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Tout le petit monde entrepreneurial s'était donné rendez-vous, jeudi soir au Cercle municipal, à Luxembourg, pour la proclamation du prix de l'entrepreneur de l'année, organisé pour la première fois au Luxembourg par Ernst & Young, au terme d'une longue et minutieuse procédure de sélection, à partir de critères qualitatifs et quantitatifs très stricts. Cinquante candidats avaient posé leur candidature, pour trente-cinq retenus et six nominés. "Mais pas une seule candidate féminine", a regretté Norbert Friob, le président du jury, en lançant d'ores et déjà un appel aux entrepreneurs féminins, pour l'année prochaine. Peut-être aussi aurait-il fallu penser à ce qu'au moins une femme figure dans le jury, ce qui n'était pas le cas non plus...

"A une époque où l'on parle d'emploi et de croissance", a continué M. Friob, "il faut rappeler que les seuls créateurs de croissance sont les entrepreneurs, et uniquement les entrepreneurs". "Pourtant, nous sommes dans une situation où, dans un délai très court, la charge sociale aura augmenté de 7%, compte tenu notamment des indexations de salaire. Comment porter, dès lors, la compétitivité? Il faut changer les choses pour que l'économie puisse fonctionner. Face à toutes ces contraintes, entre autres administratives, les entrepreneurs, malgré tout, agissent. Sont-ils masochistes'"

Lorsque son nom a été proclamé, Nicolas Buck a paru un peu "sonné", comme lorsqu'arrive la récompense d'un long travail. Il s'est dit "surpris, car les autres finalistes présentent beaucoup de qualités". Et, fair-play, de faire applaudir ses concurrents, "parce que certains ont eu beaucoup moins de chance que moi dans la vie; eux sont partis de rien, et cela mérite de les faire applaudir".

A la tête de l'Imprimerie Victor Buck depuis 1995, après avoir obtenu une licence en Sciences économiques en Grande-Bretagne et un diplôme d'ingénieur industriel, spécialisation imprimerie, décroché, celui-là, en Allemagne -, Nicolas Buck a transposé dans le monde des affaires l'esprit de compétiteur sportif qui est le sien: aimer gagner, accepter de perdre et, surtout, relever les défis personnels et prouver son aptitude à y arriver.

"Lorsqu'on participe à un concours, c'est pour gagner, il ne faut pas jouer la fausse modestie", a remarqué Nicolas Buck, récompensé pour la création, en 2000, du PSF Victor Buck Services, devenue rapidement leader au Luxembourg dans le domaine de la gestion et le traitement de données financières (conception, impression, envoi de documents; diffusion par fax ou e-mail; alimentation de sites web ou archivage des données reçues) soumises aux obligations du secret bancaire.

Mais de souligner aussi, et surtout, que, selon lui, "ce prix récompense d'abord un modèle porteur: une association entre un Luxembourgeois et un étranger", en l'occurrence le Liégeois Renaud Jamar. "C'est un modèle porteur, parce que cette association est en soi un message à faire passer." Très symboliquement, d'ailleurs, Nicolas Buck et Renaud Jamar se sont chaleureusement congratulés à peine le nom du vainqueur prononcé.

Un Luxembourgeois associé à un Belge: voilà, selon Nicolas Buck, une recette économiquement porteuse, même si elle va clairement à l'encontre de certains "principes" maintes fois martelés: "VBS est un exemple type de ce que peut être une success story au Grand-Duché: on fait toujours beaucoup pour opposer les Luxembourgeois et les étrangers, alors qu'on a, au contraire, tout à gagner à travailler ensemble. Il y en aura toujours pour prétendre que les étrangers sont surtout des opportunistes qui ne viennent au Luxembourg que pour gagner plus d'argent que chez eux et que les Luxembourgeois sont plutôt paresseux et se contentent de leur très bon niveau de vie. On constate, là, que la réalité peut être fort différente".

Du reste, cette ouverture "internationale" est, pour VBS, la seule voie de salut. Sur les quarante employés que compte la société, seuls trois sont de nationalité luxembourgeoise. "Nous recrutons beaucoup d'étrangers, parce que nos clients sont des sociétés internationales ayant des sites dans différents pays. Et à partir du moment où l'on s'ouvre à l'étranger, il faut savoir s'entourer de gens de nationalités différentes qui comprennent les cultures de ces pays vers lesquels nous allons. On le sait, au Luxembourg, le pouvoir économique est entre les mains de la communauté étrangère et il faudra bien, qu'à terme, le modèle politique et démocratique vienne à refléter cette réalité. Cela veut dire, concrètement, qu'il faudra bien donner un jour le droit de vote aux travailleurs étrangers domiciliés au Luxembourg".

Nicolas Buck, comme le président du jury, ne s'est pas privé d'adresser, aussi, un autre message au politique. "Les entrepreneurs doivent faire entendre leur voix", a-t-il dit, "car notre pays connaît des problèmes structurels, qu'il ne faut pas laisser dans les seules mains de la classe politique."

Rappelons que les cinq autres nominés étaient Rolf-Mathias Alter (Euro-Composites S.A.), Marcel Goeres (Groupe Goeres - Parc Belair), Norbert Keller (Keller S.A.), Edgar Sausmikat (S B Inbau S.A.) et Claude Wagner (Batichimie/Hoffmann-Schwall).

A noter que paperJam présentera plus en détail l'heureux lauréat et ses cinq dauphins dans sa prochaine édition à paraître ce 18 novembre.