Serge Krancenblum (Photo: Annabelle Denham)

Serge Krancenblum (Photo: Annabelle Denham)

Année après année, le chemin vers la transparence et une plus grande coopération intra-européenne a été défriché, préparé, expliqué pour déboucher sur la date butoir d’une «nouvelle ère»: le 1er janvier 2015. Marquée dans l’agenda de tout professionnel du secteur financier, cette date marque l’ouverture des échanges automatiques d’informations (que l’avis négatif rendu par le Conseil d’État pourrait retarder) définis par la directive européenne 2003/48/CE. Le secteur des family offices – qui, au Luxembourg, se structure à un rythme rapide – connaîtra-t-il son premier écueil? Ses clients cherchent en effet la confidentialité et s’attachent à ce que leurs partenaires fassent preuve de discrétion, pour éviter tout risque d’étalage de la gestion de leur patrimoine sur la place publique. «Cependant, et je parle au nom de SGG, notre clientèle basée sur de très grandes familles internationales est en accord avec les règles fiscales des pays dans lesquels elles résident. Leur besoin est structurel, leur objectif est de protéger, d’accroître et de transmettre leur patrimoine, leur démarche n’est pas de l’ordre du ‘pas vu pas pris’. Aussi, les échanges automatiques d’informations ne sont pas préjudiciables à notre activité. Ils s’inscrivent dans une logique d’entreprise», dit Serge Krancenblum, CEO de SGG. Chaussant sa casquette de président de l’association des family offices du pays, il ajoute: «Il est vrai qu’il y a des actifs qui ne sont pas connus à ce jour. Les acteurs impliqués doivent gérer dans l’urgence cette situation.» Ce qui peut s’avérer préjudiciable à terme.

Discrétion et protection

L’anticipation a permis à certains acteurs d’offrir d’autres arguments. «Dans notre activité, soit on se cantonne dans la seule organisation du patrimoine des familles, soit on organise en complément leur résidence.» Ce qui fut fait pour quelques grandes familles désireuses d’asseoir la présence dans le pays de dépôt de leurs actifs et qui permet à leurs gestionnaires d’élargir l’éventail de leurs services, vers la conciergerie entre autres.

Évidemment, l’échange automatique d’informations n’est pas apprécié de tous. Si chacun prend conscience que le monde est de plus en plus transparent, «il faut toutefois s’attacher à veiller à la préservation du secret des affaires et, sur ce point précis, le Luxembourg a une carte à jouer au niveau international», estime Serge Krancenblum. Discret par nature, par tradition et par choix stratégique, le Luxembourg doit s’appuyer sur cet as pour se démarquer.

Il y a d’autres aspects, comme cette volonté de se différencier, et par là d’acquérir une reconnaissance sinon mondiale du moins européenne. «C’est l’une des raisons de la récente réglementation sur les family offices. Par cette démarche, nous gagnons à la fois en visibilité – nous sommes le premier pays européen à avoir mis en place une telle loi – et en garantie de professionnalisme», estime le président de la Lafo. L’évolution va de toute évidence vers plus de professionnalisme, vers plus d’expertise. En choisissant un partenaire luxembourgeois, les grandes familles doivent avoir l’assurance d’être protégées – «pour cela, les family offices doivent faire montre de transparence, de loyauté pour ce qui est de leurs rémunérations directes et indirectes» – et d’être servies par des partenaires maîtrisant des outils performants et des process professionnels.

«Je pense que bien plus que la directive sur l’échange automatique d'informations, l’évolution des family offices est tributaire de la complexification du métier et des besoins en interne d’expertises différentes», dit Serge Krancenblum, qui conclut: «Le secteur connaît une belle croissance qui va, à mon sens, durer, car notre activité correspond aux besoins des clients qui ressentent la nécessité de s’orienter vers des spécialistes plus que vers des généralistes. Ils veulent des banques qui fassent leur travail de dépositaire, des domiciliataires qui prennent en charge l’administration des véhicules juridiques et, donc, des family offices, à leur côté, qui gèrent, supervisent, coordonnent leur patrimoine et les tiennent informés.»