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Alors que la tendance des entreprises est d'externaliser un maximum de fonctions afin de ne pas encombrer la mise en oeuvre de leur core business, il n'y a aucune raison pour qu'il n'en soit pas de même pour tout ce qui touche aux centraux téléphoniques. Les nouvelles technologies et les performances des réseaux de communication aidant - en particulièrement le développement du protocole de transmission Internet (protocole IP) - , le sujet est d'autant plus crucial auprès des sociétés engagées dans une réflexion intensive sur le renouvellement de leur "bonne vieille" centrale PABX (Private Automatic Branch Exchange, ou auto-commutateur privé).

Pour faire simple, en plus de la situation où une entreprise dispose de son propre équipement dont elle assure elle-même la gestion, trois cas de figure sont envisageables. Un PABX managé, où le serveur central se trouve dans les locaux de l'entreprise, géré par le prestataire de services (qui en est propriétaire ou non); un PABX hébergé, dans lequel le serveur est hébergé et géré par le prestataire de services (qui en sera souvent le propriétaire) et, enfin, la solution Centrex (Central Exchange), qui consiste en une plateforme de type opérateur, hébergée et gérée par le prestataire de services, lequel propose en retour les services d'une infrastructure centralisée à des clients ayant des besoins fonctionnels peu évolués.

"Il est important de noter que ces différents modèles sont complètement indépendants de la technologie qui les supporte", tient à indiquer, en préambule, Laurent Saeul, managing director Siemens Enterprise Communication. Une offre, quelle qu'elle soit, peut en effet indifféremment se décliner sur une technologie intégralement basée sur le protocole IP, sur un mode hybride ou complètement tradi-tionnel. "Le principe du Centrex, par exemple, existe à grande échelle depuis plus de 20 ans aux Etats-Unis, rappelle-t-il. En Europe, où la libéralisation des télécommunications n'est intervenue qu'assez tard, le monopole des opérateurs historiques a été un frein au développement de ce modèle. L'avènement de l'IP a changé la donne et a permis de développer de nouveaux services et donc de rendre plus populaires les offres externalisées".

Attention aux coûts cachés

Les prestataires de services ne se sont évidemment pas privés de se jeter sur l'occasion pour élargir leurs palettes de services. Les entreprises clientes, elles, n'ont cependant sans doute pas été aussi réactives. Présentée par les analystes, au début des années 2000, comme une solution à fort potentiel de développement, Centrex n'a, au fil des ans, pas nécessairement rencontré le succès annoncé. Le volume de contrats Centrex est, aujourd'hui, estimé à 1% du total de contrats de renouvellements des systèmes de téléphonie d'entreprise. Les prévisions les plus optimistes lui donnent un horizon à moyen terme de 8%.

Sept ans après le passage à l'an 2000 qui avait poussé bon nombre d'entreprises à profiter du changement de millénaire pour revoir leurs infrastructures en place et investir dans de nouvelles solutions téléphoniques, l'heure est, aujourd'hui, à envisager de nouveau le renouvellement de ce type d'investissements. "Clairement, beaucoup se tournent vers des solutions IP pour allier économies et recentrage sur le core business, constate Nordine Hadi, sales manager Luxembourg chez Avaya-Tenovis, un des leaders en matière de télécommunications d'entreprise. Au Luxembourg, la grande majorité de solutions rencontrées est de l'IP PBX, avec des centraux, soit totalement IP soit hybrides. Mais l'offre Centrex est de plus en plus poussée par certains des acteurs majeurs du marché", complète Philippe Monet, directeur commercial Belux.

Une récente étude d'Information Week indique que 61% des entreprises ayant implémenté la voix sur IP pouvaient quantifier une hausse de productivité. "Actuellement, nous constatons surtout que les sociétés conservent leurs PABX classiques et veulent y ajouter des fonctionnalités en mode IP, plutôt que de migrer vers une solution Centrex pure, remarque Xavier Buck, directeur général de Datacenter Luxembourg. Ceci d'autant plus que dans le cas de Centrex, une société se trouve dépendante d'un seul opérateur".

