Pascal Tesch, CIO, Radio 100,7 (Photo : David Laurent/Wide)

Pascal Tesch, CIO, Radio 100,7 (Photo : David Laurent/Wide)

Pascal Tesch, en quoi consiste le rôle d’un CIO dans une station de radio comme 100,7 ?

« Mon rôle, c’est de fournir une plate-forme de production à nos équipes, pour leur permettre de proposer à nos auditeurs les meilleurs programmes possibles. Par définition, dans la radio, il n’y a que du son. Il remplace l’ambiance qui est visible dans les reportages télévisés. C’est un peu comme pour les livres, on peut y mettre plus d’imagination que dans un film où tout est montré. Il y a donc un aspect technologique à la production des programmes… même si la technique n’est pas le contenu !

Lors d’une rencontre entre différentes radios publiques européennes, j’ai expliqué que, dans les petites radios comme la nôtre, le CIO est celui qui est là pour répondre à tous les problèmes de type ‘techniques’. Tout ce qui a un bouton relève d’une certaine manière de mon service, de l’ordinateur à la photocopieuse, en passant par le matériel du studio… Autrement dit, en simplifiant, nous devons, mon équipe et moi, nous occuper de tout ce qui utilise de l’électricité. Plutôt que responsable informatique, on pourrait dire responsable technique.

Quelles sont les différences avec les grandes stations justement ?

« Le fait d’être une petite entité rend la vie à la fois plus simple et plus compliquée. Le côté simple vient du fait qu’il n’y a pas de compartimentage entre les différents départements. On peut plus facilement travailler de manière transversale, en liant les différents éléments du système d’information, qu’il s’agisse de la gestion comme de la production, des postes de travail comme de la salle de montage.

Dans les grandes structures, la charge de travail reste importante, mais elle est quelquefois moins complexe : on peut se concentrer sur un aspect des besoins. En contrepartie, il faut travailler à l’inter­con­nexion des différents éléments de manière plus poussée. Pour nos grands alter ego étrangers, comme l’Österreichischer Rundfunk (ORF) ou la Westdeutscher Rundfunk (WDR) Köln, il y a deux services techniques : celui qui s’occupe de la partie office, et celui qui s’occupe de la diffusion, du broadcast. Dès que l’on veut ajouter un lien entre un PC utilisateur et un PC de production, il faut déclencher une procédure. Cela prend du temps, des ressources, et peut avoir une certaine lourdeur, que nous n’avons pas. Mais en attendant, cette spécialisation permet d’avoir des résultats de très grande qualité. C’est un processus classique : vous partez d’une situation complexe, et vous la cassez, la réduisez en plus petits problèmes, plus simples à résoudre, quitte à passer plus de temps à organiser la coordination.

Ici, nous avons aussi de grandes ambitions en termes qualitatifs, mais nous ne pouvons pas passer à côté des problèmes de photocopieurs… Nous ne pouvons pas nous concentrer uniquement sur la disponibilité du satellite.

La radio va bientôt déménager… Quelles conséquences pour vous ?

« Nous sommes effectivement en train de préparer notre déménagement. Du point de vue technique, cela a été l’occasion de tout remettre en cause. Attention, cela ne veut pas dire que l’on va effectivement tout changer, mais que nous allons tout examiner ! Autrement dit, pour chaque élément de notre activité, on se pose des questions : travaillons-nous de la manière la plus adaptée ? Ne pouvons-nous pas mieux faire les choses ? Le matériel est-il adapté ? Les solutions logicielles sont-elles les bonnes ? Sur certains points, notre conclusion est que ‘oui, nous sommes dans le bon’. Et dans ces cas-là, bien entendu, il n’y a pas de raison de changer.

Il ne s’agit pas de réinventer la radio, ce serait ridicule. Il s’agit de faire les bons choix logiciels et matériels. Par exemple, une grande partie de notre matériel a 10 ans. En termes technologiques, cela veut dire qu’il faut changer. De plus, notre fournisseur a fait les frais de la crise, et donc nous avons dû chercher un remplaçant. Nous avons ainsi choisi DHD au niveau des consoles… Le rapport qualité / prix / prestations correspondait à notre recherche.

Comment avez-vous collecté les besoins pour le déménagement ?

« Nous sommes passés par des groupes d’utilisateurs, en recueillant leurs avis. Que pensaient-ils des solutions existantes ? Quels étaient les points positifs ? Quelles étaient leurs propositions d’amélioration ? Que faut-il éviter ? Et bien sûr, une fois tous ces éléments recueillis, il a fallu construire un compromis, en s’assurant que tout aille dans la même direction, et soit en conformité avec notre stratégie générale. C’est en fait l’occasion rêvée pour créer un environnement de travail le plus proche des objectifs de l’entreprise et de l’idéal de ceux qui la vivent.

Le fait d’aller plus loin dans l’analyse des besoins des différentes fonctions de l’entreprise, de manière plus conséquente, nous permet de mieux préparer notre futur travail quotidien.

Quelles sont les perspectives d’évolution, sur le plan technique, du médium radio ?

