Fernand Etgen: «Nous avons besoin d’une approche responsable, avec une analyse des arguments de chacun.» (Photo: Mike Zenari / archives)

Fernand Etgen: «Nous avons besoin d’une approche responsable, avec une analyse des arguments de chacun.» (Photo: Mike Zenari / archives)

Monsieur Etgen, malgré un vote négatif du Luxembourg et de huit autres États membres, la prolongation de l’autorisation de mise sur le marché du glyphosate a été actée ce lundi par l’Union européenne. Quel est votre sentiment sur ce vote?

«Ce vote a été une surprise, car quatre États membres qui s’étaient jusqu’ici abstenus de soutenir cette prolongation ont changé d’avis, dont notamment l’Allemagne, avec la Pologne, la Bulgarie et la Roumanie. Il fallait une majorité qualifiée de 16 États membres représentant 65% des citoyens de l’Union européenne, et là nous sommes arrivés à 18 États membres et 65,71% de citoyens qui ont ‘soutenu’ le projet de la Commission.

Nous n’approuvons pas ce vote. C’est une échéance qui est trop longue et surtout, puisque Monsanto va réintroduire d’ici 2022 une nouvelle demande d’autorisation, il va falloir recommencer ces débats dans cinq ans. Comme si on repartait de zéro.

Quelle position le Luxembourg défendait-il précisément?

«Nous avons toujours plaidé pour un phasing out. À savoir une décision d’abandon du glyphosate concertée avec des alternatives à développer et à mettre en place avec des instituts de recherche, le secteur agricole et tous les acteurs concernés.

Malheureusement cette exit strategy, n’était pas à l’ordre du jour à Bruxelles. Ce qui nous empêche pas de l’entamer au niveau national. Il ne s’agit cependant pas d’agir dans la précipitaion mais de façon réfléchie et responsable.

L’eurodéputé Claude Turmes nous a affirmé hier que le Luxembourg, ensemble avec la France, l’Italie et la Belgique, allait s’imposer un abandon du glyphosate d’ici trois ans. Vous confirmez?

«Non, je ne peux pas confirmer ça. C’est la France qui a mis cette proposition datée sur la table, pas nous. Pour abandonner le glyphosate, il faut d’abord définir une stratégie. Et ensuite, éventuellement, se prononcer sur un terme. On peut prendre des mesures à l’égard des privés, mais on ne peut pas aller au-delà. Il faut d’abord peser le pour et le contre, tout en sachant qu’une interdiction à court terme entrâinerait certainement l’utilisation d’autres produits éventuellement beaucoup plus controversées que le glyphosate.

Vous aviez déjà déclaré votre opposition à cette prolongation dès le premier tour de table du 25 octobre. Après en avoir préalablement discuté avec le secteur?

«Oui, bien sûr. Les discussions ont été menées de concert avec la Chambre d’agriculture qui s'est d'ailleurs montrée consciente de la problématique. 

Pour le secteur il est clair qu’il faut changer de pratiques et que la fin de l’ère glyphosate a sonné. Il est cependant tout aussi clair, qu’il faut du temps pour entamer cette phase de transition. Ceci exige une strategie de planification elaborée avec les instituts de rechereche en concertatioun avec tous les acteurs concernés.

Mais je vous le répète, nous allons trouver des alternatives et donc des solutions. Je suis confiant. D’autant que le secteur agricole est très innovateur et donc capable de faire face aux défis.

Qui est le plus gêné par cette décision? Le secteur agricole ou celui de l’agrobusiness?

«Il y a des agriculteurs qui m’appellent pour me dire qu’ils peuvent faire sans le glyphosate. Et d’autres qui affirment qu’ils doivent faire avec. Cela dépend de leurs activités, c’est très variable. D’où la nécessité donc d’une approche responsable, avec une analyse des arguments de chacun. Dont ceux en faveur du glyphosate qui a des effets positifs en matière d’érosion des sols ou de réduction des nitrates. Il s’agit de prendre les bonnes décisions au bon moment. Mais pas sur le mode de la procession d’Echternach. Inutile de se presser pour ensuite devoir reculer.

Les élections législatives sont programmées d’ici moins d’un an. Qu’allez-vous – dans ce dossier – concrètement faire d’ici là?

«Nous allons produire un plan national de réduction des produits phytopharmaceutiques. C’est un programme très ambitieux pour lequel nous allons nous donner les moyens d’agir.

A côté de cela nous allons définir d’un commun accord une stratégie de sortie du glyphosate.

Et je tiens encore à préciser que bien que la décision de Bruxelles ne soit pas à notre goût, c’est grâce à des pays comme la Belgique, la France et le Luxembourg qu’on se trouve face à une prolongation de 'seulement' 5 ans et non de 10!