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 (Photo: Andrés Lejona / archives)

L’ancien agent du Service de renseignement de l’État, Jean-Jacques Kohnen, a perdu sa cause devant le tribunal administratif devant lequel il contestait le refus de l’ancien Premier ministre Jean-Claude Juncker de son habilitation de sécurité dans le cadre de sa nouvelle affectation au Haut-Commissariat à la protection nationale (HCPN). Cette habilitation lui aurait permis l’accès à des documents classés «très secrets» au niveau du Luxembourg, de l’Otan et de l’UE.

Le haut fonctionnaire paie ainsi la rançon de son implication dans l’achat de BMW à titre privé, avec des grosses réductions, par les agents du Srel, y compris son ancien directeur Marco Mille, celui-ci ayant cautionné ce commerce.

Des véhicules avaient été ensuite revendus à d’autres hauts fonctionnaires de l’État, mais le trafic a été découvert et sanctionné par le Premier ministre d’alors. Si Marco Mille est passé au travers des mailles du filet, Jean-Jacques Kohnen, en charge de l’intendance au Srel, fut au cœur d’une procédure disciplinaire ainsi que d’une enquête judiciaire, toujours en cours.  

Entre-temps, il avait été discrètement exfiltré du Srel pour travailler au HCPN sous la direction de Frank Reimen. Kohnen eu droit en 2011 (l’autorisation fut antidatée à février 2010) à une habilitation provisoire de sécurité, valable pour deux ans, mais lorsqu’il fit la demande de renouvellement de son accréditation en 2012, Jean-Claude Juncker, qui la lui avait d'abord accordée pour se débarrasser de l'encombrant agent du Service de renseignement, la lui refusa par la suite en raison des «doutes sérieux en relation avec (son) intégrité et (sa) fiabilité». Un refus qui fut signifié le 13 novembre 2013, quelques jours avant le départ de Juncker du ministère d’État, après près de 20 ans à la tête du gouvernement et le scandale du Srel qui a précipité sa chute.

La perte de son habilitation signifiait aussi pour le fonctionnaire, celle de son job au HCPN. Il est actuellement affecté au ministère des Affaires étrangères et européennes, chargé du traitement des demandes de protection internationale des réfugiés.

C’est donc ce refus que l’ancien agent du Srel visait dans son recours devant la juridiction administrative, dans l’espoir de retourner au Haut-Commissariat.

Le jugement est tombé le 22 juillet, lors d’une audience de vacation, ce qui est étonnant pour une affaire aussi sensible.

Pas d’erreur d’appréciation de Juncker

Les juges ont d’abord expliqué qu’une condamnation pénale ou disciplinaire n’était pas «un préalable nécessaire à un refus d’habilitation de sécurité». «Il suffit, indiquent-ils, que des circonstances se soient révélées de nature à mettre en doute que l’intéressé présente les garanties suffisantes quant à la discrétion, la loyauté et l’intégrité.»

Les magistrats estiment par ailleurs que Jean-Claude Juncker n’avait pas pris sa décision à la légère en écartant Kohnen: «La lecture des deux rapports de l’instruction disciplinaire (et) le rapport de l’enquête de sécurité, souligne le jugement, mène au constat que le Premier ministre n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation ou un excès de pouvoir en retenant que le comportement du demandeur par rapport aux points reprochés, indépendamment de la question de la qualification de ce comportement au niveau pénal ou disciplinaire, est de nature à mettre en cause les garanties suffisantes, quant à la discrétion, la loyauté et l’intégrité dans son chef, compte tenu du degré de confidentialité des documents à l’accès desquels l’habilitation de sécurité est demandée.»

Le tribunal a surtout retenu la «vulnérabilité au regard des pressions» de Jean-Jacques Kohnen, et le «contexte général» dans lequel l’affaire s’inscrit (les dysfonctionnements du Srel) pour justifier la décision que prit Jean-Claude Juncker avant de quitter le gouvernement. 

Le haut fonctionnaire fait appel du jugement devant la Cour administrative.