. Autant de fenêtres ouvertes sur un monde fait d’incertitudes à l’entame de 2017. Ce qui n’empêche pas les deux avocats de garder un certain optimisme. «Le Luxembourg a encore de belles cartes à jouer, car il reste beaucoup de choses à faire, par exemple dans le wealth management. Beaucoup de millionnaires et milliardaires ont besoin d’une gestion de fortune adaptée, d’une localisation stable d’où ils peuvent faire la structuration de leur patrimoine», estime Paul Mousel.

Les deux associés scrutent les centres où est active cette clientèle cible pour la Place, avec une attention particulière sur l’Asie où un bureau à Hong Kong existe depuis 2009. Mais qui sait… Quant aux Brexit, les avocats sont parmi les acteurs de la Place les plus sollicités par des professionnels britanniques à la recherche d’une porte d’entrée vers le futur marché européen dont ils seraient coupés. «Il est intéressant de voir que certaines grandes organisations britanniques considèrent encore que le Brexit n’arrivera pas. Elles n’ont pas abandonné tout espoir, ajoute Paul Mousel. Mais dans certains domaines comme l’assurance, nous voyons des premiers projets concrets arriver au Luxembourg. Même si à ce stade, il y a beaucoup de demandes pour peu de concrétisation.»

«Si le Brexit arrive», tranche Guy Harles, le processus sera plutôt long avec avant tout un transfert de structure, plus que de personnel. Un mouvement qui renvoie aux discussions autour de l’adaptation de la législation concernant l’outsourcing, qui permettrait aux acteurs britanniques de gagner en certitude quant à leur possibilité de stocker leurs données auprès de leur maison mère et donc renforcerait l’attrait du Luxembourg.

Difficile pour les deux entrepreneurs de prédire 2017. Mais l’année qui s’ouvre et la réussite du pays «dépendront d’une part de la politique mondiale et des actes que posera le gouvernement luxembourgeois, selon Paul Mousel. Nous assistons à une petite réindustrialisation du pays, ce que je souhaite et soutiens fortement, nous aurons aussi davantage d’affaires dans le créneau. Mais je ne vois pas de nouvelle niche particulière à l’horizon.»

«La place financière va connaître une forte évolution avec la désintermédiation des services induite par les fintech», note pour sa part Guy Harles, qui estime par ailleurs que «tout n’est pas forcément négatif dans l’élection de M. Trump. Elle nous permettra peut-être d’améliorer les relations avec la Russie. En revanche, il faudra surveiller les conséquences liées à sa volonté de revoir le Dodd-Frank Act.»

«Il faut faire ce qu’on a envie de faire et se faire plaisir », lance Guy Harles lorsqu’il lui est demandé un conseil à l’intention des leaders de la nouvelle génération. «À mes enfants, je dirai deux choses: tout d’abord qu’il faut avoir un network important et ensuite qu’il faut essayer d’être prudent dans ce qu’on dit en public», conseille pour sa part Paul Mousel.

Toujours passionnés par leur métier, les deux hommes d’affaires entrevoient l’avenir sans forcément songer à la retraite. Ils sont aussi pleinement conscients de l’influence naturelle de l’avocat qui peut d’ailleurs dépasser le cadre de sa mission. «Souvent le client suit le conseil qu’on lui donne, alors qu’il dépasse purement le cadre juridique», note Paul Mousel. «Le chef d’entreprise influence véritablement par ses actions. Plus on essaie d’influencer, moins on réussit à le faire. Il vaut mieux montrer l’exemple par ses actions», estime Guy Harles.

L'avis du président du jury

«Je les connais depuis 35 ans. Ils ont réussi à bâtir de toutes pièces l'une des deux seules études purement luxembourgeoises. Plus que des juristes, ce sont des hommes d'affaires.»

CV express

Paul Mousel

  • Né le 15 octobre 1953 à Luxembourg
  • Diplômé de l’Université libre de Bruxelles
  • Membre du Barreau de Luxembourg et de Bruxelles depuis 1978
  • Cofondateur et coprésident de Arendt & Medernach en 1988
  • Spécialisé dans les matières liées à la régulation touchant les banques, les entreprises d’investissement, les compagnies d’assurances ainsi que les aspects de réorganisation, de M&A, de fusion et de liquidation dans le secteur financier
  • Membre de plusieurs groupes de travail de la CSSF

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Guy Harles

  • Né le 04 mai 1955 à Luxembourg
  • Diplômé de l’Université Robert Schuman de Strasbourg
  • Membre du Barreau de Luxembourg depuis 1980 (il en fut bâtonnier entre 2011 et 2012)
  • Cofondateur et coprésident de Arendt & Medernach en 1988
  • Spécialisé notamment dans les projets de structuration et les transactions internationales, le private equity, les fusions et acquisitions
  • Ses missions à l’international l’ont amené à se spécialiser notamment sur le marché asiatique

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Tous deux ont travaillé à l’Arbed précédemment à la fondation du cabinet.