Le millésime 2014, dont les premières bouteilles arrivent sur le marché en cette période de Foire de printemps, est le premier concerné par un changement de taille. La «Marque nationale» disparaît en faveur d’une «appellation d’origine protégée». Une réforme voulue par l’Europe qui devrait tirer la qualité du vin luxembourgeois vers le haut.
Jusqu’ici, la Marque nationale, créée en 1935, était liée à des examens analytiques au laboratoire de l’Institut viti-vinicole et à un système de points peu transparent, notamment qui ne tenait pas compte des rendements. Aujourd’hui, seuls les vins qui respectent le rendement maximal de 100 hl/ha (115 hl/ha pour l’Elbling et le Rivaner) ont droit d’utiliser l’indication AOP. Ce principe était déjà appliqué par diverses initiatives privées (Domaine et Tradition, Charte Schengen Prestige et charta.privatwënzer) qui limitent des rendements pour obtenir ces labels.
On passe d’une analyse du verre à un principe d’origine.
Fernand Etgen, ministre de l’Agriculture
«On passe d’une analyse du verre à un principe d’origine», indique le ministre de l’Agriculture Fernand Etgen. Un principe voulu par Bruxelles et déjà appliqué dans de nombreux pays pour divers produits issus de l’agriculture. L’AOP, à l’instar de l’IGP (indication géographique protégée), est donc un label européen, créé en 1992, visant à garantir l’origine géographique d’un produit, mais aussi «la qualité, la réputation ou toute autre caractéristique pouvant être attribuée à cette origine géographique». L’IGP certifie le produit final, lié au terroir proprement dit, clairement délimité. L’AOP va plus loin, en se voulant un gage de qualité globale pour le consommateur, puisque toutes les phases d’élaboration doivent aussi être réalisées dans l’aire géographique concernée.
Désormais, l’unité géographique sert à définir la qualité du produit pour davantage faire ressortir l’expression du terroir, comme une pyramide. Aussi, «plus l’unité géographique est petite, plus elle fait ressortir la notion de terroir», rappelle le ministre. Il apparait donc évident d’établir des règles qui, parallèlement à une diminution de l’unité géographique, définissent simultanément des critères de qualité plus stricts, comme le rendement à l’hectare.
Apprendre à lire les nouvelles étiquettes
Ce nouveau système implique une nouvelle classification/description des vins luxembourgeois. Sur les étiquettes, de nouvelles appellations font donc leur apparition. Les unités géographiques doivent être strictement délimitées et au moins 85% des raisins dont est issu le vin doivent provenir de cette unité géographique.
Les vins étiquetés «Côtes de» sont des vins pour la consommation quotidienne. Vins d’entrée de gamme, ils sont fruités, simples, facile à consommer. La limitation du rendement pour tous les cépages est au maximum de 100 hectolitres par hectare, à l’exception de l’Elbling et du Rivaner, pour lesquels elle est de 115 hectolitres par hectare.
Les vins nommés «Coteaux de» sont des vins classiques de la Moselle luxembourgeoise, typés en fonction du cépage et de la région. Ils sont issus de vignobles de haute qualité des cantons de Remich et de Grevenmacher. Ils représentent les deux types de sol du vignoble luxembourgeois: les marnes keupériennes (canton de Remich) et la roche calcaire (canton de Grevenmacher). Vendangés à la main, rendements diminués, vinification et élaboration douces garantissent la perception de l’origine.
Enfin, les vins de terroir proviennent des meilleurs «lieux-dits» de la Moselle et sont étiquetés comme tels. Les lieux-dits de renom sont strictement délimités. Ici, la qualité d’un vin est déterminée par le terroir, donc par son origine. Le vignoble, des rendements faibles, une sélection manuelle ainsi qu’une gestion proche de la nature ne sont que quelques-uns des critères qui déterminent l’excellente qualité de ces vins.
Par ailleurs, le Crémant de Luxembourg bénéficie aussi d’une AOP. Des raisins sains et aromatiques, accompagnés d’un acide rafraîchissant, forment la base de ce vin mousseux de qualité. Sur sélection des cépages, de l’assemblage de la cuvée et du repos sur lies, on obtient des produits uniques.
Communication et promotion
Le passage à l’AOP a l’air de ne pas poser de problème pour l’essentiel des vignerons, les indépendants en particulier ayant toujours, par nature et par choix, été attachés à faire baisser les rendements et maintenir leur savoir-faire. «On ne court aucun risque. On travaillait déjà dans cette philosophie. On n’utilisait pas l'AOP tout en respectant déjà ces critères. Désormais, on pourra le faire valoir», exprime un propriétaire-récoltant.
Il restera à valoriser et faire connaîre sur le long terme et notamment sur les marchés étrangers la nouvelle appellation. Le travail considérable mené depuis une vingtaine d’années pour augmenter la qualité des vins luxembourgeois va pouvoir être visible. Mais par qui et comment? La Commission de promotion des vins et crémants, dont c’était le rôle au Luxembourg comme à l’étranger, serait actuellement «en hibernation».
Le Fonds de solidarité viticole, fondé en 1965 et dont la Commission de promotion (comme la Commission technique) faisait partie, apparaît désormais sur la communication, notamment à l’international, comme ce fut le cas à l’énorme foire ProWein de Düsseldorf. C'est aussi sous ce nom qu'est éditée une magifique brochure, «Le petit pays des grands vins», qui détaille de manière claire et joliment illustrée les différents cépages, les nouvelles règles, les nouvelles étiquettes...
On espère donc que les initiatives de communication de qualité, comme les Ambassadeurs des vins et crémants ou la présence sur les foires, vont perdurer. L'Institut viti-vinicole a réussi sa réforme des étiquettes, arrivera-t-il à réformer sa communication?