«Demander aux grands banquiers de ce monde de s’exprimer sur le futur de cette monnaie qui leur échappe, c’est un peu comme si on demandait à un marchand de disques ce qu’il pense des MP3», estime le cofondateur de Scorechain, Laurent Kratz. (Photo: Maison Moderne)

«Demander aux grands banquiers de ce monde de s’exprimer sur le futur de cette monnaie qui leur échappe, c’est un peu comme si on demandait à un marchand de disques ce qu’il pense des MP3», estime le cofondateur de Scorechain, Laurent Kratz. (Photo: Maison Moderne)

Monsieur Kratz, comment réagissez-vous à la forte perte de valeur du bitcoin depuis plus d’un mois?

«C’est une forte perte de valeur seulement si on la regarde sur un mois. Sur un an, le bitcoin a tout de même pris cinq fois sa valeur et il reste de loin le meilleur investissement que l’on pouvait faire l’année dernière. Aujourd’hui, il y a deux types de peur autour du bitcoin. Celle qui pousse certains à dire que cela ne marchera jamais, et celle de manquer l’opportunité qu’il représente. Pour moi, aucune de ces deux considérations n’est véridique, car le bitcoin représente une innovation gigantesque qu’il faut étudier dans sa globalité.

De plus en plus de voix reconnues dans le monde de la finance lui prédisent toutefois une fin sinistre…

«Le bitcoin est une monnaie qui résiste à la censure et peut se passer des banques. Demander aux grands banquiers de ce monde de s’exprimer sur le futur de cette monnaie qui leur échappe, c’est un peu comme si on demandait à un marchand de disques ce qu’il pense des MP3.

Depuis sa création en 2009, le bitcoin a connu plusieurs bulles. L’une des plus célèbres s’est formée en 2013, lorsqu’il est passé de 10 à 1.000 dollars, avant de descendre à 250 dollars. La révolution engendrée par le bitcoin n’est pas finie et en aucun cas, nous ne pouvons la juger sur 30 jours.

La régulation du bitcoin lui permettra de gagner en crédibilité.

Laurent Kratz, cofondateur de Scorechain

C’est tout de même une valeur très volatile?

«On dit toujours que le bitcoin n’a pas de valeur intrinsèque. Je ne suis pas d’accord. Le sous-jacent du bitcoin est l’innovation qu’il a créée et qui se résume dans sa capacité à se passer d’intermédiaires. Il n’est d’ailleurs pas plus volatile que d’autres monnaies, qui sont seulement basées sur la confiance.

De plus en plus de régulateurs à travers le monde veulent encadrer le bitcoin. Est-ce une bonne nouvelle?

«Bien sûr. Mais il l’est déjà plus ou moins en Europe, où on le considère comme une monnaie et non pas comme un bien, ce qui permet de ne pas lui attribuer de TVA. Plus largement, la régulation du bitcoin lui permettra de gagner en crédibilité. Il y a d’ailleurs de plus en plus de cryptofunds. La plus grosse menace qui pèse aujourd’hui sur les cryptomonnaies est la manipulation de marché. Elle existe, mais pas forcément sur le bitcoin, qui a réussi à atteindre une masse critique.

La consommation d’électricité due au fonctionnement du bitcoin serait sept fois celle du Luxembourg. Dans ces conditions, est-ce un investissement soutenable?

«Le bitcoin n’est pas parfait. Mais cette lecture énergétique est un mauvais argument. Pourquoi ne se pose-t-on pas la question de la consommation d’énergie des ordinateurs des grandes banques? En 1995, le navigateur Netscape a marqué le début de la révolution de l’internet des données et aujourd’hui, il n’existe plus. Mais certains géants actuels sont nés à cette époque. Peut-être que le bitcoin, qui a lancé la révolution de l’internet des valeurs, disparaîtra également. Mais à mon avis, ce ne sera pas tout de suite.»