Dominique Roger, country manager pour ALD Automotive Luxembourg, pense pouvoir encore densifier le marché du leasing opérationnel au Luxembourg. (Photo: Mike Zenari)

Dominique Roger, country manager pour ALD Automotive Luxembourg, pense pouvoir encore densifier le marché du leasing opérationnel au Luxembourg. (Photo: Mike Zenari)

Monsieur Roger, ALD Automotive Luxembourg fête ses 30 ans cette année. En trois décennies, quelles ont été les évolutions essentielles?

«Il y a 30 ans, c’est en fait la société Axus, une société dépendant du groupe de la Générale de Belgique, qui a ouvert une filiale sous le nom de Hertz Leasing et dont nous sommes l’héritier. Quand elle s’est implantée, elle a été la première société à offrir une solution de leasing multimarque sur le marché luxembourgeois. C’était vraiment de l’évangélisation. Personne ne connaissait le leasing et rares étaient ceux qui percevaient le bien-fondé de cette solution. Il a donc fallu être patient. Lorsque d’autres acteurs sont venus, le marché s’est peu à peu développé. Mais il a fallu attendre 1992-93 pour connaître un certain essor. Depuis, la formule n’a cessé d’évoluer, à la fois en matière d’offre et de pénétration.

Quelles ont été les phases clés de cette évolution?

«Dans un premier temps, nous avons servi les grands clients internationaux déjà acquis à la formule. Tout le défi a ensuite été de montrer aux acteurs locaux, peu sensibilisés à la formule, qu’elle pouvait avoir de l’intérêt pour eux. Ce cheminement est encore loin d’être terminé. On considère actuellement que dans la masse des véhicules qui sont à usage B2B – environ 85.000 unités – 40% sont en leasing opérationnel. Le défi aujourd’hui reste donc sensiblement le même. Le but n’est évidemment pas de convertir tout le monde: 40% ce n’est déjà pas si mal. Seuls la Grande-Bretagne et les Pays-Bas affichent de meilleurs scores. Mais pour le Luxembourg, il faut prendre en compte que l’économie est fondamentalement tertiaire et que l’offre d’un véhicule de fonction est davantage dans les mœurs qu’ailleurs. Le pays doit en effet attirer des talents de l’étranger et, dans ce but, la voiture de fonction reste une motivation importante. Étant donné ces facteurs favorables, 40% ce n’est donc pas si ambitieux que ça.

Les sociétés de leasing sont centrées sur les entreprises. Envisagez-vous aussi d’aborder le segment des clients particuliers?

«La raison pour laquelle nous n’avons pas encore investi dans le marché B2C, c’est qu’il existe encore un important potentiel de croissance dans le secteur des entreprises. Mais il est clair que les services que nous apportons peuvent aussi faire sens pour une personne privée. Je ne pense pas que les gens apprécient particulièrement d’avoir à gérer des assurances, des réparations et de ne pas savoir, au final, ce que va leur coûter une voiture. Il ne faut jamais négliger les mauvaises surprises qui viennent grever le budget du ménage. En plus, l’attachement à son propre véhicule est de moins en moins vrai. Le leasing peut donc, ici aussi, offrir un certain confort et certains marchés sont déjà bien avancés avec des formules de ce type. L’Italie et la Grande-Bretagne sont à la pointe et les Pays-Bas démarrent avec des signes prometteurs. Il est donc évident qu’on y pense pour le Luxembourg.

En 30 ans, avez-vous aussi perçu d’importants changements dans les exigences des clients?

«Au niveau des voitures, on a notamment vu le changement de la motorisation essence vers le diesel. Puis il y a eu des effets de mode. À une époque, l’engouement a été très fort pour les monospaces, puis pour les SUV. Le marché s’est aussi fortement déplacé vers le segment premium. Dans les années 90, ce n’était pas vraiment le cas, mais aujourd’hui le Luxembourg est un marché très orienté premium. Il accorde notamment une grande place aux constructeurs allemands, surtout pour les voitures de fonction. Au niveau des clients, le premier souci reste de pouvoir diminuer les efforts en interne sur le parc de voitures et de bénéficier d’une bonne visibilité sur le budget. Mais on voit aussi qu’ils nous demandent d’intervenir encore davantage sur la gestion. Pour certains comptes, nous allons désormais prester au sein même de l’entreprise, ce qui leur permet de réduire au strict minimum les ressources humaines dédiées à la gestion de leur parc. Enfin, une autre évolution importante, c’est que le marché appelle beaucoup plus de transparence. Auparavant, si le contrat de départ n’était pas respecté – X milliers de kilomètres en X années –, le client ne pouvait pas vraiment dire ce que ça lui coûterait au final. Ce n’est plus vrai aujourd’hui. Chez ALD, depuis 10 ans, nous fournissons une matrice au client qui reprend tous les cas de figure.

