Dominique Strauss-Kahn, l’ancien président de LSK, assurait en novembre 2014 que les réunions du conseil d’administration n’avaient pas laissé transparaître de difficultés sérieuses de la société financière. (Photo: Licence CC)

Dominique Strauss-Kahn, l’ancien président de LSK, assurait en novembre 2014 que les réunions du conseil d’administration n’avaient pas laissé transparaître de difficultés sérieuses de la société financière. (Photo: Licence CC)

Les époux Urbach ont été les derniers investisseurs à mettre de l’argent dans ce qui devait être une banque d’affaires. Ils ont porté plainte le 18 novembre 2015 pour escroquerie en bande organisée, abus de confiance et diffusion ou tentative de diffusion d’informations fausses et trompeuses contre les administrateurs de la société Leyne Strauss-Kahn au Luxembourg. Parmi eux figure l’ancien directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn.

Avec un passif de 100 millions d’euros, LSK fut déclarée en faillite le 7 novembre 2014, quelques jours après le suicide de son fondateur Thierry Leyne.

La plainte a été déposée devant le Parquet financier de Paris par l’avocat Yohan Attal du Barreau de Marseille, pour le compte d’Alain Urbach et de son épouse. L’affaire a été révélée par Les Echos, après que Me Attal eut adressé le 29 janvier dernier une lettre au Parquet de Paris, ajoutant à sa plainte initiale de «nouvelles pièces accablantes» au dossier. Une des «pièces maîtresses» de l’affaire, selon l’avocat marseillais, est un procès verbal du conseil d’administration de LSK du 29 août 2014, alors que la société financière et sa filiale Assya Asset Management avaient été assignées le 1er août par l’assureur Bâloise à Luxembourg pour rembourser sans délai une dette de 2 millions d’euros. Une première comparution devait intervenir le 6 août. C’est plus tard, le 29 août, que fut «consacrée» la prise de participation des Urbach dans le capital de LSK. Une autre plainte, similaire à celle du couple Urbach, avait été initiée en juin 2015 pour escroquerie et abus de bien sociaux devant le TGI de Paris par l’homme d’affaires français Jean-François Ott, qui avait investi 500.000 euros dans une augmentation de capital de Leyne Strauss-Kahn en juillet 2014, alors que la société financière était déjà au bord de l’asphyxie.

«Au moment où les époux Urbach donnaient suite aux sollicitations de LSK et plaçaient l’intégralité de leur épargne patrimoniale, les administrateurs de la société LSK et leur président savaient que la ‘banque d’affaires’ était en faillite», écrit Me Yohan Attal dans sa lettre du 29 janvier que Paperjam a pu consulter.

L’avocat accuse les administrateurs de la société financière de l’avoir présentée à ses clients comme une structure prospère. Il en veut pour preuve «le montant abyssal» de la prime d’émission: 940.000 euros sur les 1,140 million investis par les époux Urbach dans LSK, «soit 82% de la valeur des titres». «La prime d’émission a été fabriquée de toutes pièces par les dirigeants de LSK», signalait Me Attal dans sa plainte de novembre 2015.

Alain Urbach acheta 200.000 actions de LSK au prix unitaire de 5,7 euros. Ses administrateurs faisaient alors valoir un cours de bourse de l’action cotée sur le marché Euronext Paris supérieur à 8 euros.

Or, en 2013, LSK avait enregistré une perte de 17 millions d’euros. Le réviseur d’entreprises Ernst & Young émit des réserves sur les comptes et démissionna en décembre 2013. Ce n’est qu’en juillet 2014 que celui-ci fut officiellement remplacé. Lorsqu’elle fit son entrée en bourse en mars 2013, LSK fut valorisée à 50,24 millions d’euros. Dominique Strauss-Kahn souscrivit alors ses titres pour 0,25 euro l’unité.

La question tourne autour de son degré de connaissance des augmentations de capital présentées comme frauduleuses. Me Attal considère qu’il ne pouvait pas, comme il le prétend, ignorer les «agissements frauduleux» des autres administrateurs. «Il importe de souligner que les publications du ‘Mémorial’ (…) sont accessibles par toute personne et à tout moment sur internet. Les opérations d’augmentation de capital furent donc en leurs temps connues de tous», écrit-il dans sa lettre du 29 janvier. «Dans ces conditions», poursuit-il, «comment le président du conseil d’administration de la société qui porte son nom peut-il persister dans une ligne de défense aussi fantaisiste?»

L’avocat est d’avis que le président de LSK avait connaissance de l’ensemble des procès verbaux et que le doute n’est pas permis sur son rôle actif dans le scandale LSK, au même titre que les autres administrateurs d’un holding financier que l’ex-directeur général du FMI rêvait, sur un horizon de cinq ans, de faire devenir plus gros que la banque Lazard.

Dans une lettre (révélée par L’Obs) qu’il avait adressée le 4 novembre 2014, soit trois jours avant la faillite de LSK, au substitut du procureur d’État Gabriel Seixas, DSK indiquait pourtant que les réunions du conseil d’administration qu’il a présidé «ne laissaient aucunement transparaître de difficultés sérieuses».