Cet aspect technique du problème n'est pas le moindre. Car, dans le développement d'une solution de ce type-là, l'utilisateur final n'a plus le contrôle ni du réseau et du routeur utilisés, ni du central en lui-même. Du coup, il devient de plus en plus difficile de jouer sur les coûts. Et l'analyse de Peter Vandermeulen, business innovation director chez Avaya, est impitoyable. "Quand on analyse les factures téléphoniques au Luxembourg, la plus grosse part est due aux communications avec les téléphones mobiles. Il y a mille façons de diminuer ces frais-là, sauf si l'on se retrouve pieds et poings liés avec l'opérateur. Le prix des communications est en baisse constante, sauf avec une solution Centrex, car c'est là que l'opérateur peut réaliser sa marge".

Sur le marché, les offres semblent, en apparence, plus attrayantes les unes que les autres. Mais les prix affichés ne correspondent pas toujours nécessairement aux prix réellement payés. "Il y a aussi des coûts cachés, comme l'installation de nouveaux services, les ajouts de nouveaux postes, le support des postes analogiques, les câblages, les communications hors forfait..., indique M. Monet (Avaya). Dans le même temps, dans un marché de plus en plus concurrentiel, on refuse aux clients la possibilité de choisir par où vont être routés leurs appels. C'est clairement là que les sociétés d'appels réalisent leur bénéfice".

Centrex = PME?

Faut-il pour autant condamner la solution Centrex pour son manque de souplesse et ses limites technologiques et commerciales? Ce serait trop simple. Le principe de convergence voix/données est, pour la grande majorité des entreprises, un prérequis dès qu'il s'agit de réfléchir à sa nouvelle infrastructure de télécommunication. "La seule question qui se pose est de savoir quand et comment", indique Françoise Boardman, senior product manager, advanced voice solutions, international marketing chez Verizon Business, un des majeurs fournisseurs au niveau mondial de solutions informatiques et de communications de pointe, qui a basé toute sa stratégie et l'élaboration de ses solutions sur la "couche" IP. "Il s'agit là de la demande de base de tous nos clients, explique-t-elle. Mais ils s'attendent aussi, au-delà de cela, à ce que l'amélioration de leur performance s'appuie sur une meilleure collaboration entre les employés. Pour y arriver, il convient de mettre en place une stratégie autour d'outils de communication hébergés au sein du réseau, sur lesquels nous ajoutons une couche d'applicatifs de communication unifiée simplifiée, au travers d'une seule interface, qui consiste en un portail intégré pour tous les systèmes et les techniques de communication". Le but n'est pas, en effet, de rajouter de nouveaux outils, mais bel et bien de permettre, au travers d'une seule et unique interface, une meilleure communication et un meilleur contrôle sur la qualité de l'information reçue et la façon dont elle a été reçue. "On ne parle donc plus trop d'une problématique d'un coût d'appel ou de savoir combien l'entreprise pourra économiser au travers d'une communication sur IP, mais bien plus de ce que peut coûter le fait d'avoir perdu une information capitale si le bon outil n'est pas en place", résume Mme Boardman.

La bonne gestion des coûts reste, éternellement, le nerf de la guerre pour toute entreprise. Le business model de Centrex, avec les défauts qu'on lui connaît, a néanmoins l'avantage de proposer, pour son utilisateur, une mensualisation de ces coûts. Mais cette approche Centrex est, a priori, davantage ciblée vers un type particulier de clientèle: celui des petites structures. "Le client d'un service de type Centrex recherche avant tout un service de téléphonie basique à un prix moins élevé. Cette offre intéressera avant tout les petites entreprises", confirme Laurent Saeul.

Au Luxembourg, la problématique est parfois un peu différente, compte tenu du profil d'infrastructures du pays. "Le niveau de la connectivité Internet représente un frein, car les débits proposés ne sont pas suffisants", regret-te Xavier Buck. Un constat complété par Marc Storck, chief information officer chez VoIPGate, société soeur de Datacenter Luxembourg, spécialisée dans la mise en oeuvre d'applications VoIP, y compris pour des matériels téléphoniques "classiques" de type PABX. "Une grande entreprise qui n'utilise pas beaucoup Internet disposera d'une ligne ADSL classique. Mais elle n'aura pas la qualité nécessaire pour passer plus de trois appels simultanés en protocole IP". Pour une moyenne ou grande entreprise, la solution préconisée sera alors plutôt l'installation, sur place, d'une centrale IP.