La perception des entreprises par rapport à la mobilité a dû aussi pas mal évoluer...

«C’est très clair. Auparavant, l’employeur proposait une voiture de fonction dans le contrat et ça s’arrêtait là. Aujourd’hui, parmi les jeunes arrivants sur le marché de l’emploi au Luxembourg, on voit des gens qui, étant donné le coût des loyers dans le pays, préfèrent avoir un salaire plus élevé que de bénéficier d’une voiture. Mais un jour, ils auront quand même besoin d’une voiture. À nous donc de voir comment répondre de manière positive à leurs besoins via différentes solutions. ALD Switch, par exemple, est un produit qui permet de jouer avec la mensualité accordée par votre entreprise. Imaginons que vous disposiez d’une mensualité de 800 euros pour votre voiture. Vous faites le choix d’une voiture qui va seulement vous coûter 600 euros. Le solde, 200 euros, sera alors logé dans une provision à utiliser plus tard pour obtenir un autre véhicule en fonction des besoins ou des envies. Un monospace le temps des vacances, une camionnette pour un déménagement, etc. L’étape suivante, ce sera la provision à utiliser pour payer autre chose que son véhicule: un abonnement de train, de tram, la location d’un vélo, etc. Nous avons donc déjà développé un système multimodèle qui reste centré autour de la voiture, mais nous sommes prêts à apporter une réponse multimodale, cette fois, autour de la mobilité.

Il faut donc faire preuve, ici aussi, d’innovation...

«Nos clients sont constamment à la recherche de solutions. Un autre exemple: par rapport aux soucis de parcage, les sociétés s’intéressent au car pooling (covoiturage) et au car sharing (voiture partagée). De plus en plus de responsables de flotte nous demandent de les aider à promouvoir cela dans leur entreprise. La location reste donc bien le cœur de notre métier, mais on aménage le produit pour répondre aux questions de mobilité et aux attentes des nouveaux collaborateurs.

Où en est le marché du leasing de voitures électriques?

«Il est à l’image du marché de la voiture électrique en général. Ma conviction personnelle est que ce marché devra évoluer par étapes, mais qu’actuellement, on est encore dans la phase 1.0. Les véhicules coûtent encore cher, les conditions d’utilisation restent compliquées et il subsiste pas mal de contraintes, notamment en termes de rechargement. Le marché reste donc pratiquement inexistant, c’est une niche minuscule. Mais malgré cela, nous devons être partie prenante. Nous avons donc pris des risques sur des véhicules électriques placés en flotte sans en connaître la fiabilité, sans savoir à quel prix nous pourrons les revendre et avec de plus grandes chances de voir le client rompre son contrat.

En 2014, vous avez connu une croissance de 5,6%, ce qui est supérieur à la tendance du marché. Vous l’expliquez comment?

«Au cours des 10 dernières années, nous avons chaque fois réalisé une croissance meilleure que l’ensemble du marché, nous inclus. J’y vois trois raisons principales. La première, c’est que les clients luxembourgeois apprécient qu’on les serve depuis le Luxembourg. Or c’est notre choix stratégique depuis le départ. Nous ne sommes que deux acteurs, LeasePlan et nous, à avoir fait ce choix et nous sommes numéro un tandis que LeasePlan est second. Nous sommes aussi les seuls à avoir un car center (à Capellen) pour faire les opérations de re-marketing. C’est un investissement. Ce serait sans doute plus facile de mettre les voitures sur un camion et de les revendre en Belgique. Le fait d’être au plus près du marché a aussi contribué à notre meilleure connaissance des attentes des clients. Le deuxième facteur de succès, c’est la constance. Nous sommes prévisibles, nous sommes toujours restés sur la même ligne stratégique. Nos clients savent comment nous fonctionnons. Enfin, au Luxembourg, il est bien connu que la qualité n’est pas une option. Or nous avons investi depuis toujours dans la qualité. Ça a un coût, mais c’est important en termes de retour.

