Aurélie Filipetti, ministre de la Culture française, rencontre des représentants de Netflix ce lundi. (Photo: ActuaLitté / Licence CC)

Aurélie Filipetti, ministre de la Culture française, rencontre des représentants de Netflix ce lundi. (Photo: ActuaLitté / Licence CC)

Aussi secret que stratégique, le rendez-vous «officieux» qui doit se dérouler ce lundi entre Aurélie Filippetti (PS) et les représentants du groupe américain Netflix spécialisé dans la vidéo à la demande est révélateur de la concurrence entre pays à l’aune de la globalisation du marché culturel.

Car si la ministre de la Culture tient à rencontrer l’entreprise qui entend, quoi qu’il arrive, s’attaquer au marché français dès l’automne, c’est bien pour la convaincre d’établir la structure qui y sera dédiée en France. Et non au Luxembourg.

Tentative d’union sacrée

Un objectif qui passe par une opération oscillant en permanence entre la séduction et le rôle du garant du respect des règles. «Si Netflix veut s'installer ici, il doit se plier aux régulations», a déclaré la ministre lorraine au Journal du dimanche. Tout l’enjeu de l’arrivée de ce nouvel acteur dans le marché audiovisuel français est de lui faire respecter les mêmes règles que les groupes locaux qui proposent des programmes à la demande, notamment les contreparties versées pour financer la création.

Et la ministre semble d’ailleurs vouloir le soutien du paysage audiovisuel français. Elle a réuni vendredi dernier les délégués des chaînes TV, des fournisseurs d’accès à internet aux côtés de producteurs et autres représentants d’une filière qui est donc invitée à jouer la carte du «made in France» en évitant de travailler avec un Netflix qui n’aurait pas posé bagage sur le territoire. Pas sûr que le vœu de la ministre ne soit exaucé dans un marché concurrentiel tel que celui de l’audiovisuel ni même qu’une telle «union sacrée», si elle devait voir le jour, ne soit vue d’un bon œil par les autorités européennes en charge de la concurrence.

Autocritique

La bataille se gagnera peut-être sur le front des incitations. Comme celle de revoir le délai (actuellement de trois ans) entre la sortie d’un film dans les salles françaises et la diffusion à la demande. L’une des raisons qui pousseraient Netflix à s’installer au Luxembourg pour y échapper.

L’arrivée d’un nouvel acteur comme Netflix, qui s’est déjà attaqué au marché anglais et hollandais, et revendique 44 millions d'abonnés à travers le monde (35 millions aux États-Unis), sera aussi l’occasion de rebattre les cartes en France. Aux autorités de faire preuve d’autocritique pour permettre aux acteurs français de rester compétitifs. À ses derniers de se fédérer et d’être créatifs. De son côté, Canal Plus (hasard du calendrier ou pas) a officialisé le lancement d'une direction en charge de concevoir de nouvelles offres via internet qui ne nécessiteraient pas de recourir aux fournisseurs d’accès comme Netflix.

Le Luxembourg dans la course

Si l’opération séduction échoue, Aurélie Filippetti n’exclut pas de faire valoir le point de vue français lors des discussions prévues l’an prochain sur le front de la directive européenne «SMA» (Services de médias audiovisuels).

«La France demandera que les règles de régulation s'appliquent désormais au pays de consommation et non pas au pays du siège, comme ce sera le cas pour la TVA dès l'année prochaine», ajoutait la ministre auprès de nos confrères du Journal du dimanche. «Une réponse législative pourra aussi être envisagée, comme c'est le cas avec Amazon sur la gratuité des frais de port, afin de rétablir les conditions d'une concurrence équitable.»

D’un ministère à l’autre, Bercy garde aussi un œil averti sur Netflix, signe que l’un des enjeux majeurs de cette arrivée française ou luxembourgeoise est bel et bien d’ordre fiscal.

Amazon, iTunes et désormais Netflix, autant de dossiers qui concernent le Luxembourg, berceau historique de la distribution paneuropéenne de contenus.

Au Grand-Duché, où une présence opérationnelle de Netflix existe (une direction et plusieurs employés sur place), les pouvoirs publics discutent avec l’entreprise de la question des droits de diffusions via streaming en Europe.

Si la France a récemment mis le paquet pour attirer le siège européen de Rakuten sur son territoire, le Luxembourg mise sur d’autres moyens pour se donner les chances de continuer à attirer d’autres grands noms; outre d’éventuels avantages fiscaux, les chemins courts et un certain pragmatisme.