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A l'heure où de grandes interrogations demeurent en suspens quant au développement du terrorisme à une échelle mondiale, le thème de la sécurité physique des bâtiments semble être revenu au centre de nombreuses préoccupations. Bien évidemment, le caractère exceptionnel de ce qui est advenu à des édifices aussi prestigieux que les tours jumelles du World Trade Center de New-York ou bien encore le Pentagone de Washington, ne doit pas nécessairement servir de point de départ à la réflexion.

Mais il devient de moins en moins concevable de traiter les aspects liés à la sécurité avec désinvolture et légèreté. Et de la simple petite PME aux plus grands sites industriels ou institutions financières, la protection des biens, mais aussi des personnes physiques est, plus que jamais, un élément central de la bonne gestion d'une entreprise.

Heureusement, les entreprises, dans leur ensemble, n'ont pas attendu les événements du 11 septembre pour s'interroger sérieusement sur ce qui existait chez elles et sur ce qu'il était nécessaire d'améliorer. D'ailleurs, un véritable branle-bas aurait été particulièrement inquiétant, prouvant que le niveau de sécurité antérieur était loin d'être performant, ce qui n'est heureusement pas le cas.

"Mais il y a peut-être eu, pour certains, une façon différente de voir les choses. Il y a eu un peu plus de réticences à passer des commandes d'équipements de sécurité, compte tenu de la tendance générale au ralentissement, mais elles ont été plus fournies et complètes" constate Gaston Sadler, Business Unit Manager de la Division Fire Safety and Security chez Siemens Building Technology à Luxembourg. La société relaie au Grand-Duché les compétences mondiales du groupe dans la conception et l'installation de systèmes et solutions de protection de bâtiments. On lui doit notamment la réalisation du système de vidéo-surveillance de la prison de Schrassig, l'un des plus importants réseaux de caméra (plus de 280) du groupe au niveau mondial.

Reste que le Luxembourg demeure un pays certainement moins sous pression que d'autres, et où la criminalité est largement inférieure à celle observée dans les pays voisins, même si une tendance à la hausse est flagrante depuis quelques temps déjà. Un certain sentiment de tranquillité y règne encore, sur le thème du "ça ne peut pas arriver cher nous" que d'aucuns pourraient facilement prendre pour de l'inconscience.

"La sécurité n'est certainement pas toujours considérée à sa juste valeur en ce moment, car personne ne perçoit véritablement un réel danger. Mais, bien évidemment, ceux qui éprouvent un besoin réel de mieux se sécuriser le font " remarque Angelo Rossi, Directeur de Pedus Security, entité autonome du reste du groupe Pedus - également actif dans le nettoyage industriel et la restauration - née en 1999 du rachat de Securel, société indépendante luxembourgeoise. Passée de 50 à 150 employés en deux ans (et avec un objectif de croissance de 25% pour 2002), la société a rapidement pris ses marques sur un marché très concurrentiel dominé par les deux "grands" que sont Securitas et Securicor.

Une approche globale

De manière très schématique, la sécurité pour les entreprises peut être abordée sous deux aspects: l'humain, avec la présence physique de personnel de surveillance, statique ou mobile; et le technologique, qui se décline en un très grand nombre de matériels plus ou moins sophistiqués - mais souvent plus que moins - allant de simples détecteurs de fumée ou de présence jusqu'aux systèmes de reconnaissance biométriques (reconnaissance d'empreintes digitales ou rétiniennes) en passant par les équipements vidéo.

"Souvent, il faut montrer qu'on est bien protégé. Les systèmes mis en place ne sont pas là pour attraper les éventuels malfaiteurs, mais surtout pour les dissuader d'agir" prévient Gilles Reinert, gérant associé de la société luxembourgeoise Electro Security, ancien "département sécurité" de Electro Auto, devenue en 1992 une entité autonome spécialisée dans l'installation des systèmes de détection et de surveillance (1.300 installations à Luxembourg).

