Marc Vandelaer: «Le temps que les chercheurs ne perdent pas dans les procédures informatiques, ils le consacrent à leur véritable métier.» (Photo: Sven Becker)

Marc Vandelaer: «Le temps que les chercheurs ne perdent pas dans les procédures informatiques, ils le consacrent à leur véritable métier.» (Photo: Sven Becker)

Monsieur Vandelaer, pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a motivé à rejoindre l’IBBL?

«Après mon expérience passée chez Siemens et Eurofins, je souhaitais rejoindre une équipe d’une autre dimension. Dès le premier contact, j’ai retrouvé à l’IBBL l’esprit start-up que je recherchais, une réelle proximité entre la dimension ICT et le business. D’autre part, j’avais un profil qui correspondait aux compétences recherchées, avec une expérience dans la recherche en biologie cellulaire et moléculaire au début de ma carrière ainsi que dans le milieu hospitalier ensuite, puis des acquis développés dans la sphère technologique et informatique chez Siemens et Eurofins. Il y avait donc une adéquation. J’ai une réelle valeur ajoutée à apporter, en étant à la fois à l’aise avec les gens du métier et les enjeux du management, tout en pouvant mettre mon expérience à profit pour faire évoluer les systèmes afin de supporter l’activité.

Quelles sont les missions qui vous ont été confiées à votre arrivée à ce nouveau poste? Comment l’ICT peut-il soutenir le développement de l’activité de l’IBBL?

«L’un des enjeux principaux réside dans la manière dont l’ICT peut soutenir la recherche. À ce niveau, il faut que les chercheurs puissent travailler en oubliant la dimension informatique. Que les systèmes soient à la fois plus simples d’utilisation, mais qu’ils offrent aussi de nouvelles possibilités d’analyse. Notre activité de recherche est relative à l’optimisation des quantités de stockage et de préservation des échantillons que nous recevons, porteurs de nombreuses informations utiles pour les avancées biomédicales. Il faut donc mettre en place des systèmes qui peuvent supporter la gestion des échantillons, leur traçabilité ainsi que celle des données qui y sont associées ou en sont extraites. Il y a un enjeu de bien interfacer les outils et les instruments, afin de permettre une plus grande fluidité dans la gestion des données, et de cette manière faciliter le travail des scientifiques. En outre, la recherche implique beaucoup de travail administratif, entre la recherche de partenariats et de fonds, ou encore la nécessité de trouver des opportunités de publications scientifiques. Là encore, l’informatique doit faciliter les démarches. Le temps que les chercheurs ne perdent pas dans les procédures informatiques, ils le consacrent à leur véritable métier. Pour leur faciliter la vie, nous embrassons la transformation digitale. Nous désirons également prendre le virage du mobile en intégrant de nouveaux terminaux permettant notamment une meilleure collecte des informations ainsi que leur traitement optimal. Le tout rendant possible l’existence d’un laboratoire et d’une biobanque le plus paperless possible.

La volonté est de proposer, au-delà des échantillons et des données, de nouveaux outils d’analyse mis directement au service des chercheurs

Le stockage des données et des échantillons, ainsi que leur sécurisation constituent des enjeux importants. Comment appréhendez-vous cela au niveau ICT?

«Les mesures de sécurisation de l’information, dans le cadre d’une biobanque, sont générales. Elles sont mises en œuvre à tous les niveaux. La sécurité exige avant tout la mise en œuvre de processus stricts, permettant une traçabilité permanente dès la réception des échantillons. En amont, on peut collecter de nombreuses informations relatives à la situation du patient chez qui du sang ou des cellules sont prélevés. Il est important de noter que ces données sont anonymes. Si nous connaissons des éléments relatifs au patient, tels que son âge, son état de santé, le traitement qu’il suit, nous ne pouvons jamais identifier le patient à partir des informations dont nous disposons. Les systèmes d’information et de gestion doivent aussi permettre un suivi optimal des échantillons en aval de leur réception, et des éléments dissociés qui en sont issus. À partir du sang, on peut choisir de garder l’échantillon complet ou les globules blancs, d’une part, et l’ADN, d’autre part. Tout doit pouvoir être suivi et stocké.

En matière de stockage, comment assurez-vous la bonne préservation des données?

«Étant anonymes, les données que nous gérons ne sont pas considérées comme sensibles. Pour s’en assurer, nous travaillons régulièrement avec la Commission nationale pour la protection des données – CNPD – et avec le Comité national d’éthique de recherche – CNER –, afin de répondre à l’ensemble des exigences relatives à la protection des données personnelles. Si elles ne sont pas sensibles, les données que nous gérons sont traitées avec le même niveau d’exigence et de sécurité que des données sensibles issues du secteur financier. Ces données, leur intégrité, leur authenticité sont cruciales pour la recherche en biomédecine et les avancées qui peuvent en découler. L’enjeu du stockage est important. Nous disposons de nombreuses données très hétérogènes qu’il faut gérer, stocker, retrouver facilement. La quantité de données à stocker peut se révéler extrêmement importante. L’information issue de l’analyse d’un génome peut représenter plusieurs dizaines de térabytes. C’est considérable. Nous devons donc nous appuyer sur des partenaires fiables pour assurer la préservation et l’archivage de cette masse d’informations.

