Ils se marièrent et eurent beaucoup… de satellites gouvernementaux, capables de fournir de la connectivité en cas de catastrophe écologique, de surveillance des frontières ou d’opérations de maintien de la paix!
L’histoire pourrait commencer comme ça. Elle raconterait le «mariage» heureux, à 50/50, entre l’État luxembourgeois et le premier opérateur mondial de satellites, SES, pour donner naissance à LuxGovSat. Dans la corbeille de mariage, le premier apporterait sa stabilité politique, sa neutralité et son triple A; le second amènerait des technologies de pointe et sa recherche du meilleur produit au meilleur coût.
Un an après le lancement du premier satellite luxembourgeois à Cap Canaveral par SpaceX, l’union porte ses premiers fruits: 20% des capacités du satellite fabriqué par Orbital ATK et positionné sur l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique ont été vendues ou sont réservées.
15 à 25% comme indicateur de succès pour la première année
En Floride, à peine nommé CEO de LuxGovSat, Patrick Biewer avait annoncé une fourchette de 15 à 25% comme indicateur de succès pour la première année. «Donner un chiffre précis est difficile», explique-t-il à la mi-journée de la conférence qu’il organise au Centre de conférences, et qui a réuni près de 500 experts hier, 10 fois plus qu’il y a deux ans.
«Parce que ce sont des négociations assez longues, qui peuvent durer jusqu’à six mois et qui passent par différentes phases. Nos frais opérationnels sont largement couverts et c’est la meilleure nouvelle», dit-il en attendant que le premier bilan soit publié au printemps.
2019, assure-t-il aussi, sera une année de croissance. «En général, un satellite ne commercialise pas 100%, mais à peu près 80% de sa capacité totale. Parce que certains contrats commencent quand d’autres terminent. Il faut six à sept ans pour cela.»
L’État luxembourgeois, comme il s’y était engagé au moment du montage du projet, a dépensé 10 millions d’euros pour acquérir des capacités (notamment dans le cadre de ses obligations envers l’Otan). La Marine belge, la Marine française et l’Otan, par le biais de son agence de soutien logistique, figurent aussi parmi ces clients qui préfèrent rester discrets.
«Ce n’est pas tout», dit M. Biewer. «Certains clients veulent acquérir des capacités satellitaires, mais n’ont pas de compétences particulières sur les technologies au sol ou sur les services associés et ont commencé à nous demander de les leur vendre aussi. Ce qui explique nos bons résultats de manière plus inattendue et permet d’imaginer développer ce secteur au Luxembourg. Ici, aujourd’hui, il y a quelques intégrateurs vers lesquels nous nous tournons pour fournir ces services que nous demandent nos clients. Certains commencent à imaginer s’installer au Luxembourg.»
Prudence autour d’un deuxième satellite
Inévitablement, la question d’un nouveau satellite en cas de remplissage très rapide se posera à échéance de trois ou quatre ans. Le CEO de GovSat ne cache pas des discussions. La joint-venture luxembourgeoise pourrait acquérir un deuxième satellite et le positionner différemment du premier.
«Cela nécessite 200 à 250 millions d’euros d’investissement et ce n’est pas d’actualité. Surtout parce que nous devons être vigilants à l’évolution des technologies. En deux ans, ce secteur a connu des avancées incroyables.» C’est là que la présence de SES est réconfortante. Au printemps, la société dirigée par Steve Collar lancera ses quatre derniers satellites d’O3B mPower, technologie futuriste et unique capable d’une flexibilité totale, y compris la possibilité d’être positionnée à moyenne ou haute orbite.
Ou bien, GovSat pourrait acheter un deuxième satellite positionné comme le premier pour faire face à une demande croissante. «Rien n’indique forcément que nous vendrons plus parce que nous aurons un deuxième satellite. C’est encore trop tôt pour ces discussions», dit encore M. Biewer, à la tête de 18 salariés et d’une dizaine de contractants.
Nouvelles ambitions de l’Union européenne
Le contexte des satellites gouvernementaux a changé: en juin dernier, et après plus de quatre ans de discussions, l’Union européenne a décidé d’ajouter un volet GovSatCom à sa politique spatiale (16 milliards d’euros au total). Doté de 250 à 500 millions d’euros selon l’issue des négociations en trilogue qui ont commencé en janvier, ce volet entend «offrir» après 2021 un plan européen de capacités satellitaires pour des besoins gouvernementaux.
L’UE deviendra le client des opérateurs – pour une certaine enveloppe – qu’elle revendra ensuite aux États membres ou institutions intéressées. Une concurrence de nature à fausser le marché? «Pas forcément», tempère M. Biewer. «Parce que l’Union européenne va procéder à une cartographie des besoins. Cela va donc créer des besoins et les capacités que l’UE va acquérir ne pourront répondre à tous les besoins. C’est l’industrie qui prendra le relais!»
Ceux qui ont tenté d’empêcher le mariage souhaitaient justement que le Luxembourg attende que l’Union européenne finalise son plan. Demain, le Luxembourg aura une solution clés en main à offrir aux besoins européens. Comme si la mariée apportait elle-même son cadeau. «Nous devons être aux avant-postes du point de vue technologique comme du point de vue de la cybersécurité. Sinon, nous serons loin derrière. Nous sommes prêts!», a dit le vice-président de SES en charge du développement des marchés, Gerald Schlueter.