Claude Strasser: «Le Luxembourg a, selon moi, une carte à jouer pour proposer de nouveaux services orientés vers le digital». (Photo: Matic Zorman)

Claude Strasser: «Le Luxembourg a, selon moi, une carte à jouer pour proposer de nouveaux services orientés vers le digital». (Photo: Matic Zorman)

Quels sont les dossiers sur le bureau de Claude Strasser en cette rentrée? 

«Il y en a beaucoup, dont un important qui verra le jour d’ici la fin de l’année, à savoir le lancement de i-Hub. La plate-forme est en place et nous allons ‘onboarder’ les premiers clients. 

En quoi consiste ce projet? 

«Il s’agit d’une solution de mutualisation des opérations de ‘KYC’ (‘Know Your Customer’). Pour une banque, cette opération est importante en matière de maintenance, après l’enregistrement initial. Notre idée est de proposer une solution clés en main aux acteurs bancaires, mais aussi aux métiers des fonds par exemple. Nous pourrons gérer l’identification des personnes physiques ou morales par un seul point d’entrée de confiance et certifiant. L’idée vient d’un constat simple: les gens sont souvent prêts à s’identifier sur différents sites en ayant recours à Facebook. Or, l’identité n’est pas anodine. 

Ce projet implique de nombreuses entités du groupe, c’est un bel exemple de la manière dont nos compétences peuvent interagir pour dégager de la plus-value de notre côté et du côté du client. i-Hub est une start-up que nous avons lancée avec une vingtaine de personnes recrutées. Post Finance sera un des premiers clients.  

Le client de 2018 demande à la fois cette garantie de sérieux et en même temps une certaine flexibilité dans les services rendus…

«Il y a parfois des demandes qui paraissent simples, mais nécessitent en réalité une très grande modification de l’organisation. Je prends pour exemple une réclamation d’une cliente qui m’est parvenue, demandant qu’un colis ne soit pas livré chez elle, mais chez une autre personne. Nous n’avons pas pu répondre à cette demande. Comment identifier un colis, le retirer de la tournée et affecter une autre adresse? C’est cette flexibilité-là que nous allons devoir créer, car le client la demande.

Vous lisez vous-même les réclamations des clients?

«Toutes celles qui me sont adressées en direct, oui. Je les transmets ensuite au service concerné pour réponse. C’est une manière de garder le contact avec le terrain. 

Quelles sont les prévisions météo pour le groupe Post en cette rentrée? 

«Plutôt ensoleillées par rapport aux prévisions 2018 qui s’annonçaient difficiles. Nous sommes satisfaits de l’évolution jusqu’à présent, il y a même eu des surprises plutôt agréables. 

Le marché B2B est notre vecteur de croissance.

Claude Strasser, directeur général de Post Group

D’où viennent ces bonnes surprises?

«L’une d’entre elles concerne pour une fois le métier historique, celui du courrier. On est dans une tendance généralisée vers le bas, mais les volumes sont restés stables. Les élections aident un peu cette année, mais beaucoup plus encore les informations diffusées autour du RGPD. C’est une bouffée d’air agréable.

Dans le métier télécom, nous allons pouvoir prochainement faire un bilan de l’impact du roaming, bien que la tendance évoquée lors de notre conférence de presse de bilan 2017 se confirme. (Le groupe Post avait chiffré le coût du roaming entre 5 et 6 millions du résultat net de 2017, ndlr). Nous avons réussi à contrecarrer ce phénomène par la croissance absolue du marché des télécoms où nous parvenons à bien résister, malgré la concurrence. Ceci dit, le marché B2B est notre vecteur de croissance, car nous y avons des parts de marché moins élevées qu’en B2C et la croissance y est soutenue. 


Claude Strasser, directeur général, et Serge Allegrezza, président du conseil d’administration

Approchez-vous ce marché par produit ou par une offre globale? 

«Nous étions déjà installés chez les grands comptes où nous ajoutons de nouvelles couches de services à valeur ajoutée, comme la cybersécurité ou des solutions cloud. Nous visons aussi les PME/PMI avec des offres intégrées et attractives pour ce marché que nous avions du mal à convaincre.

Que pensez-vous de la discussion sur la fin de la ligne fixe en France lancée par Orange? 

«Nous n’avons pas très bien compris l’annonce, car tout le monde sait que la technologie en question est amenée à disparaître, mais pas le service en tant que tel. Téléphoner, surfer ou aller sur internet est indépendant de la technologie. Celle-ci va évoluer, les gens vont continuer à téléphoner. Ils le feront simplement différemment.

Qu’en est-il du projet de rénovation et de nouvelle affectation du siège historique du groupe, place Hamilius?

«Nous avons libéré l’Hôtel des postes qui est vide pour le préparer à une rénovation complète. Un appel à projets avait été lancé à l’international et une idée avait été retenue (une réaffectation mixte proposée par l’architecte basé à Paris, Vincent Callebaut, ndlr), qui n’a pas trouvé l’approbation de la Ville de Luxembourg. Nous avons senti la volonté politique de la Ville et in fine du ministère de l’Économie d’analyser la faisabilité d’un hôtel au sein de l’Hôtel des postes. Nous analysons actuellement si cette idée est économiquement faisable.

