Werner De Laet: «Cela nous coûtera plus de 10 millions d’euros en termes de chiffre d’affaires.» (Photo: Maison Moderne Studio)

Werner De Laet: «Cela nous coûtera plus de 10 millions d’euros en termes de chiffre d’affaires.» (Photo: Maison Moderne Studio)

Monsieur De Laet, l’existence d’Orange Luxembourg est-elle vraiment en péril, comme cela a été évoqué dans un recours intenté auprès du tribunal administratif suite à la décision de l’Institut luxembourgeois de régulation (ILR) de baisser drastiquement les tarifs de terminaison d’appel sur le marché luxembourgeois du mobile?

«L’existence d’Orange Luxembourg non. Mais, au-delà de notre propre cas, c’est l’existence même du business model actuel des opérateurs mobiles au Luxembourg qui est remis en cause.

Nous avons tous, ces dernières années, massivement investi dans le développement des réseaux. Ces deux dernières années, Orange Luxembourg a particulièrement accéléré dans ce domaine. Pour la seule année 2013, nous avons investi plus de 6 millions d’euros, aussi bien dans le renouvellement de nos réseaux 2G et 3G que dans le déploiement de la 4G, afin d’arriver à une couverture de 90% du territoire fin 2014-début 2015. Nous en sommes actuellement à 70%.

Pour continuer une telle politique, et nous permettre de proposer des offres attractives pour les clients, nous devons avoir la certitude que ces investissements puissent être rentabilisés. Or, c’est là que vient justement le fond de la discussion: les tarifs de terminaison que vient d’imposer l’ILR font que nous sommes obligés de vendre de la capacité d’appels en dessous de nos coûts réels.

L’ILR avait lancé, l’année dernière, une consultation auprès des opérateurs mobiles luxembourgeois. Nous avons tous contribué. Mais au final, la décision rendue en début d’année ne tient pratiquement pas compte de nos remarques. Et la baisse imposée est de plus de 90% par rapport au tarif précédent! Même en Belgique, où le régulateur est connu pour être beaucoup plus strict sur le marché du mobile que sur celui du fixe, l’adaptation à la baisse des tarifs a été étalée sur trois années.

Avez-vous déjà mesuré l’impact financier que représente cette nouvelle tarification?

«Nous estimons que l'impact réglementaire pour 2014 sera de l'ordre de 10 millions d'euros sur notre chiffre d'affaires estimé, et de 6 millions en termes de marge, c’est-à-dire le montant de nos investissements en 2013 et la moitié de la marge opérationnelle que nous avions dégagée l’année dernière. Cela pèse donc directement sur la vitesse de développement de la société, d’autant plus que, des trois opérateurs mobiles luxembourgeois, nous sommes le plus petit. C’est donc, d’office, nous qui sommes plus touchés.

Pour l’heure, le plan de développement qui a été décidé lorsque j’ai pris la tête de la société (par intérim depuis le 15 janvier 2013, définitivement depuis le 2 mai 2013, ndlr) n’est pas remis en cause. Nous poursuivons nos investissements. Mais il est clair que, cet été, lorsque nous allons planifier la stratégie 2015 et surtout 2016, nous allons différemment considérer la chose en termes de produits et services. Cela arrive à un moment où nous avons pratiquement achevé le développement de notre réseau.

Que pouvez-vous faire, dans ce contexte, alors que la demande de suspension de l’application de ces tarifs que vous avez introduite a été rejetée?

«Il n’y a que deux possibilités qui s’offrent à nous. La première est de revoir à la baisse notre stratégie d’investissement et de déploiement de notre réseau, ce qui serait bien dommage, car le Luxembourg a toujours été en pointe dans ce domaine, avec la mise en œuvre du plan ultra-haut débit voulu par le gouvernement.

La seconde est de conserver le même niveau d’investissement, mais dans ce cas, de répercuter la baisse de ces prix de terminaison sur ce qu’aura à payer le consommateur au final. Or, cela va clairement à l’opposé de ce qu’un régulateur doit faire pour stimuler un marché concurrentiel.»