Adnan El Bakri: «Nous allons poursuivre notre développement à l’international, en particulier auprès des pays en voie de développement ou émergents.» (Photo: Olivier Toussaint)

Adnan El Bakri: «Nous allons poursuivre notre développement à l’international, en particulier auprès des pays en voie de développement ou émergents.» (Photo: Olivier Toussaint)

Docteur El Bakri, comment est née l’idée d’un passeport médical universel? 

«En 2015, j’ai rejoint le CNRS à la faculté de médecine de Reims pour travailler sur les nouvelles technologies appliquées au cancer. J’y ai développé un algorithme de big data et d’intelligence artificielle appliqué au cancer du rein. Au cours de mes recherches, j’ai été confronté à l’absence de bases de données coopératives.

Un manque de partage de l’information que je rencontre au quotidien dans ma pratique à l’hôpital. Chaque praticien qui reçoit un patient conserve bien sûr les données qui le concernent. Mais si la personne déménage, qu’elle change de médecin ou d’hôpital, ces informations, même digitalisées, sont la plupart du temps impossibles à récupérer. Y compris par le patient lui-même! 

Si les initiatives de digitalisation de la santé centralisées sur les établissements ou les médecins n’ont jamais fonctionné, c’est parce qu’elles omettent une brique essentielle: le patient.

Dr Adnan El Bakri, chirurgien urologue et président-fondateur d’InnovHealth

C’est de ce constat qu’est née l’idée de rassembler le dossier médical dans un flux unique de données, afin que chaque citoyen puisse récupérer l’information qui le concerne auprès de n’importe quel professionnel de santé, et ce partout dans le monde. Si les initiatives de digitalisation de la santé centralisées sur les établissements ou les médecins n’ont jamais fonctionné, c’est parce qu’elles omettent une brique essentielle: le patient.

C’est pourtant lui qui, face à son médecin, relate son historique de santé, avec ce que cela comporte de risques d’imprécisions. Notre solution n’entend pas rompre cet échange, essentiel à la pratique et au rapport de confiance qui doit s’établir entre le médecin et son patient. L’apport des nouvelles technologies permet de fournir à chaque citoyen la maîtrise de son histoire médicale, pour lui permettre de retracer son parcours de santé de façon plus précise.

Le PassCare a vocation à faciliter cet échange, à limiter les erreurs ou les omissions pour, au final, améliorer la qualité des soins. 

Comment les professionnels de santé accèdent-ils à PassCare? 

«La connexion à la plate-forme PassCare s’effectue depuis un simple navigateur internet, à partir des informations d’identification inscrites sur la carte PassCare du patient. Le praticien a ensuite accès de façon sécurisée aux données que le patient accepte de partager. Élément de sécurité supplémentaire, ce dernier doit confirmer l’autorisation d’accès via l’application installée sur son smartphone. Cette autorisation n’est valable que pour la durée de la consultation.  

La solution peut-elle aussi s’intégrer à des supports ou dispositifs existants? 

«Oui sans difficulté. Notre modèle est d’ailleurs clairement B2B2C. La technologie est interopérable et peut s’imbriquer à une carte d’assuré social ou d’identité, mais aussi aux logiciels métiers existants (pharmaciens, médecins libéraux, établissements hospitaliers, cliniques, etc.), de sorte que quand le praticien renseigne une information, celle-ci est automatiquement partagée avec le patient et archivée de façon sécurisée. 

Nous venons également renforcer les solutions de télémédecine pour lesquelles la qualité de transmission des informations et la connaissance de l’historique du patient sont essentielles. Nous avons par exemple accompagné Alcatel-Lucent et intégré notre solution PassCare à la messagerie audio/vidéo Rainbow pour la téléconsultation. 

Les informations de santé sont des données hautement sensibles. Quels dispositifs utilisez-vous pour en garantir la confidentialité et la sécurité? 

«La sécurité des données médicales est strictement encadrée par les réglementations et certifications européennes auxquelles nous nous conformons à la lettre. Par ailleurs, notre architecture repose sur l’utilisation d’un cloud privé, ce qui signifie que l’information du patient est décentralisée et non pas regroupée dans une base de données globale.

Nous avons en outre développé une blockchain hybride avec un registre partagé, qui permet de ne pas altérer l’information. Toute la donnée est «hashée», c’est-à-dire totalement anonymisée et chiffrée. Enfin, la confidentialité est assurée par le patient lui-même puisque lui seul peut générer la clé d’accès privée et éphémère depuis son smartphone.

Quelle est votre feuille de route pour 2019?

«Nous allons poursuivre notre développement à l’international, en particulier auprès des pays en voie de développement ou émergents. Ne disposant pas encore d’une organisation de leur système de santé, ils se montrent particulièrement intéressés par l’intégration de notre solution. Nous allons aussi accroître nos partenariats avec les organismes privés (mutuelles, assurances, réseaux de pharmacies, etc.), pour atteindre d’ici fin 2019 notre objectif de 1 million d’utilisateurs.»