Christophe Berne, Société Générale Bank  & Trust: «Chaque client a une histoire.» (Photo: Julien Becker)

Christophe Berne, Société Générale Bank  & Trust: «Chaque client a une histoire.» (Photo: Julien Becker)

Ils portent le nom de banquier mais, pour la plupart, ils n’ont jamais été derrière un guichet. Leur univers est plutôt composé de salons feutrés, de déjeuners d’affaires et, face à un client, ils ont toujours du temps. Les banquiers privés sont une race à part. Ils consacrent leur temps aux gens qui ont confié parfois une grande part de leur fortune à la banque, dont ils représentent la face la plus visible. Mots d’ordre de la profession: écoute, confiance et connaissances.

«Chaque client qui vient vers nous avec un patrimoine important a une histoire», observe Christophe Berne, directeur du département Key Clients Segment pour l'activité de banque privée de Société Générale Bank & Trust à Luxembourg. Il est donc important, pour pouvoir l’aider au mieux, de connaître son parcours le mieux possible et de comprendre la problématique pour laquelle il contacte une banque. «Obtenir le meilleur niveau de connaissance possible du client est une des grandes évolutions récentes, pointe-t-il. Avant, on se refusait d’entrer de façon indiscrète dans sa vie. On s’aperçoit aujourd’hui que nous avons une bien meilleure connaissance de leur parcours de vie et que nous pouvons, dès lors, mieux les conseiller.»

Le banquier privé est un peu un médecin généraliste.

Quentin Vercauteren Drubbel, KBL epb

Ces parcours singuliers, c’est en partie ce qui a motivé Quentin Vercauteren Drubbel, directeur du département Wealth Management chez KBL epb. Entré dans l’univers de la banque privée il y a un peu plus de cinq ans, à 27  ans, il explique son choix par ces rencontres «extrêmement enrichissantes». «J’ai la chance de rencontrer très régulièrement des gens dont on peut se dire qu’ils ont réussi. Et mon rôle est de les accompagner et d’interagir avec eux.» Ça, c’est pour l’aspect relationnel que, comme ses confrères que nous avons rencontrés, il qualifie de primordial. Quant au métier de private banker lui-même, il le compare au rôle d’un médecin généraliste. «Nous avons une connaissance de toutes les pathologies qui peuvent survenir, nous sommes capables de les diagnostiquer et, si c’est nécessaire, nous envoyons nos clients chez un de nos spécialistes.»

Prudent ou flambeur?

Généraliste, le banquier privé l’est dans la mesure où il assure un rôle de point d’entrée dans la banque, qu’il prend le pouls, la tension du prospect, lui fait énoncer les différents symptômes qui l’amènent à consulter et lance les premières analyses. «Une fois que nous avons bien cerné la personne en face de nous, il faut établir un profil d’investisseur pour définir le niveau de risque jusqu’auquel il est prêt à aller», explique Alexandra Regnery, deputy director private banking à la Banque internationale à Luxembourg. Et, qu’on parle de spécialiste ou de travail en équipe, elle pointe aussi que le banquier privé, selon le profil du client, doit pouvoir l’aiguiller vers la bonne personne. «Selon ses besoins, je l’oriente vers un de nos fiscalistes, un juriste ou un spécialiste des marchés financiers», poursuit-elle.

«Ce travail en équipe, c’est à nouveau une des évolutions majeures de ces dernières années, appuie Christophe Berne. Auparavant, le banquier privé avait surtout une relation personnelle. Aujourd’hui, tout s’est complexifié. Nos clients veulent le niveau d’expertise maximal pour toutes leurs problématiques. Le banquier privé reste au cœur de la relation avec le client, mais il doit se faire accompagner.» Il explique ainsi qu’à la Société Générale, l’investisseur est pris en charge par un trinôme composé d’un ingénieur patrimonial, d’un gérant d’actifs et d’un banquier privé, au centre du trio.

La relation de confiance est essentielle.

Alexandra Regnery, Bil

Sous cet angle, le private banker est aussi souvent comparé à un chef d’orchestre. Il sait faire fonctionner l’équipe de la banque selon la demande qui lui a été faite et, sans maîtriser tous les instruments, il connaît parfaitement la musique. «Notre niveau de connaissance doit être très large et nos compétences doivent toujours être à jour et au top niveau, explique Quentin Vercauteren Drubbel. Nous investissons donc beaucoup dans la formation, notamment via la KBL University.» La Société Générale organise, de son côté, les «midis de l’ingénierie», dans lesquels des ingénieurs patrimoniaux viennent détailler les dernières évolutions juridiques et fiscales au niveau des produits. Un banquier privé reçoit donc des formations plusieurs fois par semaine et bénéficie d’une importante documentation interne pour se maintenir à flot. «Il faut pouvoir faire preuve de réactivité, convient Christophe Berne. Nos clients apprécient généralement qu’on les dérange pour leur expliquer les récentes évolutions sur les marchés.»

Un partenaire fiable

Autre particularité du banquier privé, son profil stable. Les relations se jouent sur le long terme et un banquier qui noue un contact privilégié avec un prospect s’engage généralement pour une durée de cinq à dix ans. «La relation de confiance est essentielle, admet Alexandra Regnery. Je veux être un partenaire fiable. Si on me demande de faire une recherche, j’essaie toujours de répondre dans les meilleurs délais. C’est très important de bien montrer aux gens qu’on les prend au sérieux.» Et… comme un médecin, le banquier privé doit se rendre extrêmement disponible. «Même si on est en vacances, un client doit pouvoir nous joindre s’il est confronté à un souci important», note-t-elle.

Une relation de confiance qui va parfois assez loin. «Il faut parfois protéger les gens contre eux-mêmes, convient Quentin Vercauteren Drubbel. Quelqu’un qui amasse une fortune rapidement, comme un gagnant à la loterie par exemple, peut facilement se faire piéger.» Pour Alexandra Regnery, «dans la mesure où on a défini un profil de risque avec le client, il faut aussi parfois l’empêcher d’en prendre, même si c’est lui qui souhaite s’engager plus loin que ce qu’il s’est fixé comme limites».

Enfin, pour pouvoir établir cette relation en profondeur, le private banker ne peut pas multiplier le nombre de clients à l’infini. Il doit se constituer un portefeuille qui lui permette de rester disponible et de maîtriser les différentes problématiques de ses prospects. «Difficile de définir un nombre idéal de clients, observe encore la responsable de la Bil. Tout dépend de leurs besoins et de leurs exigences, qui ne sont pas nécessairement proportionnels à la taille de leur patrimoine.» Mais, globalement, on parle d’une centaine de clients pour les investisseurs standard – qui pèsent quand même plusieurs centaines de milliers d’euros – et entre 30 à 40 pour les plus grandes fortunes. Avec une offre qui se dirige alors clairement vers le «cousu main».