La CJUE va encore plus loin que son arrêt du 4 mai en considérant que les services financiers et les assurances ne sont pas concernés par l’exonération prévue par la directive de 2006. (Photo: Sébastien Goossens)

La CJUE va encore plus loin que son arrêt du 4 mai en considérant que les services financiers et les assurances ne sont pas concernés par l’exonération prévue par la directive de 2006. (Photo: Sébastien Goossens)

La Place avait déjà tremblé en mai lorsque la CJUE a donné raison à la Commission contre le Luxembourg à propos de l’application par celui-ci de la directive de 2006 sur la TVA sur les groupements autonomes de personnes, qui autorise la mise en place de structures communes prenant en charge certaines activités nécessaires à l’accomplissement de la prestation. Aussi le service rendu par un prestataire auprès d’un groupement de personnes peut être assimilé, du point de vue de son traitement fiscal, à une opération réalisée en interne, ou intragroupe.

La situation s’est aggravée, du point de vue luxembourgeois en tout cas, jeudi avec trois nouveaux arrêts de la CJUE excluant les services financiers et les assurances des domaines d’application de l’exonération de la TVA sur les Gap.

Une interprétation restrictive de la directive TVA

La quatrième chambre s’est en effet prononcée dans trois affaires ayant trait à la directive de 2006: un recours en manquement de la Commission contre l’Allemagne, accusée d’être trop restrictive dans son application du texte européen, et deux cas impliquant une compagnie d’assurances, Aviva, et une banque, DNB Banka, qui contestent l’application de la même directive par le fisc polonais envers la première et letton envers la seconde.

Les avocats généraux Melchior Wathelet, intervenant dans l’affaire allemande, et Juliane Kokott, pour les deux autres cas, avaient présenté une analyse sensiblement différente de la directive et des activités dans lesquelles les groupements de personnes étaient susceptibles de bénéficier d’une exonération de la TVA.

«Il est intéressant de relever que, lors de l’audience du 30 juin 2016 dans l’affaire DNB Banka (C‑326/15), toutes les parties (sauf la République fédérale d’Allemagne) à savoir DNB Banka AS, les gouvernements luxembourgeois, polonais et du Royaume-Uni ainsi que la Commission ont défendu la thèse que, en substance, contrairement à ce que prétend la République fédérale d’Allemagne, l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA était bel et bien applicable aux services financiers et d’assurance», rapportait Me Wathelet.

Services financiers et assurances exclus de l'exonération

«Je relève qu’il y a eu également entre l’année 2007 et l’année 2013 d’autres travaux de réforme de la TVA dont il ressortirait que les États membres et la Commission partaient de l’idée que l’exonération des activités des Gap était applicable à la matière bancaire et financière et qu’il n’était pas envisagé de la retirer», ajoutait-il.

À l’inverse, Me Kokott avait considéré qu’«en raison de sa position dans l’économie générale de la directive et de sa genèse, l’article 132, paragraphe 1, sous f, de la directive TVA, vise uniquement des groupements d’assujettis qui effectuent des opérations exonérées en vertu de l’article 132 de la directive. Les prestations de services financiers ne sont pas concernées.» Ni les prestations d’assurances, estime-t-elle dans ses conclusions dans l’affaire Aviva.

Et c’est finalement dans ce sens que la CJUE a tranché dans ses arrêts du 21 septembre. «Il résulte de l’économie générale de la directive 2006/112 que l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112 ne s’applique pas aux opérations effectuées dans le domaine des services financiers, et que, par conséquent, les services fournis par des Gap dont les membres sont actifs dans ce domaine ne relèvent pas de cette exonération.»

Une refonte nécessaire de la TVA luxembourgeoise

Un coup de tonnerre pour les nombreuses entités disposant de Gap au Luxembourg. «Si le régime du Gap venait à tomber, tous les groupes bancaires et d’assurance qui ont fait un usage important du régime devront réviser leurs structures et potentiellement les démanteler», confiait Erwan Loquet, tax partner chez BDO Luxembourg, à Paperjam.lu en octobre dernier.

Le ministère des Finances, qui avait entamé ses réflexions sur un nouveau règlement grand-ducal d’application de la directive TVA de 2006 et abrogé le texte litigieux, va donc devoir mener une réforme plus profonde de sa législation fiscale concernant les Gap.

Certaines voix sur la Place appellent de leurs vœux une réflexion plus générale incluant, pourquoi pas, l’introduction de la consolidation fiscale (Paperjam juin 2017, p. 90) afin de contourner le problème.