Nathalie Goergen, responsable communication, Chambre des Salariés  (Photo: David Laurent/Wide)

Nathalie Goergen, responsable communication, Chambre des Salariés  (Photo: David Laurent/Wide)

Madame Goergen, la Chambre des Salariés du Luxembourg (CSL) est une organisation encore plutôt méconnue des travailleurs luxembourgeois…

«Je ne dirais pas cela. Même si le nouveau nom que nous portons depuis janvier 2009 n’est pas encore entré dans les oreilles de tout le monde, notre institution est bien connue, notamment des hommes politiques. Nous sommes une institution qui a été créée par la loi organique du 13 mai 2008, mais elle est à la fois jeune et ancienne, puisque c’est la loi du 24 avril 1924 qui a instauré les chambres professionnelles, entres autres la Chambre des employés privés et la Chambre du travail. La loi de 2008, en mettant en place le statut unique, a simplement réuni dans une même chambre les salariés, les ouvriers et les pensionnés…

Concrètement, si l’on veut donner des chiffres, nous sommes la plus grande chambre professionnelle au Luxembourg, car nous représentons plus de 400.000 ressortissants.

Quel est son rôle exact?

«De manière générale, notre mission est de défendre nos ressortissants, en faisant valoir leur point de vue et en les assistant. Nous avons différentes missions complémentaires. Et c’est d’ailleurs dans cette diversité que se niche la complexité de notre stratégie de communication…

Plus concrètement, nous sommes consultés et élaborons des avis sur les projets de loi et les règlements grand-ducaux. De la même manière, nous représentons les salariés dans un certain nombre d’organismes consultatifs et nous publions des documents qui visent à informer les salariés. Enfin, via le Luxembourg Lifelong Learning Center (LLLC), nous avons une offre importante de formations professionnelles.

Comment faire, dans ces conditions, pour réussir à informer vos différents publics? Comment contacter les salariés du Grand-Duché?

«Si l’on voulait faire une comparaison avec une entreprise privée, nous pourrions dire que nous distinguons deux cibles principales: les salariés et le personnel politique. Pour les premiers cités, il s’agit notamment de les informer à la fois sur leurs droits en matière de travail et de sécurité sociale, via des publications mises à leur disposition, mais également de les aider à améliorer leur situation dans le monde du travail.

Or, à la différence d’une entreprise privée classique, nous n’avons pas de fichiers de membres, de clients ou d’adhérents. Des stratégies de communication différentes de celles d’une entreprise privée doivent donc être déployées pour toucher nos cibles et pour promouvoir nos activités.

La stratégie de communication de la CSL consiste alors à utiliser plutôt une communication push et une communication relayée par des ‘influenceurs’, tout en développant des actions de communication ponctuelles, above ou below the line. Cependant, depuis quelques années, nous investissons de plus en plus dans une communication pull à l’initiative du demandeur: présence sur des portails Internet, des moteurs de recherche, des sites web, des foires…
Toucher les salariés au Luxembourg, c’est une chose plutôt compliquée! Il y a les travailleurs résidents, mais il ne faut pas oublier tous les frontaliers… En effet, même s’ils ne vivent pas sur place, ils sont tout autant nos ressortissants! Plutôt que de dépenser des sommes importantes en achats médias, nous avons préféré des stratégies alternatives.

Par exemple, en 2008, pour les dernières élections sociales, nous avions choisi de distribuer, à la gare et sur les différents P+R de la ville de Luxembourg, des brochures d’information sur le rôle et la mission de la Chambre, sur les élections sociales, et l’importance qu’il y avait à y parti­ciper. Cela nous avait permis de toucher, avec une bonne efficacité, de nombreux salariés, au moment de leur arrivée ou de leur départ.

Pour communiquer régulièrement auprès de nos ressortissants, nous avons également des supports écrits que nous éditons régulièrement et auxquels tout le monde peut s’abonner. Et puis il y a évidemment notre site Internet qui reste le moyen le plus simple et le plus efficace de diffuser de l’information.

Par vos avis, vous avez également d’autres interlocuteurs à satisfaire… Le personnel politique et tous les décideurs économiques doivent être au courant de ce que vous faites, de votre point de vue…

«Effectivement, les décideurs du pays sont également une de nos cibles… En émettant des avis sur différents textes de loi, nous exprimons le point de vue des travailleurs. En fait, notre service Avis et Etudes éclaire le débat d’un point de vue qui n’est pas nécessairement celui du patronat, mais celui de notre assemblée plénière… C’est elle qui définit les grandes lignes stratégiques de la CSL.

Il faut remettre les choses en perspective. Nous sommes un organe consultatif et nous participons à l’exercice de la démocratie au Luxembourg. Nous donnons notre avis au gouvernement sur tous les projets de loi et de règlement qui concernent l’économie, la finance, le droit social, la fiscalité ou encore la formation professionnelle… La liste est longue.

