L’esprit d’entreprise, Norbert Becker le cultive comme d’autres plantent des légumes dans leurs potagers. Et sa longue expérience internationale a renforcé une légitimité qu’il ne viendrait à l’esprit de personne de contester sur la Place. Il fait partie des hommes qui comptent et ses récents engagements parlent pour lui.
De retour au Luxembourg en 2004, après avoir passé plusieurs années à l’étranger (Londres et New York), il lance, avec quelques anciens associés, un cabinet fiscal indépendant, Atoz. Quatre ans plus tard, la société emploie 250 personnes «et a largement dépassé le business plan initial», indique-t-il.
L’année suivante, c’est la création, avec quatre autres personnalités luxembourgeoises (non liées à Atoz) de LBO Luxembourg, structure d’investissement qui a soutenu le management buy out du groupe Eurobéton et pris quelques participations industrielles et immobilières.
En 2006, enfin, c’est la création de la Compagnie de Banque Privée, dont l’activité opérationnelle a commencé en mai 2007. «Elle se porte aujourd’hui admirablement bien, car notre métier n’est pas d’investir notre propre argent ni celui de nos clients dans des produits douteux. Nous n’avons aucun produit ‘toxique’ dans nos comptes».
Le professionnalisme de Norbert Becker est unanimement reconnu et ce n’est pas un hasard si, en 2004, il se voit proposer, par exemple, la présidence de la société de gestion du premier fonds de venture-capital à Luxembourg, Mangrove. «J’ai accepté avec d’autant plus de plaisir que ce sont trois de mes anciens associés qui ont lancé ces fonds. Je les connais très bien humainement et professionnellement. Mangrove a connu le succès grâce à eux, je n’y personnellement pas un rôle vraiment important».
Privilège de l’expérience, Norbert Becker se contente, aujourd’hui, de tenir des rôles non exécutifs au sein des structures où il est impliqué, laissant la gestion journalière à d’autres. Son rôle n’en est pas moins essentiel à tous les niveaux. «Je ne me suis jamais posé la question de mon influence et je n’ai jamais utilisé ce fait. Quand on me demande mon avis, je suis ravi de le donner et quand je pense que quelque chose pourrait se faire autrement, je le dis, mais pas comme un donneur de leçons. Tout cela s’est fait au fur et à mesure, sans prise de conscience particulière et cela n’a de toute façon jamais représenté un moteur. Je considère qu’il est de ma responsabilité d’entrepreneur, d’homme d’affaires, de professionnel, de jouer ce rôle».
Mentor
A 55 ans, il est loin d’être arrivé au bout du chemin et prend plaisir, au quotidien, à aider les projets à se réaliser, à écouter moult présentations de plans d’affaires et s’impliquer personnellement dans ceux pour lesquels sa conviction est forte. Ce transfert d’expérience est également très présent au sein d’Atoz, auprès des associés plus jeunes, dont il est en quelque sorte le mentor. «L’expérience n’est jamais qu’un long parcours d’erreurs et de correction d’erreurs. J’ai vécu beaucoup de situations et beaucoup de situations se répètent. On se dit alors ‘je l’ai déjà vécu’ et on sait ce qu’il faut faire, ou ne pas faire».
Des expériences, il en a vécues, que ce soit au Commissariat au contrôle des banques, son premier emploi; dans les coulisses de deux campagnes électorales menées par Gaston Thorn dans les années 70, où il a acquis la conviction qu’il était essentiel de s’intéresser à la politique («J’encourage les jeunes à s’occuper de la politique, sinon c’est la politique qui s’occupera d’eux»); dans la création d’Andersen au Luxembourg, au sein du premier véritable réseau mondial qui existait à l’époque, ou encore dans les opérations de liquidation de ce même réseau en 2002 et l’intégration de 60 cabinets d’Andersen avec autant d’entités Ernst&Young aux quatre coins du monde.
Alors, forcément, on retrouve Norbert Becker dans un certain nombre de conseils d’administration très diversifiés, comme BIP Investment Partners, Editions du Lëtzebuerger Journal, Edmond de Rothschild, Intesa SanPaolo Holding International, PayPal ou encore Skype, en tant qu’administrateur indépendant. «Un rôle très intéressant qui permet une belle fin de carrière lorsqu’on n’aspire plus à des responsabilités exécutives journalières. Mais ce n’est pas une retraite dorée pour autant car cela demande de l’organisation, de la préparation et, souvent, de voyager».
Si son expérience ne lui a été d’aucun secours pour sauver le réseau Andersen d’une décision de justice que même la Cour Suprême américaine a reconnue, un an après, comme étant une erreur, il peut se consoler en comptant tous ceux pour qui il aura mis le pied à l’étrier. «J’ai pu assister à l’éclosion de plusieurs centaines de carrières dans des secteurs très variés et quand je vois les noms, je peux dire ‘j’y ai été pour quelque chose’»…