«J’attendais d’avoir quelque chose à montrer. Je pense qu’on y est» Claudy Antoine (EPC) (Photo: Olivier Minaire)

«J’attendais d’avoir quelque chose à montrer. Je pense qu’on y est» Claudy Antoine (EPC) (Photo: Olivier Minaire)

La société née des cendres de TDK Bascharage se développe autour d’une activité de conditionnement à haute valeur ajoutée et d’un service de logistique. Le gouvernement croit beaucoup en ce type d’entreprise. Son managing director reste, lui, prudent et secret.

Dispersez-vous, il n’y a plus rien à voir. Alors que TDK plie bagage et quitte la zone industrielle, une poignée d’irréductibles décide d’occuper les locaux. L’action se passe entre 2006 et 2008, mais pas question de séquestration, de fatalisme ou de résignation non plus. Claudy Antoine et cinq autres «anciens de TDK» sont à la relance avec une nouvelle activité: le packaging à haute valeur ajoutée.

Engineered Packaging Center (EPC) naît autour d’un foyer de compétences acquises, pour large partie, au service de l’industriel japonais. Le design, l’ingénierie, la logistique et la production industrielle constituent les cœurs de métier sur lesquels se base le plan d’affaires orienté vers la prestation de services en conditionnement et en distribution.

Ne souhaitant pas concurrencer vainement les entreprises de pays à main-d’œuvre bon marché, Claudy Antoine, le managing director, précise ne pas vouloir «accueillir 50 camions par jour, mais créer de la valeur ajoutée». Il ambitionne ainsi une prise en main du produit le plus tôt possible pour ne pas «ramasser que les miettes» et apporter la «touche EPC» à «un bien qui ne [leur] appartient pas» avant de le distribuer.
Et d’évoquer, par exemple, un produit fabriqué en Inde, commercialisé en Europe et pour lequel un emballage propre et original est conçu. «En plus du support technique pour sa fabrication, nous adaptons son design au marché, en lui conférant un goût européen.» La société travaille pour l’instant notamment au conditionnement de l’alimentaire, avec Ferrero, et du cosmétique, avec L’Oréal. Le packaging de produits chimiques fait éga­lement partie des compétences d’EPC. Claudy Antoine rassure néanmoins, les trois domaines d’activité sont géographiquement dissociés.

Au cœur de «la banane bleue»

Après deux ans d’activité, EPC commence doucement à se faire un nom, «par le bouche à oreille», et se met à disposition des sociétés distribuant en Europe, où elle occupe une place privilégiée, au cœur de «la banane bleue». Initialement destinée à fournir ses services aux entreprises de la Grande Région, EPC s’ouvre désormais au «grand international», conformément au schéma stratégique dessiné par le ministère de l’Economie, pour faire du Luxembourg une plate-forme de distribution de première importance sur le Vieux Continent.

Bien que créée pendant la crise et souffrant d’un contexte peu amène, EPC a néanmoins pu compter sur le soutien sans faille d’acteurs publics, tels que Luxinnovation, 1,2,3 Go ou la Chambre de Commerce, pour les intégrer aux réseaux d’affaires locaux et mondiaux. Plus encore, EPC doit matériellement son existence aux fonds propres et aux locaux fournis par sa société parente, Site Industriel (Sisa), dirigée lors de la création de la start-up par Robert Dennewald et Victor Elvinger.

EPC parie même sur l’avenir en travaillant avec l’Université du Luxembourg, et plus particulièrement avec le master en «entrepreneuriat et innovation». Par ce partenariat, la start-up a pu accueillir deux étudiants qui ont rédigé un mémoire de recherche «pour identifier des entreprises en Asie qui souhaiteraient commercialiser leur production en Europe», soit autant de prospects pour la direction de la jeune pousse qui finalise à l’heure actuelle un contrat dans l’empire du Milieu.

D’ailleurs les petites et moyennes entreprises sont autant ciblées que les firmes multinationales. Les services de conditionnement profiteraient a priori davantage aux premières, le service de «packaging simple» aux secondes, et l’organisation des flux logistiques et de gestion du stock aux deux. L’ancien executive director de TDK Bascharage précise: «Les grands groupes se concentrent sur leur core business et connaissent des pics de saisonnalité qui les incitent à sous-traiter certains processus pour des produits particuliers.» Parallèlement, des PME pourraient ne pas souhaiter engager trop de ressources dans la chaîne de conditionnement et faire appel à une société externe.

La solution «just in time» proposée par EPC permettrait de fournir à ces entreprises une solution ponctuelle garantissant, dit-on à Bascharage, «une totale satisfaction du client». Pour ce faire, Claudy Antoine insiste sur la valeur ajoutée apportée par les compétences et l’expérience de chacun. «Nous connaissons les aspects interface marketing et production.» Et la société ne se borne d’ailleurs pas à répondre aux éventuels appels d’offres, mais suscite aussi un besoin en diversifiant son offre.

A pas feutrés

A cet égard, la start-up de Bascharage élargit son portefeuille produits en réalisant la conception d’un emballage «Easy Stand’up» à base de carton 100% recyclé et livrable à plat. Toute une gamme de supports est en voie de commercialisation dans la Grande Région, en partenariat avec la société française Bleu sacré, à l’origine du concept qui a reçu l’Oscar du meilleur emballage 2010 pour sa déclinaison «Box flower». Robert Dennewald, ancien administrateur du Sisa et actuel président de la Fedil, témoigne: «Peu de start-up réussissent, finalement, mais EPC pourrait prendre le chemin du succès.»

Son managing director se montre, lui, plus prudent et reste très vague sur les objectifs, par superstition, de peur d’attiser les convoitises ou de froisser ses investisseurs, le Sisa précisément. «Nous avons un business plan pour trois ans et visons la rentabilité à moyen terme.»
Pour l’heure, la société limite ses coûts fixes et, lors des coups de feu, fait appel «à des intérimaires; dans le mesure du possible, des anciens collègues qui recherchent du travail». Pérenniser la croissance en nouant de nouveaux liens occupe la plus grande partie de l’agenda de Claudy Antoine, qui dit souffrir d’un manque de visibilité. Communiquer pourrait y remédier et le moment lui paraît opportun. «J’attendais d’avoir quelque chose à montrer.»

 

CV - Belge en exil
D’origine belge, Claudy Antoine est titulaire d’un diplôme d’ingénieur industriel et d’un MBA. Il a engrangé une expérience professionnelle
en dehors des frontières de la Belgique au sein du groupe américain Levi’s, du groupe français Bernard Arnault, puis de la société japonaise TDK.
Dorénavant du côté des «petits», il bénéficie d’une certaine connaissance des points forts et des faiblesses des grandes firmes pour faire valoir
ses intérêts lors de négociations.