Impossible, cependant, de séparer l'humain du technologique. "La sécurité, ce n'est pas qu'une simple installation d'un système d'alarme. C'est un tout, et l'approche doit être globale. Il faut regarder, observer, et bien voir. Trop souvent, on regarde, mais on ne voit rien' explique Liane Bonaria, Marketing Department chez Securicor Luxembourg, un des leaders du marché au Luxembourg (avec près de 1.000 employés) où la société fêtera en 2002 ses 30 ans d'activité.

Ce constat de globalité, Gerry Schmit, Directeur Commercial de Securitas, la première grande société de sécurité à s'implanter au Luxembourg (établissement en 1971) qui emploie à ce jour plus de 900 collaborateurs, le complète: "Afin d'atteindre une sécurisation efficace d'un bâtiment, il s'agit d'associer les équipements techniques à une surveillance physique permettant d'intervenir à tout moment en cas d'urgence et de réduire ainsi les risques potentiels en cas de sinistre".

Gardiennage statique ou par patrouilles mobiles, contrôle d'accès et encadrement de visiteurs, transport et stockage de documents sensibles et supports informatiques, le tout rehaussé par le respect de procédures strictes et des normes imposées par le système de qualité ISO auxquelles les sociétés spécialisées dans la sécurité se sont en général conformées, la palette des services de sécurité est très vaste. Celle des compétences requises aussi. "Le niveau des compétences des agents de sécurité poursuit une constante évolution en fonction des demandes du marché, analyse ainsi M. Schmit: Un service professionnel de sécurité physique se distingue par l'établissement d'un concept de sécurité "sur mesure" ainsi que par l'intégration d'agents formés spécifiquement aux attentes du client. La majorité de nos agents disposent aujourd'hui de compétences techniques et informatiques, mais aussi humaines puisqu'ils sont souvent amenés à assurer l'encadrement de visiteurs ou à effectuer le standard téléphonique. Leur valeur ajoutée est indéniable".

De haut en bas

Mais, comme cela a déjà été évoqué plus haut, cette présence humaine, aussi "réconfortante" puisse-t-elle être, ne constitue qu'un maillon - certes, fort - de la chaîne de sécurité. "La sécurité concerne tout le monde, à tous les niveaux, du PDG aux personnels d'entretien estime Mme Bonaria. Le flux d'information doit être incessant, et beaucoup de gens sont parfois surpris, voire choqués, quand ils constatent tout ce qu'implique la mise en place d'un système de sécurité".

Impossible, en tous les cas, d'envisager un profil type en matière de sécurité, que ce soit en termes de personnel ou de moyens mis en oeuvre. Mais le profil d'une approche sécuritaire acceptable, lui, peut s'ébaucher: "Un bon concept est celui qui s'intègre tel quel dans les habitudes des employés. Ce doit être exactement ce que le client veut et de la façon dont il veut l'utiliser. Bien sûr, chaque système de sécurité implique un certain nombre de contraintes auxquelles il faut se soumettre, mais à l'arrivée, si ce système est trop rigide ou trop complexe, il sera mal exploité par l'utilisateur, et ne servira alors à rien' prévient M. Reinert.

Tout comme ne sera pas non plus très efficace un système "tronqué" pour des raisons économiques. "Typiquement, on admet qu'un détecteur incendie est efficace pour un espace ouvert de 80 m2. Or il arrive parfois que de mauvais compromis soient finalement arrêtés entre ce qu'il faudrait faire et ce qui est fait. Dans ce cas-là, on risque de faire plus souvent du mal que du bien' regrette M. Sadler.

L'argent? le nerf de la guerre, y compris dans le domaine de la sécurité. Surtout dans ce domaine, même, lequel constitue généralement un des principaux postes de dépenses d'une organisation.

Bien sûr, chaque société développe et gère sa propre philosophie de la sécurité, y compris dans un même secteur d'activité où les approches peuvent être radicalement différentes à chaque fois. La nature même des biens ou le nombre de personnes à protéger est évidemment un des paramètres pris en compte, mais bien souvent, la question de l'investissement financier passera avant.

