Pierre Moscovici veut en finir avec les pratiques des multinationales. (Photo: Commission européenne/Services audiovisuels)

Pierre Moscovici veut en finir avec les pratiques des multinationales. (Photo: Commission européenne/Services audiovisuels)

«Les jours sont comptés pour les entreprises qui réduisent leurs impôts aux dépens des autres.» Le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, à la Fiscalité et au Commerce, Pierre Moscovici, a dévoilé ce jeudi le paquet programmé par la Commission pour lutter contre l’évasion fiscale. Il est présenté comme un ensemble d’initiatives pour une action plus forte et mieux coordonnée de l’UE contre les abus pratiqués par les grandes entreprises internationales.

Le paquet est basé sur trois piliers: la taxation effective, la transparence fiscale et l’idée d’un «level playing field» qui dépasse les frontières de l’UE pour s’assurer que les règles du jeu soient les mêmes pour tous.

Bénéfices réels

La Commission insiste donc pour que les nouvelles règles aboutissent au fait que les multinationales paient l’impôt dans le pays où elles réalisent réellement les bénéfices. Pour y parvenir, elle préconise l’instauration de rapports pays par pays quant à l’activité des grandes sociétés. Le but est que les administrations fiscales des «Vingt-huit» disposent des informations les plus précises pour mettre un terme aux pratiques fiscales agressives.

«Chaque année», explique le commissaire français, «ce sont des milliards d’euros qui sont perdus par les pratiques d’évasion fiscale. Le Parlement estime la perte entre 50 et 70 milliards par an. C’est de l’argent qui devrait pouvoir être utilisé pour des services publics comme les écoles et les hôpitaux, pour soutenir l’emploi et la croissance. Et au final, ce sont les citoyens et les entreprises honnêtes qui doivent payer plus d’impôts. C’est inacceptable, et aujourd’hui, nous agissons pour y mettre un terme.» Selon lui, le principe du transfert de bénéfices contraint les entreprises locales à payer 30% d'impôts supplémentaires. 

Chaque année, des milliards d'euros sont perdus par les pratiques d'évasion fiscale.

Pierre Moscovici, commissaire à la Fiscalité

Le paquet se concrétisera sous la forme de deux directives contenant des mesures légales à adopter par les États membres pour lutter contre l’évasion fiscale, de recommandations envers les États pour qu’ils renforcent les traités fiscaux afin d’éviter les pratiques agressives et d’un volet communication afin d’assurer une meilleure gouvernance fiscale internationale.

Concurrence fiscale loyale

Dans une large mesure, la volonté de l’Union européenne est de mettre en pratique au niveau des «Vingt-huit» les mesures préconisées dans le plan Beps de l’OCDE, qui propose notamment que les sociétés multinationales rédigent chaque année un rapport sur leurs activités dans chaque pays où elles sont actives.

Les administrations fiscales pourront alors mieux percevoir la teneur exacte de leurs activités et éviter qu’elles transfèrent des bénéfices dans des pays aux régimes fiscaux plus favorables, mais où leur présence n’est pas substantielle.

«Il ne sera pas question d'imposer un niveau de fiscalité minimum pour chaque État», précise Pierre Moscovici. «Chaque État membre pourra continuer à choisir son taux de fiscalité, mais il devra respecter une concurrence fiscale loyale.»

Pour lui, ce paquet devrait être adopté très rapidement - déjà au cours de ce semestre sous présidence néerlandaise - même s'il s'attend à des débats importants au niveau du Conseil et du Parlement. Les décisions en matière fiscale doivent en effet être prises à l'unanimité des membres, et ce n'est jamais une mission simple.