Le marché de la revente des véhicules en fin de leasing, c'est une part importante de votre activité?

«Oui, notre métier présente de multiples facettes, dont celle de négociant en véhicules d’occasion. Il y a 20 ou 30 ans, revendre une voiture n’était pas très compliqué, aujourd’hui ça l’est extrêmement. Nous ne vendons pratiquement rien sur le marché local, notre structure revend les voitures sur le marché professionnel, mais essentiellement à l’export, en Allemagne, en France, en Estonie... Et il faut avoir une bonne connaissance de quel marché convient le mieux pour quel type de voiture. C’est devenu un vrai métier que de revendre des véhicules en fin de parcours. Les acheteurs sont devenus très professionnels et la relation entre l’offre et la demande est beaucoup plus tendue qu’il y a 25 ans. Or il faut quand même constater que la revente de véhicules d’occasion assure 25% de notre chiffre d’affaires annuel.

La voiture de société est fréquemment prise en grippe par une partie du monde politique. Quels arguments leur opposez-vous?

«C’est une cible un peu facile. La réalité de la situation, c’est qu’il y a au Luxembourg 160.000 frontaliers qui n’ont, pour l’instant, pas de solution aussi sûre que l’automobile pour se rendre à leur travail. Lorsqu’on veut attirer un collaborateur étranger, la voiture de fonction reste donc un élément attractif du package salarial. D’autant que les écarts entre les salaires luxembourgeois et ceux des autres pays ne sont plus aussi magiques. À partir de ce constat, que vaut-il mieux? Si on veut faire cesser la politique des voitures de fonction, on verra les travailleurs frontaliers acheter des véhicules dans leur propre pays, avec une perte sèche pour l’économie luxembourgeoise à la clé. Les arguments écologiques ne sont guère plus tenables. Une voiture en leasing a en moyenne 20 mois, elle est donc au top en matière d’écoresponsabilité et de sécurité. Si la voiture de fonction n’est plus une option, beaucoup achèteront des voitures d’occasion et le parc global évoluera vers des voitures plus âgées. Je suis d’accord de réfléchir à la place de la voiture de société, mais il faut d’abord aller vers une offre crédible en matière de transports publics pour pouvoir proposer des offres combinées, comme celles que j’ai décrites précédemment.»

Parcours
25 années au compteur
Le directeur belge d’ALD Automotive Luxembourg est fidèle depuis un quart de siècle à son employeur. Un poste d’observation relativement fixe qui lui a permis de bien constater les évolutions du métier.

Dominique Roger (51 ans) est un passionné d’automobiles. Il y a consacré ses études – une formation en moteurs thermiques et expertise automobile à Mons (Belgique) –, mais s’est ensuite fait peur après avoir étonnamment négocié le premier virage professionnel. C’est que les trois premières années, il les a passées dans des étables à enregistrer des données concernant les mises bas des bovins. «Notre société travaillait pour une société américaine qui cherchait à modéliser les cycles de vêlage selon les races et nous intervenions dans la collecte massive des données, se souvient-il. Ce n’était pas ma vocation, mais j’y appris beaucoup de choses.» Retour sur le macadam en 1990 avec l’entrée dans la société Hertz Leasing en Belgique. Rapidement, on lui demande d’intégrer la structure luxembourgeoise qui se développe gentiment. Pour ce natif de Beauraing, dans le Namurois, ce n’est pas un problème. Il est donc actif dans la société depuis 25 ans et y occupe le siège de country manager depuis 1997. Mais entre Hertz Leasing, le label sous lequel il est entré, et ALD Automotive Luxembourg, il a vécu pas mal de mouvements d’actionnaires dont on vous passera les détails. Aujourd’hui, il travaille sous le parapluie du groupe financier français Société générale – depuis 2003 – et semble s’en porter très bien. «Nous sommes rapidement devenus le groupe de leasing qui détient la meilleure couverture mondiale.