Et même si Gaston Sadler reconnaît que l'approche des entreprises est de plus en plus "security minded' par rapport à une vision plus "economic minded', les coûts engendrés par la mise en oeuvre d'une bonne politique de sécurité constituent encore bien souvent un frein réel: plus de 80% des "chantiers" de sécurité se chiffrent à un minimum d'un demi-million d'Euro.

"La sécurité a bien sûr un certain prix, et il faut vraiment être prêt à le mettre, ce qui n'est pas toujours le cas constate M. Rossi. D'une  manière générale, ce sont souvent des configurations 'minimum' qui sont choisies par les entreprises. A elles, ensuite, d'assumer leurs choix et de prendre leurs responsabilités".

A quel prix ?

Les hésitations des sociétés peuvent aussi intervenir au moment de se poser la question du renouvellement, ou tout du moins, de la remise à niveau des systèmes déjà installés, dépendante, évidemment, de leur nature.

Ainsi, un système tel que contrôle d'accès et surveillance vidéo, qui intègre une bonne partie d'informatique, va vieillir plus rapidement de manière artificielle, dû à l'avancement rapide de la technologie (techniques de transmission, de compression, bases de données). "Son remplacement pourra alors être envisagé au bout de dix ans, voire un peu plus tôt, alors qu'un système de détection intrusion ou bien d'incendie, dont les tâches sont finalement assez simple et où la technologie n'évolue que très lentement, peut n'être remplacé qu'après 15 ou peut être 20 ans" détaille M. Reinert.

Le problème se complique aussi avec l'absence totale d'une réelle régularisation sur les contrats d'entretien. En Allemagne et partiellement en Belgique, par exemple, les propriétaires d'une installation de détection incendie ou de sécurité doivent produire un certificat de contrôle par une société agréée. Au Luxembourg ceci est encore laissé à l'appréciation du propriétaire même si, depuis quelques temps, quelques compagnies d'assurances implantées au Grand-Duché commencent à obliger leurs assurés à mettre en place des systèmes de protection électroniques et à conclure un contrat d'entretien avec, au moins, une inspection par an de l'installation.

Cet aspect économique se retrouve également au niveau des appels d'offres dans le secteur public, les soumissions s'adressant souvent à des solutions étant "financièrement et techniquement les meilleures". "Et souvent, le mot 'financièrement' est écrit plus gros que le mot 'techniquement'" ironise M. Sadler peu enthousiaste, comme beaucoup de ses pairs, devant l'actuelle teneur de la loi sur les soumissions.

La question reste de toute façon la même: la sécurité, à l'instar des assurances, a-t-elle véritablement un coût que l'on peut définir ? Au-delà de ce débat philosophique se détache une autre notion: celle de l'approche même de la sécurité au sens large: "souvent, quand on parle de la sécurité en général, à Luxembourg, c'est en rapport avec la notion de danger constate Liane Bonaria. C'est comme si on ne parlait que des maladies lorsqu'on évoque la santé. C'est par le dialogue et l'échange qu'on parviendra à mieux aborder tous les aspects liés à la sécurité. La sécurité, c'est une véritable philosophie de vie, une approche à part".

La démarche sera donc toujours la même: définir, avant toute chose, les objectifs et les capacités existantes, à mettre en parallèle avec les exigences de plus en plus soutenues des compagnies d'assurance - mais surtout se dire qu'un certain nombre de contraintes sont à respecter, faute de quoi aucune "politique" de sécurité ne peut voir le jour. Agir plutôt que réagir semble ainsi être la meilleure des approches, afin de concilier au mieux les contraintes réglementaires avec la réalité d'exploitation d'une entreprise.

