Maître Sinniger, est-il possible de modifier un contrat de travail?
«L’employeur peut modifier unilatéralement un contrat de travail, mais doit, conformément à l’article L. 121-7 du code du travail, respecter une procédure qui diffère selon que la modification porte sur une clause accessoire ou une clause essentielle de ce contrat et selon qu’elle est neutre, favorable ou défavorable au salarié. Pour être qualifiée d’accessoire, la modification doit porter sur un élément non déterminant ou un élément dont les parties avaient prévu d’emblée la possibilité d’une modification ultérieure. Il s’agit par exemple de l’horaire de travail (si le contrat comporte une clause de flexibilité de l’horaire), du changement de lieu de travail (s’il inclut une clause de mobilité géographique). Quant à la modification substantielle, elle doit porter sur un élément essentiel qui avait pu déterminer les parties à contracter. Il s’agit notamment de la rémunération, de la fonction, de la durée du travail, de l’horaire ou du lieu de travail (à défaut des clauses citées ci-dessus).
Comment peut-on modifier unilatéralement un contrat de travail?
«En principe, toute modification d’un contrat de travail doit faire l’objet d’un avenant écrit, établi en double exemplaire et conclu au plus tard au moment de la prise d’effet de la modification. En effet, toute modification en défaveur du salarié et portant sur une clause essentielle du contrat doit, avant de faire l’objet d’un avenant, être notifiée au salarié selon une procédure similaire à celle applicable en cas de licenciement. Par ailleurs, il convient de distinguer la modification avec effet immédiat de la modification avec préavis. Pour les changements de conditions de travail nécessitant une application immédiate, les motifs graves doivent être précisés dans la lettre de notification. En l’absence de motif grave, la modification du contrat prendra effet après un délai de préavis
(à savoir deux, quatre ou six mois) qui est fonction de l’ancienneté du salarié. Dans ce cas, le salarié pourra demander les motifs justifiant cette modification dans les formes et délais prévus par la loi. Notons que la lettre de notification doit être envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en mains propres contre signature apposée par le salarié sur le double de la lettre. Pour les entreprises employant 150 salariés ou plus, un entretien préalable avec le salarié doit en outre avoir lieu.
Le salarié est-il en droit de refuser une modification substantielle faite dans le respect de la procédure?
«Si le salarié refuse une modification substantielle de son contrat (par exemple: la rémunération) qui lui a été notifiée en bonne et due forme, il doit démissionner avant l’entrée en vigueur de celle-ci, car le contrat de travail cessera à cette même date. Cette démission équivaut alors à un licenciement susceptible de recours judiciaire. Il y a toutefois présomption d’acceptation des nouvelles conditions de travail lorsque le salarié continue à travailler après l’entrée en vigueur des modifications. Dans ce cas, toute contestation ultérieure du salarié est inopérante.
Quelles sont les conséquences pour l’employeur en cas de non-respect de la procédure?
«Dans ce cas-là, la modification de la clause essentielle du contrat de travail opérée en défaveur du salarié est considérée comme nulle. Dans un délai de 15 jours, le salarié pourra demander, par simple requête au président de la juridiction du travail, de constater la nullité de ladite modification et d’ordonner le maintien de son contrat initial. Si le juge estime que les motifs à la base de la modification ne sont pas justifiés ou que l’employeur a omis de les fournir au salarié dans les formes et délais prévus par la loi, l’employeur devra assumer les conséquences d’un licenciement abusif et pourrait être amené à verser au salarié des dommages et intérêts.»