Nous valorisons l’infrastructure IT de Join à l’international

Claude Strasser, directeur général de Post Group

Lors de votre conférence de presse de bilan pour 2017, vous aviez indiqué avoir une dernière option ouverte pour le rachat de 31,4% des sociétés Join pour un euro, dans un contexte difficile pour l’entreprise. Qu’en est-il?

«Depuis le 31 juillet, nous sommes actionnaires à 100% de Join. Nous avions déjà nommé un nouveau management (avec Didier Rouma comme CEO, en remplacement du management composé des actionnaires fondateurs, ndlr), avec comme mission de mettre en place le plan stratégique. Nous avions effectué un rapprochement des équipes techniques. La deuxième décision, plus difficile à prendre, fut d’abandonner le marché belge. Join est un acteur national en B2B et B2C. Par contre, nous valorisons désormais l’infrastructure IT qui est très performante à l’international auprès d’opérateurs téléphoniques, des ‘mobile virtual network operators’, qui n’en disposent pas.

Join peut-il, à terme, rester une marque pour le grand public? 

«Absolument. Disposer d’une marque supplémentaire était une des considérations parmi d’autres, à l’instar de ce que beaucoup d’opérateurs historiques étrangers font.

La logistique se révèle être un secteur porteur pour Post. Une bonne surprise également?

«Nous parvenons à atteindre ce que nous visions avec une politique de diversification lancée en 2015. Nous avions pour ambition d’atteindre 6 millions de chiffre d’affaires. Or, nous allons probablement dépasser les 10 millions d’ici à la fin de l’année. Ce résultat est important parce que nous avons mis un pied dans cette activité. Nous sommes visibles à l’international, ce qui est indispensable pour se développer et offrir des services à valeur ajoutée au-delà du simple transport. Tout a commencé pour nous avec SingPost, et d’autres partenaires et clients ont pris la relève. Il y a énormément de potentiel. À nous de gérer la croissance de ce pilier.


Post a investi dans un entrepôt au Findel pour élargir ses capacités en logistique.

Il n’y a pas d’acquisition prévue dans l’immédiat

Claude Strasser, directeur général de Post Group

Cette croissance rejoint-elle une volonté de voir les activités de Post s’internationaliser?

«Il y a cinq ou six ans, nous pensions qu’il fallait aller à l’international avec une orientation B2C. Entre-temps, le consensus s’établit autour du constat de la difficulté de conquérir le B2C pour un opérateur comme nous. L’avenir de Post est certainement à l’international, mais plutôt dans le B2B et de façon ciblée. Car ce segment permet de proposer des produits dont le lancement ne dépend pas de la localisation. Nous n’allons jamais installer des réseaux à l’étranger, mais plutôt des solutions informatiques en collaboration avec des partenaires locaux. L’internet of things ou le créneau du ‘machine to machine’ sont porteurs, de même que la sécurité de l’information. Les compétences dont nous disposons peuvent être transposées ailleurs.

Envisagez-vous d’autres acquisitions au niveau du groupe?

«Nous avons un portefeuille vaste et complet. Nous n’avons pas l’ambition d’aller plus loin dans la chaîne de valeur ajoutée. Il n’y a pas d’acquisition prévue à l’immédiat. Ce n’est pas exclu, mais cela sera opportuniste.

Quel sera le futur du métier de facteur?

«Je suis plus optimiste qu’il y a trois ou quatre ans. Il va changer, il y a moins de lettres à distribuer, mais le colis prend tellement d’importance qu’il pourrait prendre le relais à terme. On a connu le passage quotidien pour les lettres, cette normalité existera à l’avenir pour les colis. 

Merci l’e-commerce…

«Nous n’en sommes qu’au début. Les acteurs mondiaux sont venus bousculer les commerçants, mais ceux-ci réalisent désormais qu’ils peuvent y prendre part.

Vous qui connaissez bien l’économie, avez-vous, à l’approche des élections, une vue à partager sur l’état des lieux et un aspect à renforcer pour l’avenir? 

«La digitalisation de la société telle que nous la vivons doit être vue comme une chance. Les opportunités qu’elle amène prennent largement le pas, selon moi, sur les inquiétudes qu’elle suscite. La transformation est en cours: la technologie est omniprésente dans nos vies et, demain, encore davantage. 

Le Luxembourg a une carte à jouer pour de nouveaux services orientés vers le digital

Claude Strasser, directeur général de Post Group

Nous devons saisir ces opportunités dès maintenant en effectuant la promotion des initiatives liées à l’e-gouvernement ou en développant un cadre légal qui facilite la digitalisation des communications et des services dans le pays. Les infrastructures sont là, nous avons investi et continuons à le faire, pour les développer. Le Luxembourg a, selon moi, une carte à jouer pour proposer de nouveaux services orientés vers le digital tant aux citoyens qu’aux sociétés. En tant qu’entreprise publique, nous serons aux côtés du gouvernement pour l’aider à mettre cela en place.»