L’enjeu, pour l’IBBL, est de pouvoir proposer un nombre de plus en plus important d’échantillons divers et de données. Comment l’ICT permet-elle de gérer cette croissance d’information?

«Permettre une croissance du nombre de références et de données qui y sont liées sans entraîner une augmentation trop importante du staff, c’est tout le défi auquel doit répondre la fonction informatique. Il nous faut mettre en place les outils qui vont permettre de supporter cette croissance de flux de données, leur enregistrement, mais aussi les moyens de les récupérer dans un temps relativement court en fonction de la demande des bénéficiaires de nos services. L’outil informatique est crucial pour un développement qualitatif de l’activité. Sans un support informatique performant, on ne peut pas gérer 200.000 échantillons issus de prélèvements médicaux, les stocker, assurer une traçabilité optimale permettant de les retrouver et les mettre à disposition de nos bénéficiaires dans des délais les plus courts possibles.

De quelle équipe et des quels moyens disposez-vous pour y parvenir?

«J’ai une équipe de six personnes qui connaissent très bien le métier. Ce sont des gens extrêmement compétents et polyvalents, avec qui nous pouvons travailler sur un ensemble de projets divers et variés. Derrière, nous sommes accompagnés par des compétences externes spécialisées, pour une meilleure gestion des bases de données, sur les questions de sécurité informatique, ou pour assurer un stockage optimal des données.

Où vous situez-vous par rapport au management de l’IBBL?

«L’ICT se situe au même niveau que les autres départements. La fonction occupe une position centrale et le CIO, à ce titre, intègre le comité de direction. C’est révélateur de la perception de l’IT pour l’IBBL. Elle considère cette fonction comme essentielle pour son développement, tant pour la recherche que pour l’amélioration des services proposés aux bénéficiaires de l’institution.

Une plus grande fluidité dans la gestion des données facilite le travail des scientifiques

Quels sont les chantiers que vous avez mis en œuvre?

«Je ne suis là que depuis septembre 2014. Je pense qu’il est sage, durant les premiers mois de se donner le temps de bien appréhender le fonctionnement, les processus et donc les défis avant tout changement. Que l’on se rassure, cela dit, des idées, j’en ai beaucoup. Je les mettrai en œuvre progressivement…

L’autre enjeu concerne-t-il le développement de services aux clients de l’IBBL?

«Précisément. Envers nos clients, il nous faut pouvoir proposer un catalogue d’échantillons, les mettre à leur disposition, tout comme les données qui en sont issues ou qui y sont relatives. Les bénéficiaires de nos services sont des organismes de recherche en biomédecine, ainsi que tous les centres de recherche qui appuient leur travail sur nos échantillons et les données qui en sont issues. L’enjeu, au niveau de l’ICT, est de leur faciliter l’accès à cette quantité importante de matériel nécessaire à leurs travaux.

Le concept de big data, qui vise l’analyse et le croisement d’une masse importante d’informations, laisse entrevoir de grandes opportunités pour le progrès de la recherche biomédicale. Comment l’IBBL appréhende-t-elle les enjeux qui y sont relatifs?

«C’est un défi pour l’avenir. Notre volonté est de pouvoir proposer, au-delà des échantillons et des données, de nouveaux outils d’analyse mis directement au service des chercheurs. Aujourd’hui, nous leur proposons de profiter de données brutes. À l’avenir, nous voulons aussi offrir les bons outils d’analyse leur permettant de faciliter l’activité de recherche à partir des données dont nous disposons. Pouvoir proposer de meilleurs outils d’analyse des échantillons en stock répond également aux attentes de nos interlocuteurs.

Le Luxembourg mise beaucoup sur la recherche biomédicale. Le futur de celle-ci dépendra beaucoup de la technologie. Le pays dispose-t-il d’un vivier suffisant de compétences de type «bio-informaticien» pour répondre aux défis d’avenir dans ce secteur?

«Je pense que oui. Ces compétences, il est vrai, sont très recherchées et le seront d’autant plus à l’avenir. On a besoin de compétences multiples. De personnes avec plusieurs casquettes. Mais le vivier est là et je pense que le Luxembourg a commencé à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour permettre de répondre aux besoins à venir.»

Parcours
Spécialiste de la collecte et de la gestion des références
Marc Vandelaer est biologiste de formation, spécialisé dans la biologie moléculaire et cellulaire.
Très rapidement, après quatre années d’activité dans la recherche, l’actuel CIO de l’IBBL (48 ans) s’est rendu compte du rôle moteur de la technologie pour le progrès de la recherche. «On était au début des années 90. À l’époque, on travaillait encore parfois sous DOS. Stocker des informations sur une disquette constituait toute une aventure», s’amuse-t-il. Au sein de services de chirurgie du CHU de Liège, déjà à l’époque, il va collecter des données auprès des praticiens et les organiser afin qu’elles puissent servir des projets de recherche. À la suite de cette expérience, Marc Vandelaer cofonde sa propre entreprise, à travers laquelle il met en œuvre des e-catalogues permettant de gérer de nombreuses références dans un univers B2B. Il rejoint Siemens, où il gérera diverses implémentations d’un système de gestion de l’information du laboratoire (LIMS) avant de rejoindre Eurofins, groupe international spécialisé dans la bioanalyse, pour lequel il s’occupera de la conception et de la mise en œuvre d’un système de study management.