Premiers pas au Luxembourg

Sur le marché luxembourgeois, un intégrateur comme Siemens annonce que sa base clientèle installée est composée, à 15%, de clients de type managed services (parmi lesquels des grands comptes comme Cactus ou la Deutsche Bank). Les hosted services, eux, représentent 5% de la clientèle. Quid des offres IP Centrex? "A notre connaissance, il n'existe pas, à ce jour, de réelle offre IP Centrex au Luxembourg, affirme M. Saeul. Pour les PME, les coûts d'interconnexion trop élevés rendraient les tarifs inintéressants et le modèle n'apporterait pas suffisamment de valeur ajoutée pour les grandes entreprises en raison des fonctionnalités limitées. Si l'objectif est de réduire les coûts sur les communications et d'avoir de faibles coûts inter-sites, alors une installation classique, gérée ou hébergée, couplée à une offre d'un opérateur alternatif, pourra répondre au besoin d'économie tout en offrant une plus grande flexibilité au niveau des fonctionnalités".

Vu au travers du prisme industrie de Verizon, le frein lié à la taille d'une organisation n'en est pas un. "Sur un gros site, un client préférera souvent avoir un PABX ou IP PBX, concède Gilles Saint-Guillain, sales manager Luxembourg chez Verizon Business. Mais ils peuvent aussi se baser sur des solutions interopérables entre elles. Une grande entreprise, après tout, est composée d'une multitude de petits sites". Ainsi, même au sein de structures de grande taille, certains feront le choix de conserver une solution Centrex afin de s'assurer le contrôle centralisé de leurs infrastructures. "En aucun cas, le Centrex n'est dirigé que sur les petites entreprises. Il y aura toujours moyen de s'adapter", assure-t-il.

Au Luxembourg, le marché s'ouvre de plus en plus aux nouvelles technologies. "Pour ce qui est des télécoms, le marché local a sou-vent été précurseur et l'intérêt pour la solution Centrex est très grand, ne peut que constater M. Saint-Guillain, témoin d'une tendance grandissante vers un outsourcing partiel, voire global, des infrastructures IT, mais aussi de la téléphonie. "Le marché financier local exige une très grande qualité et les solutions Voix sur IP, qui se basent sur le réseau IP public, ne répondent pas à ce critère. C'est davantage le cas pour Centrex, basé sur un réseau IP privé. Notre développement au Luxembourg est assez récent, mais sur la base des expériences réussies dans d'autres pays, nous disposons de solutions matures adaptées au marché".

Aujourd'hui, on parle donc bien davantage de "Téléphonie sur IP" (ToIP) plutôt que de "Voix sur IP" (VoIP), l'important étant au final, pour l'utilisateur, la garantie de recevoir la bonne information au moment voulu. Mais ce sont les limites technologiques de cette téléphonie sur IP qui pèsent sur le développement des solutions que l'on peut y greffer. D'une certaine façon, donc, Centrex attend encore son heure...

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IP Centrex: la solution ultime de convergence?

En matière de convergence fixe-mobile, les idées ne manquent généralement pas. Les projets concrets, eux, se font un peu plus rares. Lors du récent salon 3GSM de Barcelone, Thomson et l'opérateur mobile français SFR (17,8 millions d'abonnés) ont annoncé leur collaboration pour offrir la convergence fixe-mobile et des services évolués de téléphonie professionnelle.

Dans les faits, SFR se basera sur les solutions logicielles "Cirpack Mobile IP Centrex" de Thomson, pour permettre aux professionnels de bénéficier, sur leur mobile, de toutes les fonctionnalités évoluées des systèmes IP Centrex d'entreprise: renvoi d'appel, téléconférence, numérotation abrégée, filtrage des appels, supervision par un assistant... Un appel entrant provoquera la sonnerie du téléphone fixe et du téléphone portable en même temps.

Ces fonctionnalités étant accessibles sur n'importe quel téléphone GSM, les utilisateurs peuvent donc bénéficier de ces nouveaux services convergents sans avoir à changer de mobile.