En termes de communication, cela signifie qu’il faut réussir à informer les députés et les ministres de ce que nous pensons, mais également à sensibiliser la population à nos points de vue. C’est pour cela que nous ne nous contentons pas de nos avis. Nous diffusons également des communiqués de presse et pour les sujets grandement importants, nous organisons des conférences de presse. C’est l’occasion d’informer les médias et d’utiliser leur capacité à devenir une caisse de résonance.

Et comment se positionne le LLLC? Vous êtes avec lui sur un marché bien occupé, entre l’Université et les prestataires de formation classiques… Pourquoi y êtes-vous présents?

«Nous nous sommes lancés dans la formation continue avant la plupart de ces prestataires. Nous avons notamment été un précurseur en ce qui concerne les formations universitaires en horaire aménagé sur le territoire luxembourgeois. En effet, depuis 40 ans, la CSL propose des formations professionnelles continues sous forme de cours du soir.

Depuis, l’offre de formation a connu un développement horizontal et vertical extraordinaire, de sorte que nous comptons plus de 7.000 inscriptions par an. D’ailleurs, les offres de formation ne sont pas uniquement réservées à nos ressortissants. Toute personne intéressée par nos formations est la bienvenue, indépendamment de son statut professionnel.

Pour ce qui est de notre positionnement, nous jouons la carte de la différenciation, notamment en proposant une panoplie de formations de différents niveaux – de courte, moyenne et longue durées – avec des accords de partenariat avec toute une série d’universités ou institutions étrangères, en France ou en Belgique… Je peux vous citer Panthéon Assas à Paris, l’Université Montesquieu à Bordeaux, l’Université de Nancy ou encore le CNAM Lorraine. Si les participants à nos formations peuvent s’inscrire par notre intermédiaire, le diplôme qui leur est délivré est bien, dans ces cas-là, un diplôme de ces universités ou institutions.

Nos programmes de formation ont trois objectifs communs: permettre aux professionnels d’optimiser leurs chances de promotion et d’évolution en entreprise, donner aux salariés les moyens de consolider leur emploi ou de se reconvertir et, enfin, promouvoir des politiques de management gagnant-gagnant au sein des sociétés.

Si l’on veut améliorer sa situation professionnelle, la formation reste la meilleure arme. Ce n’est certainement plus un luxe, mais bien une nécessité.

N’est-il pas compliqué de communiquer ou de développer une approche marketing lorsque l’on est une organisation ayant une mission de ‘service public’, sans objectif commercial?

«Lorsque l’on apprend le marketing, on apprend ses classiques, comme les 4P: Product, Price, Place et Promotion. Cette approche peut effectivement sembler inadaptée à des organismes n’ayant pas une visée commerciale. Denis Lindon, éminent professeur et consultant, présente le marketing comme ‘l’ensemble des moyens dont dispose une entreprise pour vendre ses produits à ses clients d’une manière rentable’. Imaginons que l’on remplace ‘entreprise’ par ‘organisation’, ‘clients’ par ‘ressortissants’ et que plutôt que de se concentrer sur la ‘vente de produits’, on parle de ‘promotion de la formation professionnelle continue’. Enfin, si plutôt que de parler de rentabilité, on se met à viser des objectifs non financiers, alors il est possible de définir et d’appliquer une approche marketing à un établissement dont la mission est d’intérêt général.

Prenons le LLLC. Il promeut et met à la disposition de ses ressortissants son offre de formation, dans leur propre intérêt, en vue d’améliorer leurs compétences et donc leur employabilité. Nous pouvons alors mettre en place une démarche marketing presque classique, avec une étude des concurrents, la définition d’une stratégie, la planification de différentes actions et, enfin, l’évaluation des résultats. Bien entendu, ces actions doivent être faites en accord avec l’esprit, les missions et la stratégie de la CSL.

Cette approche nous permet d’être structurés correctement, de manière à promouvoir nos activités dans le domaine de la formation continue. Elle nous permet de dépasser les résultats des enquêtes de satisfaction auprès de nos étudiants. Avec l’environnement concurrentiel qui s’est intensifié, avoir bonne réputation ne suffit plus. Il nous faut des supports, papier et numériques, qui soient capables de bien représenter notre offre.»

 

Parcours - Agence interne

Agée de 45 ans, Nathalie Goergen a suivi une formation en journalisme et communication à l’Université Libre de Bruxelles. «J’ai également bénéficié du soutien du LLLC, en suivant un master de l’Université de Panthéon Assas de Paris, dans le domaine du marketing et de la communication des entreprises.» Avant d’arriver à la CSL, elle a connu différentes expériences professionnelles, notamment en agence de communication. «Cela m’a permis de comprendre la démarche globale, d’avoir une expérience de l’autre côté du rideau. En fait, si je voulais résumer, je dirais que je suis une espèce de petite agence de communication interne, qui offre du conseil à la Chambre des Salariés. Mon arrivée dans un organisme comme la CSL ne s’est pas faite au hasard. Pour moi, par rapport à mes attentes, il est beaucoup plus important de travailler sur la communication d’une structure qui a des buts
différents que le simple bénéfice net en fin d’année.»