Offre

Des hommes et des puces

Un certain nombre de produits et d'équipements de sécurité existent sur le marché à destination des professionnels:

-  des alarmes anti-vol;

- des détecteurs d'intrusion, avec et sans fil, programmables; des systèmes de détection et d'extinction d'incendie, dont les plus perfectionnés sont capables de distinguer la nature de la source de chaleur et de déclencher ou non une alerte; d'appareils de détection de gaz ou d'eau;

- des systèmes de vidéo surveillance, en pleine expansion, portés par l'évolution des technologies digitales, aussi bien en ce qui concerne la surveillance proprement dite que le stockage et l'archivage des données;

- des systèmes de contrôle d'accès, allant d'un simple badge jusqu'aux systèmes de reconnaissance biométriques, en passant par les cartes à puces, sans oublier les sas d'entrée sécurisés, avec système de doubles portes ou barrières et grilles de parking.

"Mais, globalement, la surveillance n'est pas un univers où la technologie évolue de manière vertigineuse. Pas besoin d'avoir le dernier cri high tech pour avoir un système efficace" note Gilles Reinert (Electro Security).

Reste tout de même un frein pour bien fixer un choix: la cohabitation de différents standards (VDS allemand) et normes (BOSEC ou ANPI belge; AFNOR française?) de sécurité, qui ne contribuent pas à la mise en place d'un véritable standard de qualité.

Pour appuyer l'ensemble de ces services, les sociétés actives dans la sécurité et la surveillance mettent à disposition de considérables moyens humains: des agents pour la surveillance statique; d'autres pour un accueil professionnel multilingue; des patrouilles mobiles pour des rondes préventives; des équipes d'intervention spécialisées en cas de déclenchement d'un système d'alarme; ou bien des superviseurs pour les systèmes d'alarme à distance. Tous possèdent un agrément délivré par le ministère de la Justice.

Mais l'intervention physique peut également concerner le simple stockage et transport de documents sensibles ou données informatiques dans des locaux spécialement aménagés et sécurisés, jusqu'à leur destruction par souci de confidentialité.

L'informatique est évidemment omniprésente dans la bonne gestion des systèmes de sécurité au sein des bâtiments. Et de plus en plus, les Centrales de contrôle permettent de regrouper non seulement les données relatives à la surveillance, mais aussi celles liées à la gestion "technique" du bâtiment (climatisation, éclairage, ?).

Témoignages

Gaston Sadler

(Siemens Building Technologies)

"Actuellement, les entreprises semblent rester un peu sur leurs gardes en matière d'investissements. Sans doute la reprise économique n'interviendra-t-elle pas avant le printemps 2003. Mais dans le cadre des dépenses liées à la sécurité, nous sommes parmi les seuls à avoir développé le concept de pré-financement. Bien souvent, lorsqu'une nouvelle entreprise s'installe, ou fait construire de nouveaux locaux, elle ne dispose pas nécessairement d'un budget suffisant pour envisager l'installation de systèmes de sécurité performants. Nous proposons donc une prise en charge de ce financement dès le départ, via Siemens Banque, qui propose des taux très préférentiels par rapport à ce qui se fait sur le marché".

Gerry Schmit (Securitas)

"Le Luxembourg ne dispose à ce jour pas encore de formation diplômante officielle pour les agents de sécurité. Dans notre société, les formations se font majoritairement en interne par des formateurs agréés, accessoirement par des professionnels externes, ou par la Police. Cependant, des collaborations avec des centres externes de formation professionnelle commencent à se réaliser. Ces formations permettent à nos collaborateurs de disposer d'un bagage de base pour démarrer une carrière dans le secteur de la sécurité.

Elles concernent principalement la sécurité, le combat d'incendie et les premiers secours. En outre, nous organisons des formations complémentaires répondant aux besoins spécifiques des différentes missions de nos agents de sécurité (ex: gestion de situations de crise, accueil et encadrement de visiteurs, standard téléphonique, accompagnement de "VIP", concepts de sécurité pour grands meetings - comme les conférences de presse -  étude et mise en place de plans d'évacuation d'immeubles, ...)"