« Je ne sais pas comment fonctionnera la radio de demain. Je sais qu’elle sera différente. On a essayé, dans le temps, avec des formats comme le DAB (Digital Audio Broadcasting, ndlr.), d’ajouter des contenus multimédias à la radio, puis il y avait ce que l’on appelait la visual radio. Mais je pense qu’il faut bien comprendre où et comment on écoute la radio. Si l’on est dans sa voiture, il ne faut pas créer d’accident. Si l’on est à la maison, on peut être en train de repasser ses chemises, de lire un livre… ou bien on peut véritablement être en train d’écouter le programme, car il demande toute l’attention.
Est-il nécessaire, sur ces émissions, de rajouter quelque chose au son ? Faut-il distraire l’attention de l’auditeur ? Cela peut être une philosophie pour certains diffuseurs, mais je crois que la réponse dépend du contenu concerné. Pour le moment, dans notre nouveau design de l’antenne, nous avons décidé de rester plus concentrés sur la voix et le son.

Sinon, nous offrons déjà le plus grand contenu de programmes en ligne du Luxembourg. Il a fallu se donner les moyens, même s’il est bien entendu encore possible de mieux faire. Nous travaillons sur le dossier, avec nos moyens. Le but est de proposer la meilleure interface possible pour nos e-auditeurs. Ceci dit, toutes nos émissions, depuis six ans, sont disponibles en ligne, dans une qualité audible.

Il y a quelques mois, nous avons rapatrié en interne la production de flux. Le fait est que nos fournisseurs ne savaient pas, ou ne comprenaient pas exactement, ce dont nous avions besoin. Nous avons maintenant notre propre serveur de streaming, avec notre qualité et notre couleur sonore.
Un jour ou l’autre, il y aura un basculement, une convergence vers le flux IP pour une écoute mobile. Pour ce qui est de l’écoute sur un téléphone, il faudra encore attendre plusieurs années, au moins cinq ans… Je ne prends pas, dans ce domaine, beaucoup de risques en annonçant ce délai : le temps que les normes soient définies, que les bandes passantes soient attribuées, et que les terminaux arrivent, on sera déjà arrivé au terme de ce délai…

Un autre défi est la conservation des données… et en l’occurrence, pour une radio, l’archivage des émissions. Cela peut demander des capacités de stockage exponentielles…

« Et oui… Comment conserver les données ? C’est une question essentielle. Avant, lorsque l’on travaillait avec des bandes lisses, il fallait physiquement aller les chercher dans les stocks. Aujourd’hui, tout est con­servé sur un serveur. Cela veut dire que l’on rentre dans la grande problématique de l’archivage des données. Le défi, en fait, ce n’est pas de les garder, mais d’être capable de les reproduire. Prenons l’exemple des bandes DAT (Digital Audio Tape, ndlr.). Elles étaient pendant de nombreuses années la norme. Aujourd’hui, elles ont disparu. Nous conservons précieusement tous nos lecteurs, mais même en en prenant grand soin, il viendra un moment où le dernier tombera en panne. C’est pourquoi le stockage sur serveur est si im­portant. Nous élargissons les accès, nous accélé­rons les délais, mais tout cela demande plus de capacité… avec des besoins qui augmentent énormément.
Nous avons un nouveau système de stockage d’une capacité d’environ 30 teraoctets, en tiering. Autrement dit, selon le contenu et le fichier, son mode de stockage est différent. Les disques tournent à des vitesses différentes et ont des temps d’accès plus ou moins rapides. Pour les éléments que nous utilisons au quotidien, ou qui sont très récents, il y aura du matériel plus performant que pour les vieilles archives, qui ne sont consultées que rarement. Bien entendu, le système est prêt à monter en charge lorsque l’espace ne suffira plus. Et l’on garde les bonnes vieilles méthodes de gravure de sauvegarde des données sur des supports physiques, pour améliorer la récupération des données en cas de très grand problème.

L’autre défi, c’est le choix de ce que l’on archive. Il faut être capable de conserver les données, mais il faut également être capable de les retrouver. Sinon, quel est l’intérêt ? Pour notre part, nous conservons tout ce qui est diffusé pendant 60 jours. Après ce délai, nous faisons des choix, selon les émissions. »

 

Parcours - Ondes positives

Âgé de 43 ans, Pascal Tesch a suivi un parcours atypique : « J’ai commencé par étudier le sport. J’ai suivi une formation pour obtenir un brevet d’entraîneur de haut niveau, en France. Ensuite, je suis parti en Allemagne, à Cologne, pour continuer dans la même voie. » Après cette formation, vient le moment du choix de carrière : « Ou bien je continuais jusqu’au doctorat, ou bien je bifurquais vers la radio… qui était l’autre passion… J’avais commencé avec les radios pirates, puis en freelance pour 100,7. »
Finalement, la radio l’a emporté. Pascal Tesch devient journaliste, spécialisé dans les émissions pour les jeunes et… sur la technologie. « Avec l’apparition du spectre du bug de l’an 2000, j’ai pris l’IT en main… » C’est en 2003 qu’il devient CIO… et profite de ce changement de carrière pour à nouveau enrichir sa formation : « J’ai suivi un master en informatique, à l’université de Liverpool. » Regrette-t-il l’antenne ? « Je n’en ai pas le temps ! Mon métier actuel est très exigeant et très riche en activités, avec une très bonne équipe ! »