Le prévenu est accusé d’avoir copié illégalement 302.670 adresses e-mail de clients pour ouvrir un nouveau site de voyance. (Photo: mon-astro.fr)

Le prévenu est accusé d’avoir copié illégalement 302.670 adresses e-mail de clients pour ouvrir un nouveau site de voyance. (Photo: mon-astro.fr)

Neuf mois de prison, peut-être même sans sursis: c’est ce que le substitut du Procureur d’État a requis mardi contre un jeune homme de 32 ans, ancien employé de la firme Weblink, aujourd’hui disparue, qui hébergeait et gérait un site Internet de voyance en ligne, mariavoyance.com, lui-même exploité par une société offshore à Hong Kong, Astroline Ltd. Le prévenu est accusé d’avoir copié illégalement 302.670 adresses e-mail correspondant à la liste des clients de mariavoyance et d’avoir utilisé ensuite, après la fin de son contrat de travail (un CDD de six mois), ces données pour lancer deux sites concurrents de voyance en ligne aux noms assez proches de celui de son ex-employeur, maravoyance.com et maravidencia.com.

Selon le témoignage du commissaire en chef de la Police judiciaire en charge des nouvelles technologies, Pascal Enzinger, une saisie du matériel informatique du prévenu en Belgique sur commission rogatoire internationale et l’exploitation des disques durs, après une plainte contre X fin 2010 de Weblink, avait permis aux enquêteurs de mettre la main sur les 302.670 adresses correspondant exactement à celles des clients du site original prodiguant l’horoscope en ligne.

Les policiers luxembourgeois avaient pu remonter la piste du jeune homme en raison de la présence d’adresses e-mail «piégées» permettant à un exploitant d’une base de données d’être alerté en cas de piratage de ses informations. Lors du lancement de deux sites concurrents fin mai 2010, le piège avait fonctionné et permis de démasquer l’ancien employé. Ses sites, hébergés aux États-Unis, furent immédiatement bloqués. Leur durée de vie n’avait pas excédé les dix jours.

Aspirateur à e-mail

L’enquête, a raconté le policier à l’audience, avait aussi mis en évidence d’autres similitudes troublantes avec les données de Weblink. En dépit de ces éléments troublants, «qui ne laissent pas de place au doute», selon le ministère public, le prévenu a toujours contesté avoir copié frauduleusement les données chez son ancien patron. Il a d’ailleurs conservé cette ligne de défense devant les juges mardi, affirmant avoir obtenu les données grâce à un «aspirateur» qui ramasse toutes les adresses e-mail d’utilisateurs de certains sites Internet et de visiteurs de forums en ligne, des données donc toutes publiques, à ses yeux.

Lors de son renvoi par le Parquet devant un tribunal correctionnel pour y être jugé, le procureur d’État avait estimé qu’il n’y avait pas de charges suffisantes pour retenir contre le jeune homme des infractions de vol domestique ni même de vol simple, pas plus que l’infraction d’association de malfaiteurs en matière informatique ou encore la contrefaçon ou l’altération des clefs. Son renvoi devant les juges s’est donc fait sur la base de l’intrusion dans un système informatique et de l’infraction sur le droit d’auteur.

Dans son réquisitoire, le substitut du Procureur d’État a estimé que les explications du prévenu au sujet de l’aspirateur d’adresses e-mail étaient «pour le moins fantaisistes» et que le doute sur leur copie frauduleuse dans la base de données de Weblink n’était pas permis. «Il est regrettable, a souligné le magistrat, que le prévenu ne procède pas à un quelconque aveu». Car pour le ministère public, «la récolte des adresses e-mail par une sorte de robot sur Internet n’est pas crédible».

Le substitut a requis à son encontre une peine de neuf mois de prison et une amende, laissant aux juges le soin d’assortir une éventuelle sanction d’un sursis. Un réquisitoire plutôt lourd mais qui intervient dans le contexte de l’affaire LuxLeaks et du vol des données informatiques massives chez PwC la même année (2010).

Le prononcé est fixé au 23 décembre prochain.