Eva Barre, la veuve de l’ancien Premier ministre français Raymond Barre ainsi que ses deux enfants, Olivier et Nicolas Barre, ont obtenu une victoire devant la justice administrative luxembourgeoise, en faisant annuler la levée du secret des affaires. Celle-ci était sollicitée par l’Administration des contributions directes, à la demande du fisc français qui enquête sur les conditions de cession de la villa familiale sur la Côté d’Azur, à une société civile immobilière détenue par une société luxembourgeoise, appartenant aux fils Barre.
Le contentieux entre le fisc français et le «clan» Barre porte sur la vente d’une propriété de l’ancien Premier ministre français dans le sud de la France. Bercy soutient que la veuve de Raymond Barre a fait une donation à ses deux enfants (et réclame donc les taxes en conséquence), alors que ces derniers prétendent avoir acheté la maison et l’avoir placée dans une société luxembourgeoise du nom d'ONB Invest, au cœur de la procédure devant le tribunal administratif.
Analyse des flux
La Direction générale des Finances publiques en France cherche ainsi à déterminer si les flux financiers en relation avec la vente de la villa à la société Eurl Les Dauphins, détenue par OBN Invest, «correspondent bien à une cession et ne masquent pas une donation» de la veuve de Raymond Barre à ses deux fils.
Selon la convention fiscale entre Paris et Luxembourg, les biens immobiliers situés dans l’Hexagone et détenus par les entités au Grand-Duché ne sont ni taxables en France, ni au Luxembourg. Cette anomalie a d’ailleurs fait récemment l’objet d’un toilettage de la convention fiscale pour mettre fin aux situations de non-imposition.
«C’est à tort que le directeur (de l’Administration des contributions directes, ndlr) a indiqué (…) que la demande (des autorités fiscales françaises, ndlr) contient (…) toutes les informations nécessaires pour établir la pertinence vraisemblable des renseignements demandés», ont indiqué les juges du Tribunal administratif dans un jugement du 9 octobre, publié ce mercredi sur le site des juridictions administratives.
Précisons que le Luxembourg accepte l’échange d’informations fiscales uniquement si la demande des autorités étrangères répond à certains critères, comme celui de la pertinence vraisemblable, pour éviter que les fiscs étrangers ne viennent à la pêche aux informations sans disposer au préalable d’éléments tangibles présumant une fraude fiscale.
Parmi les conditions permettant l’échange d’informations sur demande, il est également nécessaire que les autorités, à l’origine de cette demande, aient épuisé tous les moyens dans leur propre pays pour rechercher les informations avant de solliciter l’aide de l’administration fiscale du Grand-Duché.
Droite dans les bottes de procédure
Les juges administratifs ont précisément estimé que la demande de renseignements adressée le 18 avril 2014 par la Direction générale des Finances publiques à l’ADC était «prématurée», dans la mesure où «les autorités fiscales françaises n’avaient pas encore épuisé tous les moyens d’investigation internes avant de transmettre la demande d’échange de renseignements aux autorités fiscales luxembourgeoises».
Les juges luxembourgeois signalent d’ailleurs que plus d’un mois après avoir sollicité l’aide des Luxembourgeois, un représentant de la direction générale des Finances publiques en charge des vérifications des situations fiscales s’était présenté à l’office du notaire français ayant vendu la villa d’Eva Barre. L’agent du fisc y était venu recueillir les informations sur les bénéficiaires de la vente de la maison et le prix de cession.
La demande d’échange de renseignement, ayant été validée par l’ACD le 19 mai 2014, est donc passée à la trappe.
À l’audience, Me André Lutgen, l’avocat de la famille Barre, avait assuré les juges que son recours n’était pas animé par la volonté de «gagner du temps» de la part de ses clients contre la levée du secret bancaire, mais pour que la justice administrative reste «droite dans ses bottes» et fasse respecter la procédure.